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Critique de Alzie


Alzie
08 septembre 2022
À quelle symphonie, huitième, neuvième, dixième, renverrait ce titre ? Difficile à savoir quand on sait que Malher par superstition n'aimait pas numéroter ses oeuvres. Est-ce une métaphore de son retour de N. Y. Mahler se sachant proche de la mort qu'a voulu souligner l'auteur ? Mélomanes et lecteurs à vous d'en décider. Fureur et démesure de la fièvre créatrice, passion du travail toujours remis sur le métier, l'oreille tendue vers la musique entre direction orchestrale et composition ainsi vécut semble-t-il Gustav Mahler jusqu'à la fin de sa vie. le créateur a suscité suffisamment de fascination pour prêter quelques-uns de ses traits à l'écrivain Gustav Aschenbach dans La mort à Venise de Thomas Mann et pour que Visconti emprunte un peu de sa cinquième symphonie pour accompagner l'adaptation du roman qu'il réalisa au cinéma. Dernière "croisière" transatlantique en tout cas d'une célébrité de l'époque qu'on accompagne ici rentrant malade et affaibli en Europe, à cinquante ans, par la voie maritime seule possible en 1911, après trois ans passés à la tête du Metropolitan opéra de N.Y. Retour qui avait suggéré à S. Sweig un portrait hommage au musicien en 1915 ; C'est ce moment biographique particulier qui inspire à Robert Seethaler ce texte court dans lequel il donne la parole à l'artiste pour faire entendre bien d'autres voix ; le musicien semble s'adresser d'abord à lui-même depuis le pont supérieur de l'Amerika, tout juste quelques propos sont-ils échangés avec un jeune homme porteur de thé affecté à son service dont les apparitions discrètes ne font que rendre plus sensible le lien ténu qui relie pour peu de temps encore Malher au reste du monde (Il meurt en mai 1911).

On pourrait regretter l'excès de théâtralisation autour de la personne de Mahler. Seul sur le pont du navire, face à l'immensité de l'océan qu'il prend à témoin. Mais l'auteur rend vite à Gustav son univers musical, vocal et orchestral, au sein de ses horizons affectifs et montagnards de prédilection. Derrière sa carrière accaparante hors norme riche de saisons triomphales et de déconvenues (notamment les dix années passées à réformer sans relâche l'opéra impérial de Vienne pour en faire une institution de premier plan entre 1897 et 1907 laissèrent leurs traces d'aigreur et de ressentiment), le Maître revient mentalement et inexorablement sur ses dernières années de création et vers les paysages bucoliques du Sud-Tyrol face aux Dolomites, ceux des étés heureux et féconds en famille à Toblach (où il composa le "Chant de la terre" et ses dernières oeuvres dans une nouvelle cabane de composition) ; conversant toujours avec ses vieux démons invaincus - au rang desquels les déboires d'un corps récalcitrant soumis depuis l'enfance aux migraines, crises, transes et fièvres diverses (qui lui vaudront sa consultation promenade de quelques heures avec S. Freud !). Mais ces horizons aimés font encore résonner l'écho douloureux de la mort prématurée de l'aînée de ses deux fillettes et esquissent l'ombre de son amour trop intransigeant puis jaloux, où pointent quelques sarcasmes, pour Alma Schindler (1879-1964), également musicienne, dont il connaît la liaison avec "le petit maître d'oeuvre" (W. Gropius). Alma, pourtant avec lui sur le bateau du retour, dont la présence/absence en creux par dialogues remémorés assure finalement à cette introspection fictive les accents authentiques d'un chant d'adieu personnel tragique que R. Seethaler fait composer à Mahler pour sa femme.
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