Je te demande de ne pas considérer l'argent comme l'essence de la vie. L'argent comme l'essence de la vie ne te conduit que sur la fausse route où, tôt ou tard, tu seras seul. L'argent ne solidifie rien. Au contraire, il détruit tout ce qui nous reste d'humanité.
L' argent ne solidifie rien . Au contraire , il détruit tout ce qui
nous reste d' humanité .
La vie n' est plus comme avant . On ne peut plus compter sur les voisins .
Maintenant chacun vit pour soi .
Devant l'entrée principale, comme sur les marches, des essaims de gens étaient agglutinés ; à gauche et à droite, des poignées de mains se distribuaient. Un planton âgé, royalement assis, discourait avec entrain.
Le soleil dans sa dernière course embrassait tout le niaye, baignant le couchant dans une eau couleur safran ; les zones ombragées s'élargissaient.
Dans la pièce, Dieng s'allongea ; ses gémissements, à chaque pulsation, montaient d'une gamme. Des narines, à nouveau, s'écoulait le sang. Les deux bras sur la tête, Aram poussa un nouveau cri, long et plaintif.
A Santhiu-Niaye, vu du haut de la dune, s'alignaient des cases selon une loi de l'urbanisme propre aux gens d'ici : l'alignement par famille et par rang. Les maisons se couchaient comme une fille frileuse, peureuse, nue, les mains jointes entre les cuisses.
- Que veux-tu, toi ?
- Moi ? ... Un extrait de naissance.
- Né où et à quelle date ?
- Voilà mes papiers.
- Je n'ai pas à regarder tes papiers. Ta date de naissance, et le lieu ?
Désemparé par la dureté du ton, d'un regard apeuré, Dieng chercha alentour un soutien. Il exhiba encore ses papiers. (...)
- Ibrahima Dieng né à Dakar vers 1900.
- Le mois, je veux savoir.
- Et tu crois que je vais chercher ? Je ne suis pas archiviste.
Ces répliques se faisaient en français. Petit à petit le ton s'élevait et finalement une vive dispute éclata entre les deux employés et le public. Chacun parlait.
- Bougresse! dés qu'on parle d'argent vous voilà frétillantes comme des vers. C'est de l'argent.
- Il vient d'où ?
De Paris... Un mandat.