Voter, travailler, participer à la vie économique, quelle drôle d’idée pour une femme ! Comme si leur vie pourtant si douce et agréable ne leur suffisait pas ! Car les plus virulentes n’étaient pas les pauvresses qui trimaient de l’aube au coucher dans les filatures. Ces dernières ne faisaient qu’obéir aux grandes bourgeoises et aux aristocrates anglaises qui défiaient leurs maris, leurs pères, leurs frères, en brandissant des pancartes pour revendiquer leurs droits. Et elles entraînaient les ouvrières qui payaient souvent durement leurs provocations.
Sous son éclat, on distinguait une sorte de lavoir sommaire ; c’était là que, le jour, les femmes de Fleurville venaient battre leur linge. On y réglait les problèmes des unes et des autres, à grandes exclamations ponctuées de coups de battoir. On s’y querellait aussi mais il était rare que les femmes en viennent aux mains. En général, les injures et les imprécations suffisaient à calmer le jeu.
D’ailleurs, elle était plus appétissante, plus jeune, et vierge, détail qui ne gâtait rien et ajouterait du piment à la chose. Il serait le premier. Il en ferait sa propriété. Il aurait la chair fraîche à domicile, aussi souvent que le désir le prendrait.
Laver, c’est une affaire de femmes ! Ce sont toujours les femmes qui se sont chargées de cette tâche.
On a certes brûlé des sorcières au Moyen Âge, mais ces temps sont révolus.
La rumeur se propagea comme le vent, se rua dans les étables, traversa les prés, se glissa entre les pommiers en fleur, et finit par pénétrer dans la ferme des Voisin.
Ces femmes-là étaient capables de tout et surtout du pire ! Leur âme était noircie par le diable lui-même, et elles ne se rendaient à la rivière que pour tenter de laver leurs fautes, en vain : rien ne pouvait effacer les taches originelles.
On raconte qu’ils ne rigolent pas tous les jours ! Mais bon, comme disent les gens, la vie est dure pour tout le monde. Les paysans ont l’habitude des calamités et ils baissent la tête pour mieux les supporter.
En général, les femmes préfèrent caqueter ensemble, en plein jour !
Les paysans jugent sans essayer de comprendre.