Citations sur Le fondement de la morale (30)
"[…] l'homme, en fait, recourt au suicide, dès que chez lui l'instinct inné, et si merveilleusement fort, de la conservation, est décidément vaincu par la grandeur des maux [...]"
"Seul, et différent en cela de la bête, l'homme n'est pas exposé aux douleurs physiques seulement, à ces douleurs tout enfermées dans le présent : il est encore livré en proie à des douleurs incomparables, dont la nature est de déborder sur l'avenir et sur le passé, aux douleurs morales ; aussi, en compensation, la Nature lui a accordé ce privilège, de pouvoir, alors qu'elle-même n'impose pas encore un terme à sa vie, la terminer à son gré ; et ainsi de ne pas vivre, comme la bête, aussi longtemps qu'il peut, mais aussi longtemps qu'il veut."
"[...] car l'expérience, silencieusement, à chaque pas que font ces doctrines, dépose une protestation."
"Ainsi une vie tout entière, avec tous ces travaux qui l'emplissent, est comme un cadran d'horloge, qui a pour ressort caché le caractère ; c'est un miroir dans lequel seul chacun peut voir, par les yeux de l'intelligence, la nature de sa volonté en elle-même, son essence propre."
"La justice, voilà en un mot tout l'Ancien Testament ; la charité, voilà le Nouveau."
"À cet effet, il est nécessaire que je compatisse à son mal à lui, et comme tel ; que je sente son mal, ainsi que je fais d’ordinaire le mien. Or, c’est supposer que par un moyen quelconque je suis identifié avec lui, que toute différence entre moi et autrui est détruite, au moins jusqu’à certain point, car c’est sur cette différence que repose justement mon égoïsme. Mais je ne peux me glisser dans la peau d’autrui : le seul moyen où je puisse recourir, c’est donc d’utiliser la connaissance que j’ai de cet autre, la représentation que je me fais de lui dans ma tête, afin de m’identifier à lui, assez pour traiter, dans ma conduite, cette différence comme si elle n’existait pas."
"D’une façon générale, une inconséquence, une imprudence quelconque, une action contraire à nos desseins, à nos principes, à nos convictions de toute espèce, une indiscrétion, une maladresse, une balourdise, nous laisse après elle un souvenir rongeur : c’est un aiguillon dans notre cœur."
"Une valeur comparable, inconditionnée, absolue, comme doit être la dignité, est donc, ainsi que mainte chose en philosophie, un assemblage de mots, dont il s’agirait de faire une pensée, mais qu’on ne peut nullement penser, non plus que le nombre le plus grand, ni l’espace le plus vaste."
"Aussi, veut-on savoir si un homme parle d’après ce qu’il sait ou d’après ce qu’il désire ?"
"la Raison en effet donne à l’homme sur les bêtes cet avantage, de pouvoir non-seulement entendre, mais encore comprendre (vernehmen), non pas les choses qui se passent dans la cité des coucous au sein des nuages, mais ce qu’un homme raisonnable dit à un autre : ce dernier comprend (vernimmt) ce que dit l’autre, et cela s’appelle Raison (Vernunft). Voilà comment le mot Raison a été entendu chez tous les peuples, en tous les temps, dans toutes les langues : c’est la faculté qui nous rend capables de ces idées générales, abstraites, et non purement intuitives, les concepts, dont les mots sont les signes et les moules fixes [...]."