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Citations sur La jungle (116)

On engageait la conversation avec un pauvre diable qui travaillait dans le même atelier depuis trente ans sans avoir réussi à économiser le moindre cent ; qui partait de chez lui tous les matins à six heures pour se mettre au service d’une machine jusqu’au soir, et qui, en rentrant, n’avait plus la force de se déshabiller avant d’aller se coucher ; qui n’avait jamais eu huit jours de vacances, n’avait jamais voyagé, n’avait jamais connu l’aventure, n’avait jamais rien appris ni espéré. Eh bien, quand on commençait à lui parler du socialisme, il prenait un air dédaigneux pour vous lancer : « Ça ne m’intéresse pas. Moi, je suis individualiste ! » […] Dire qu’ils croyaient sincèrement que c’était être « individualiste » que de se mettre par dizaines de milliers sous les ordres d’un roi de l’acier, qui leur faisait produire pour son propre bénéfice des centaines de millions de dollars, en échange desquels il leur faisait don d’un bibliothèque ? Par contre, s’emparer eux-mêmes de l’industrie, la diriger dans leur intérêt et construire eux-mêmes leurs bibliothèques, cela serait du paternalisme !
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A l’abattage, les ouvriers étaient le plus souvent couverts de sang et celui-ci, sous l’effet du froid, se figeait sur eux. Pour peu que l’un d’eux s’adossât à un pilier, il y restait collé ; s’il touchait la lame de son couteau, il y laissait des lambeaux de peau. Les hommes s’enveloppaient les pieds dans des journaux et de vieux sacs, qui s’imbibaient de sang et se solidifiaient en glace ; puis une nouvelle couche s’ajoutait à la précédente, si bien qu’à la fin de la journée ils marchaient sur des blocs de la taille d’une patte d’éléphant. De temps en temps, à l’insu des contremaîtres, ils se plongeaient les pieds dans la carcasse encore fumante d’un bœuf ou se précipitaient à l’autre bout de la salle s’arroser le bas des jambes avec des jets d’eau chaude. Le plus cruel était qu’il était interdit à la majorité d’entre eux, en tout cas à ceux qui maniaient le couteau, de porter des gants ; leurs bras étant blancs de givre et leurs mains engourdies, les accidents étaient inévitables. En outre, en raison de la vapeur qui se formait au contact du sang fumant et de l’eau chaude, on ne voyait pas à plus de trois pas devant soi. Quand on considère de surcroît que, pour respecter les cadences imposées, les ouvriers des chaînes d’abattage couraient en tout sens avec, à la main, un couteau de boucher aiguisé comme un rasoir, on peut être étonné qu’il n’y eût pas davantage d’hommes éventrés que d’animaux.
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En ce temps-là, aucune loi ne fixait de limite d’âge pour l’embauche des mineurs ; les patrons engageaient tout le monde, à l’exception des nourrissons.
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Le groupe descendit à l’étage inférieur, celui du traitement des déchets. C’est là qu’arrivaient les boyaux qui, après avoir été grattés et lavés, allaient servir d’enveloppes aux saucisses. Des hommes et des femmes y travaillaient, dans une puanteur écœurante ; les visiteurs pressèrent le pas en retenant leur respiration. Dans un autre atelier, s’accumulaient tous les débris qui devaient être « décantés » : on les mettait à bouillir, puis on pompait la graisse pour en faire du savon et du saindoux. Ensuite, on vidangeait ce qui restait et, là aussi, les touristes n’avaient guère envie de s’attarder.
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Les abattoirs disposaient de deux cent cinquante miles de rails, continua leur guide improvisé. Chaque jour, on y convoyait environ dix mille bovins, autant de cochons et cinq mille moutons, c’est-à-dire que tous les ans huit à dix millions d’animaux vivants étaient transformés ici en denrées comestibles. Au bout d’un certain temps, l’observateur attentif finissait par se faire une idée du parcours suivi par cette marée animale. On dirigeait d’abord les troupeaux vers des passerelles de la largeur d’une route, qui enjambaient les parcs et par lesquelles s’écoulait un flux continuel d’animaux. A les voir se hâter vers leur sort sans se douter de rien, on éprouvait un sentiment de malaise : on eût dit un fleuve charriant la mort. Mais nos amis n’étaient pas poètes et cette scène ne leur évoquait aucune métaphore de la destinée humaine. Ils n’y voyaient qu’une organisation d’une prodigieuse efficacité.
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Pouvait-on croire qu'il n'y eût nulle part sur terre ou dans le ciel un paradis, où les cochons seraient payés de toutes leurs souffrances ? Chacun d'entre eux était un être à part entière. Il y en avait des blancs, des noirs, des bruns, des tachetés, des vieux et des jeunes. Certains étaient efflanqués, d'autres monstueusement gros. Mais ils jouissaient tous d'une individualité, d'une volonté propre; tous portaient un espoir, un désir dans le coeur. Ils étaient sûrs d'eux-même et de leur importance. Ils étaient pleins de dignité. Ils avaient foi en eux-mêmes, ils s'étaient acquittés de leur devoir durant toute leur vie, sans se douter qu'une ombre noire planait au-dessus de leur tête et que, sur leur route, les attendait un terrible Destin.
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Qui plus est, il a été prouvé que l’homme peut se passer de viande. Or celle-ci est évidemment plus difficile à produire que les denrées d’origine végétale, plus déplaisante à préparer et à manipuler, plus délicate à conserver. Mais qu’importe, n’est-ce pas, du moment qu’elle nous flatte plus agréablement le palais !
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Il était écrit qu’heure après heure, jour après jour, année après année, Stanislovas serait condamné à rester debout, de sept heures du matin à midi et de midi et demi à cinq heures et demie du soir, sans jamais bouger du petit carré qui lui était imparti, sans jamais penser à autre chose qu’à disposer comme il fallait les boîtes de conserve. En été, le saindoux encore chaud répandait une puanteur écœurante. En hiver, il faisait si froid dans cette cave non chauffée, que les boîtes restaient collées à ses petits doigts nus. La moitié de l’année, comme il faisait nuit noire quand il sortait le matin et le soir, il ne voyait pas le soleil de toute la semaine. En échange, il rapportait chaque samedi à sa famille trois dollars, qui correspondaient à un taux horaire de cinq cents, c’est-à-dire le salaire moyen que reçoivent les deux millions d’enfants (un million sept cent cinquante mille pour être exact) qui travaillent actuellement aux Etats-Unis pour gagner de quoi subsister.
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L’usine employait trente mille personnes ; elle en faisait vivre directement deux cent cinquante mille dans le voisinage immédiat et indirectement un demi-million. Elle expédiait ses produits partout dans le monde et ne nourrissait pas moins de trente millions de personnes !
Nos amis étaient éberlués. Ils n’arrivaient pas à croire que l’être humain ait pu concevoir quelque chose d’aussi phénoménal. […] Devant une si formidable création, à la mesure même de celle de l’univers, comment pouvait-on émettre des doutes sur les lois qui la régissaient ? Devant elle, l’homme ne pouvait que se prosterner humblement et obéir, se montrer reconnaissant d’y avoir sa place et d’y jouer son rôle ; c’était une bénédiction, au même titre que le soleil et la pluie.
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A l’abattage, les ouvriers étaient le plus souvent couverts de sang et celui-ci, sous l’effet du froid, se figeait sur eux. Pour peu que l’un d’eux s’adossât à un pilier, il y restait collé ; s’il touchait la lame de son couteau, il y laissait des lambeaux de peau. Les hommes s’enveloppaient les pieds dans des journaux et des vieux sacs, qui s’imbibaient de sang et se solidifiaient en glace ; puis une nouvelle couche s’ajoutait à la précédente, si bien qu’à la fin de la journée, ils marchaient sur des blocs de la taille d’une patte d’éléphant.
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