Les noces de Poitiers

Quelqu'un qui parlait dut soudain se taire. Mais qui parlait à ce moment-là. Gérard, quelques secondes plus tard, était incapable de se souvenir. peut-être même personne ne parlait-il ? Sans doute, dans ce cas, le changement eut-il été moins frappant ?
Il n'avait pas dormi, évidemment. On ne dort pas à un dîner de noces, à plus forte raison quand ce sont ses noces à soi. N'empêche qu'au moment où le garçon, en sortant de la salle, poussa comme machinalement le commutateur électrique, Auvinet sursauta, mettons tressaillit, pour ne pas exagérer, et regarda autour de lui avec des yeux de poisson.
Il cessait tout à coup d'être acteur pour devenir spectateur. Ou plutôt, ce qui devint vite angoissant, il devint spectateur sans cesser d'être acteur.
Quelqu'un avait du se taire, c'était à peu près certain, M. Sacre, probablement, quelqu'un qui dévidait des phrases monotones qu'on n'avait pas besoin d'écouter, de sorte que quelques secondes pouvaient s'écouler avant qu'on s'aperçut du silence.
Le léger déclic du commutateur, la lumière qui jaunissait les globes électriques jusque-là d'un blanc froid, appelaient soudain l'attention sur l'étrange spectacle de douze personnes qui se taisaient.
Il arrive que, dans un restaurant, on pousse une porte par erreur, en cherchant le petit endroit, par exemple, et qu'on tombe ainsi sur une noce.