Il n’y avait pas d’excision dans l’islam d’Ahmir. Il y avait bien sûr le hijab, le petit voile qui ne couvrait que les cheveux, mais pas de niqab ni de burqa. Et surtout, Allah était amour, bonté et paix.
— Savez-vous comment on appelle ces compositions?
... Elles portent le nom de vanité. Ce sont des œuvres qui évoquent la destinée mortelle des hommes. La fuite du temps… De vaines tentatives de la part des artistes de rendre manifeste ce qui ne peut se laisser saisir.
Depuis le début des années soixante, l’Amérique changeait. La preuve… Huit jours auparavant, on avait remis le prix Nobel de la paix à un nègre. Pourquoi ne pas le nommer président, tant qu’à y être!
Il avait bien ri, l’année précédente, en entendant le discours de cet homme qui rêvait d’une Amérique fraternelle.
«I have a dream…», avait dit Martin Luther King devant une foule de plus de deux cent cinquante mille personnes, réunies en face du Capitole de Washington. «Tu peux toujours rêver, le nègre!» avait lancé Gustav alors qu’il regardait, avec son père malade, le discours retransmis sur les ondes de la télé d’État. Aujourd’hui, cependant, Gustav ne riait plus. Il était anxieux. Même le Québec abandonnait ses valeurs traditionnelles au profit d’une idéologie libérale. Depuis que Jean Lesage et son parti avaient mis fin à l’emprise de l’Union nationale, en juin 1960, une révolution sournoise balayait la province.
Elle n’avait jamais plongé dans une relation en état de sobriété, ou sans être en crise. L’alcool et le sexe compulsif avaient toujours servi de prémices. Elle avait besoin d’être anesthésiée pour aborder quelque relation que ce soit avec les hommes. Mais maintenant qu’elle pratiquait l’abstinence d’alcool et de sexe…
— Tu es aussi désirable que le premier jour où je t’ai rencontrée.
Kate le croyait. Elle l’avait vu pendant toutes ces années avec Nicoleta. Elle avait vu comme il la regardait avec désir, comme il embrassait du regard ses courbes devenues pleines, comme il ne tarissait jamais d’éloges sur sa beauté, ses talents, son amour pour ses enfants. Elle l’avait vu aimer une autre femme. Mais elle n’aurait jamais cru, un jour, être cette femme.
— Qu’est-ce qu’on sait? questionna Kate tout à coup, prenant la situation en main.
Son proverbial «Qu’est-ce qu’on sait?» surprit l’équipe.
— Does that mean that you’re back on board? lui demanda Todd en souriant.
— La toile est intéressante à plus d’un égard… Il s’agit d’une vanité, mais en même temps «l’image dans l’image»…, ajouta Marie-Agnès Vallières, c’est daliesque.
— Une vanité?
— C’est un type de composition qui a pour but de rappeler à l’Homme qu’il n’est pas éternel…
— Comme l’Homme essaie vainement de le croire, termina Kate.
Le portrait non pas d’un individu mais d’un monstre commença alors à se profiler dans l’esprit de Kate. Un monstre intelligent, dont la cruauté ne semblait pas avoir de limites. Un monstre qui, vraisemblablement, avait commencé à tatouer ses victimes…
Cette enfant avait transformé sa vie. Grâce à elle, à sa «différence» surtout, Kate avait retrouvé son enfance perdue. Elle avait réappris à jouer, à sourire, à rire. Car Élisabeth ne vivait que pour le moment présent, s’attachant à chaque parcelle de bonheur qu’on lui offrait, consciente que cela pourrait être la dernière.
— Je trouve que Van Gogh donne une interprétation très moderne de la vanité dans cette toile.
— L’homme qui continue de fumer même à l’état de squelette… Le gouvernement devrait se servir de ce tableau pour sa publicité antitabac.