« Grekova : Où avez-vous mal ?
Platonov : J’ai mal à Platonov »
(Ce fou de Platonov, Anton Tchekhov)
...tout un monde résumé en une seule phrase.
J’ai mal à Platonov.
De la douleur d’exister, de la détestation de soi-même, vivre avec soi : le pire des supplices. C’est simple, bref et profond à la fois, d’une extraordinaire limpidité.
La fatigue m’empêche aussi de réfléchir. C’est le plus terrible. Ma tête se vide, s’assèche, rien à y mettre, rien qui s’y passe, un grand hall vide et froid
Elles pouvaient bien vivre dans le passé si ça leur chantait, nous, nous avions encore notre jeunesse pour courir jusqu'à nos rêves.
L’homme est le maître de son destin, c’est ce qu’on dit, du moins une partie d’entre nous, car il y aussi les adeptes de la guigne, ces prophètes assommants, ceux, nombreux, qui pensent que les hommes sont les jouets de la fatalité.
Un dimanche par mois mon père achetait le journal. Il s’asseyait sur le canapé, prenait une respiration profonde, tendait les bras droit devant et l'ouvrait pile au milieu. Il tournait les pages, s'attardait sur chacune d'elles, semblait y pendre plaisir. Un dimanche, il a ouvert son journal à l'envers, avec le gros titre en bas. Il a tourné les pages, s'est attardé pareil, puis l' a tranquillement refermé. Le monde a bien commencé par là, puisque d'emblée il nous a séparés des astres.
Elle veille le silence et les ombres. Elle ne brille pas, elle donne la mesure des ténèbres.
J’ai toujours pensé que le théâtre ne pouvait rien changer à l’évolution du monde, qu’en réalité il ne servait à rien. Mais il était ma vie. L’art nécessaire de l’inutile ; une vie entière consacrée à ça. Il y a dans cette façon qu’ont les acteurs d’être ensemble, une vision commune du monde, un amour commun, le même pour tous : le sens profond des mots, le miracle de la parole lumineuse.
Personne ne devrait en arriver à passer ses journées à laver la souillure des autres
C'est seulement maintenant que je peux en percevoir toute l'âpreté, car elle définit si justement ce que je ressens, l'état épouvantable dans lequel je me trouve.
J'ai mal à Platonov.
Du désenchantement de l'existence. Cette fois, à n'en pas douter, elle m'a touchée au cœur.
Une femme sans enfant avait aussi peu d’utilité qu’un arbre qui ne donne jamais de fruits ou qu’un puits qui ne contient que de l’eau sale.