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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Celui qui meurt, qu'il soit riche ou pauvre, est toujours tout seul même si les autres vont le voir. La vie est ainsi et Dieu qui l'a créée sait pourquoi".


Quelle puissance que ce "Requiem pour un paysan espagnol". Des phrases courtes qui claquent, qui vous obligent à regarder L Histoire et la folie des hommes, tout en n'exprimant pas ouvertement la violence de la guerre mais qui la suggèrent. Des mots choc qui sollicitent votre imaginaire afin de prendre toute la mesure de ce que fut cette période terrible que la guerre civile espagnole. En quelques phrases, quelques scènes, quelques mots, on capte l'arbitraire, la violence, l'injustice, le fanatisme qui a saisi l'Espagne.

Ramon Sender cherche à secouer nos consciences, à ébranler notre sens moral et c'est, en ce qui me concerne, réussi. C'est un texte court mais saisissant qui s'appuie sur les souvenirs d'un prêtre qui attend de pouvoir célébrer la messe de requiem pour le repos de l'âme de « Paco du Moulin », décédé il y a un an. Accompagné de la chanson écrite en l'honneur de Paco et fredonner par l'enfant de choeur qui est auprès de lui, Mosen Milan, curé de la paroisse d'un petit village aragonais, éloigné de tout, se rappelle l'histoire de Paco du Moulin. Les souvenirs défilent, son baptême, ses communions, son mariage. Il aimait bien cet enfant qui posait des questions auxquelles, le prêtre ne pouvait pas toujours répondre.

Cet homme d'église aurait-il un problème avec sa conscience ? Que s'est-il passé ?

Il se remémore cette scène qui a marqué Paquito au « fer rouge » : Enfant de choeur, Mosen Milan lui avait demandé de l'accompagner à l'extérieur du village, là où la pauvreté pousse les paysans à s'exiler dans des grottes sans eau, ni feu, ni lumière, afin de porter l'extrême-onction à un homme gravement malade, agonisant dans un dénuement le plus total. La vision d'une telle misère, d'une telle détresse marquera à tout jamais le jeune Paquito qui, devenu adulte, Paco, s'engagera sur les chemins de la première République Espagnole.

Egrenant ses souvenirs, Mosen Milan nous restitue le contexte de cette période et les affrontements qui vont en découler entre notables et paysans. Au fur et à mesure que la lecture avance, la tension se fait de plus en plus vive dans le village et le drame se pointe à l'horizon.

Ramon Sender (1901 – 1982), lié aux milieux anarcho-syndicalistes, a perdu sa femme et son frère exécutés par les phalangistes et ce sont ces blessures intimes que l'on prend en pleine figure en lisant ce texte très court mais qui concentre à lui tout seul, à la fois, l'homme dans tout son altruisme, son courage, sa soif de justice mais aussi dans toute son ignominie, sa cruauté et sa lâcheté !

Un texte bref mais si dérangeant qu'il fut censuré pendant toute la période franquiste.

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Roman si court que d'aucuns le décrètent nouvelle , je pencherai plutôt pour le scénario d 'un drame cinématographique . le livre sera d'ailleurs adapté au cinéma par Francesc Betriu en 1985 avec Antonio Banderas dans le rôle de Paco . Les personnages sont ceux d'un village non nommé et de ceux qui en tirent les ficelles . Nous sommes dans le même climat social que dans " l'empire d'un homme " , des petits paysans , d'un grand dénuement , des riches , souvent propriétaires , ou se disant tel ,du foncier et enfin l'église qui régit la conscience des pauvres mais cautionne celle des autres . Ceux qui assassinent pour faire régner leurs droits sur le peuple sont clairement du coté de la phalange , mais cela n'est que suggéré . Sender qui se rangea un moment dans le clan communiste les trouvant potentiellement plus efficaces que les anarchistes pour lutter contre la droite , se le reprochera toute sa vie . Sa compagne , Amparo Barayon fut arrêtée et fusillée ainsi que son frère Manuel peu après son élection en tant que Maire de Huesca . On comprend alors qu'il n'accepte de retourner en Espagne en 1974 qu'à condition que soit enfin édité " Requiem pour un paysan espagnol " .
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Poignant.
Ecriture en osmose avec le thème. Pas de mots superflus, une longueur du texte juste ce qu'il faut pour décrire ce qui, de toute éternité, n'a pas besoin de fioritures.
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Requiem pour un paysan espagnol (1953) & le Gué (1948) (aux Editions Attila, 2010)

À l'intérieur d'une église qui reste obstinément vide, le curé, Mosén Millán, est sur le point, en cette année 1936, de célébrer la messe d'enterrement de Paco, fusillé par les phalangistes. Seul, appuyé contre le mur de l'église, il repasse le film de ses souvenirs, ceux du baptême, de l'enfance de Paco, de ses actes de compassion envers les pauvres, de son mariage, de ses espoirs et de sa lutte après 1931, et enfin de sa chute dont le prêtre a été l'artisan sans l'avoir vraiment voulu.

Par les yeux de ce prêtre passif, défenseur avec l'Église de l'ordre établi et des puissants, sont évoqués en filigrane la misère noire de l'Espagne d'alors, le système de domination des propriétaires terriens hérité de l'époque médiévale et les années troublées précédant la guerre d'Espagne.

Inspiré par l'histoire familiale de Ramón Sender, son frère et sa femme étant tombés sous les balles franquistes, ce court roman initialement publié au Mexique en 1953 est surtout une histoire humaine, celle du courage et de l'intégrité de Paco et celle de l'attitude du prêtre, homme gris qui a trop peu de force pour un grand dessein - qui m'a remis en mémoire cette citation de Primo Levi : « Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux ; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter »

« Un groupe de jeune gens arriva au village, des fils de bonne famille avec des bâtons et des pistolets.
Ils avaient l'air de pas grand-chose, et certains poussaient des cris hystériques. Jamais on n'avait vu de gens aussi effrontés. Normalement, ces garçons rasés de près et élégants comme des femmes, on les appelait, au carasol, petites bites, mais la première chose qu'ils firent fut de passer une formidable raclée au cordonnier, sans que sa neutralité lui serve à quoi que ce soit. Puis ils abattirent six paysans, dont quatre de ceux qui vivaient dans les grottes, et ils laissèrent leurs corps dans les fossés de la route qui menait au carasol. Comme les chiens venaient pour lécher le sang, ils postèrent un des gardes du duc pour les écarter. Personne ne demandait rien. Personne ne comprenait rien. Les gardes civils n'intervenaient pas contre les étrangers.
À l'église, Mosén Millán annonça que le très saint sacrement serait exposé jour et nuit, puis il protesta auprès de don Valeriano, que ces petits messieurs avaient choisi comme maire, parce que les six paysans avaient été tués sans avoir eu le temps de se confesser. le curé passait ses jours et une partie de ses nuits à prier.»

Requiem pour un paysan espagnol est suivi dans ce volume publié par Attila en 2010 par un deuxième court récit de 1948, également sobre et magnifique, « le Gué », la culpabilité d'une moucharde après la folle dénonciation de son beau-frère, fusillé lui aussi par les franquistes.
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Une oeuvre , courte , dense , qui claque , sans échappatoire pour le lecteur .

Ecrite en 1953 au Mexique par Ramon Sender qui débutera sa carrière d'écrivain par cette première oeuvre majeure. Ce court récit est un écho lancinant des souffrances du peuple espagnol en cette période trouble de la montée du fascisme , qui marquera l'histoire de ce pays durant des décennies; Ramon Sender lui même étant touché directement par la perte de sa femme et de son frère dans cette guerre silencieuse , utilisera sa plume pour mener son propre combat et continuer à vivre.

Mosen Millan curé de campagne se prépare à dire une messe pour Paco ,jeune homme fusillé par les phalangistes ; dans l'attente des fidèles , sous le regard d'un enfant de coeur qui chante l'hymne qui circule depuis cette tragédie, sur ce héros de l'histoire , le prêtre se souvient .....

Du baptême du nourrisson associé à ses papilles régalées en ce jour de fête ...

De l'enfant "Paquito"qui servit à ses côtés dans l'église , enfant de choeur bien-aimé ,

Du jeune homme curieux , et trop souvent dérangeant par son regard trop plein de questionnements sur l'ordre établi ,

De cet ordre justement , si bien gardé jusqu'alors où chacun avait sa place , noblesse ou paysannerie , et tout allait bien ainsi ...Avec les plus pauvres parmi les plus pauvres loin du centre villageois , dans les grottes ....parce que ça fait désordre et qu'on n'y peut rien,
Chut ,

De l'audace de Paco devenu homme qui refuse de se taire et bouleverse tous les rouages de cette structure ancestrale pour avancer vers la libération du peuple soumis encore au servage ,

De"la Jéronima" sorcière représentante des temps ancestraux où les croyances paiennes régulaient les passions des hommes , de Don Valériano et de Don Gumersindo représentant la puissance nobiliaire inattaquable , du rôle de chaque membre de cette petite communauté , rôle inébranlable jusqu'alors , bien gardés par la conscience collective ,

Et puis ....de son rôle à lui ....qui le conduit , au nom de Dieu le père tout puissant à ne pas pêcher par le mensonge et à faire acte de délation lorsque les fascistes poursuivaient Paquito , Paco ....l'homme au grand coeur , libre et rebelle ....
Dans la sacristie , il attendra en vain l'arrivée des villageois : le peuple a parlé par son absence .

Seul face à Dieu , seul face à sa conscience douloureusement tenue en éveil par la présence des trois notables impliqués dans l'assassinat de Paco et qui viennent payer la messe dans un souci de maintien de l'ordre immuable !

Les yeux fermés , tout au long de ses réminiscences qui remontent en surface , rythmé par le chant litanique racontant l'histoire de Paco mort pour le peuple .....

A travers une écriture elliptique , sêche , aride , des personnages symboliques aussi burlesques que dramatiques , Ramon Sender a su faire de cette oeuvre subversive , un pilier incontournable pour qui veut appréhender l'histoire de l'Espagne de l'intérieur .

Longtemps interdit en Espagne et circulant souvent sous le manteau , il fallut attendre la mort de Franco pour qu'il soit publié et dans son engagement sans réserve , Ramon Sender renoncera à ses droits d'auteur permettant ainsi une plus grande diffusion .
Une oeuvre magistrale .
J'ai regretté de ne pas l'avoir lu dans sa langue : les sons gutturaux de l'idiome espagnol accentuant sans aucun doute l'impact de ce récit rude , sobre et qui agit sur le lecteur avec un certain décalage dans la temporalité : l'impact ne se ressent pas dans l'immédiateté tel les contes et légendes .....
Au delà de son sens politique , Ramon Sender offre aussi une immense réflexion universelle : celle de la notion de culpabilité liée au sens du devoir démontrant la complexité du "dur métier de vivre" pour l'homme englué dans ses passions , sa moralité , ses appartenances religieuses et sociales .
On retrouvera d'ailleurs ce même thème dans la nouvelle "Le gué" , tout aussi poignante mais plus intimiste .
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Un sacré livre, à mon avis. Très simple dans ses mots, l'intrigue n'est pas très difficile à suivre. Mais c'est justement cette simplicité qui rend d'autant plus frappante la cruauté et l'injustice de la condition humaine.
Requiem pour un paysan espagnol relate les grands moments de la vie d'un homme nommé Paco (son baptême, son enfance,ses noces puis sa décadence). A chacun de ces moments est présent un homme. Un prêtre. Celui du village. Se considérant comme le père spirituel de Paco, il ne cessera de l'accompagner, le suivant du début de sa vie jusqu'à sa fin tragique. Ce roman met donc en scène un vieux prêtre qui, du fond de son église, revit dans ses souvenirs sa relation père/fils avec un enfant un peu turbulent, naïf et surtout, révolutionnaire.
En conclusion, un livre très émouvant, dont la fin a su m'arracher quelques larmes. Je le recommande très chaleureusement.
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