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Citations sur La jungle (116)

- Eh bien ! alors… cria Lucas, pourquoi Jésus n’aurait-il rien de commun avec son Eglise ? Pourquoi ses paroles n’auraient-elles aucune autorité parmi ceux qui font profession de l’adorer ? Voilà un homme qui a été premier en date des révolutionnaires du monde, qui fut le véritable fondateur du mouvement socialiste ; un homme dont toute la vie s’est passé à crier sa haine de la richesse, et de tous les maux dont la richesse est cause : l’orgueil, le luxe, la tyrannie ; un homme du peuple, un mendiant, un vagabond, qui fréquentait des cabaretiers et des filles ; un homme qui a dit de la façon la plus explicite :
« N’amassez pas des trésors sur cette terre ! »
« Vendez ce que vous possédez, et distribuez-le aux pauvres ! »
« Bénis les pauvres, le royaume des cieux est à eux ! »
« Malheur aux riches , car ils ne seront pas consolés ! »
« En vérité, je vous le dit, il est bien difficile qu’un riche entre dans le royaume des cieux ! »
Un homme qui a dénoncé en ces termes peu mesurés les exploiteurs de son époque :
« Malheur à vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! »
« Malheur à vous, hommes de loi ! »
« Serpents, race de vipères, comment pouvez-vous espérer échapper aux feux de l’Enfer ? »
Un homme qui a chassé à coups de fouet les hommes d’affaires et les brocanteurs hors du temple. Un homme qui a été crucifié, songez-y bien, comme incendiaire et comme ennemi de l’ordre social !
C’est d’un tel homme qu’ils ont fait le grand prêtre de la propriété privée et de la respectabilité pudibonde ; le dieu qui sanctionne toutes les horreurs de notre industrialisme civilisé ! On le représente en statues dorées, et couvertes de pierres précieuses ; des prêtres sensuels brûlent de l’encens devant son image, nos modernes pirates de l’industrie lui apportent des dollars produits par la sueur de sang des femmes et des enfants qu’ils exploitent ; ils lui font batir des temples, dans lesquels ils viennent s’assoir sur des coussins moelleux pour écouter la parole, savamment travestie par des théologiens sans vergogne…
- Bravo ! s’écria en riant Schliemann.
Mais l’autre était lancé. Depuis cinq ans, il était plein de son sujet et ne se laissait pas arrêter quand il l’exposait.
- Ce Jesus de Nazareth ! Cet ouvrier qui avait la conscience de classe ! Ce charpentier syndiqué ! Cet agitateur, cet ennemi des lois, ce destructeur, cet anarchiste ! Lui, être le souverain maître d’un monde où les corps et les âmes des hommes sont broyés sous la meule pour produire des dollars, comme on broie des grains de blé pour faire de la farine ! Ah ! S’il revenait aujourd’hui et s’il voyait ce que les hommes ont fait en sont nom, il bondirait d’horreur ! N’en deviendrait-il pas fou, lui, le Prince de la Miséricorde et de l’Amour ? Pendant l’épouvantable nuit où il resta agenouillé dans le jardin des Oliviers, croyez-vous qu’il ait pu rêver des choses pires que celles qu’on peut voir ce soir même, dans les plaines de Mandchourie ? Quel spectacle pour lui que ses masses d’hommes portant des icônes dorées qui le représentent, et marchant au massacre dans l’intérêt de quelques monstres de férocité ! Ne pensez –vous pas que s’il était à Saint-Pétersbourg en ce moment, il prendrait de nouveau le fouet avec lequel il chassa le banquier du temple…
- Non camarade, dit l’autre tranquillement ; non, car c’était un homme pratique : il prendrait une de ces petites grenades, comme on en expédie en Russie en ce moment, qui sont si commodes à porter dans les poches et qui peuvent réduire en poussière le temple tout entier.
Lucas attendit la fin des éclats de rire que cette sortie avait provoqués ; puis il reprit :
- Examinez la chose au point de vue de la tactique politique, camarade. Voila un personnage historique que tous les hommes vénèrent et aiment, et qu’un certain nombre considèrent comme divin. Il a été des nôtres, il a vécu de notre vie, il a enseigné notre doctrine : et vous voulez que nous le laissions aux mains de ses ennemis, et que nous leur permettions de parodier son exemple ? Nous avons ses propres paroles, personne ne peut les contester, et nous n’irions pas les citer aux peuples, leur montrer ce qu’il fut en réalité, ce qu’il enseigna, ce qu’il fit ? Allons donc ! Allons donc ! Il faut que nous utilisions son autorité pour chasser les coquins de son ministère et pour déterminer le peuple à l’action !
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Autour de lui, l’abondance s’étalait, mais l’impitoyable main de l’autorité l’en écartait. Il y a une espèce d’emprisonnement qui consiste à mettre un homme derrière les barreaux en laissant tout les objets de ses désirs au-dehors ; il y en a une autre, plus cruelle, qui consiste à laisser l’homme dehors et à mettre derrière les barreaux tout ce qu’il désire.
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Les devantures des magasins étaient constellées d'inscriptions faussement alléchantes; les clôtures le long des routes, les réverbères, les poteaux télégraphiques étaient recouverts d'affiches trompeuses. La gigantesque Compagnie qui vous employait vous mentait, à vous et au monde entier; tout, du haut jusqu'en bas n'était qu'une phénoménale mystification.
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Ses poulets avaient pour elle une valeur différente : elle avait le sentiment que, grâce à eux, elle gagnait quelque chose sans rien avoir à donner en retour, qu'elle reprenait le dessus sur un monde qui l'écrasait de tant de façons.
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So Jurgis became one of the new  “American heroes” , a man whose virtues merited comparison with those of the martyrs of Lexington and Valley Forge.
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Les cellules étaient construites en gradins et s’ouvraient sur des galeries. […] Il y avait deux couchettes superposées, chacune garnie d’une paillasse et de deux couvertures grises, raides de crasse, qui grouillaient de puces, de punaises et de poux. Lorsque Jurgis souleva le matelas, il découvrit une couche de cafards qui se mirent à courir en tout sens, aussi effrayés que lui.
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Les patrons n’étaient jamais à court de pareils stratagèmes. Ils proposaient ainsi des « jambons désossés » qui n’étaient autre que des vessies farcies de déchets de porc ; des « jambons de Californie », fabriqués à partir d’épaules et autres grosses articulations d’où presque toute la viande avait été enlevée. Avec les cuisses de vieux verrats, on confectionnait des jambons « dépiautés » : pour pouvoir les vendre, on les débarrassait de leur couenne, trop épaisse et trop dure, mais qui, une fois cuite et hachée menu, était quand même commercialisée sous l’appellation de « fromage de tête » !
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Pour peu qu’un ouvrier s’écorchât le doigt en poussant un chariot, l’égratignure risquait de devenir une plaie qui le conduisait droit dans l’au-delà. L’une après l’autre, toutes les articulations de ses doigts ne tardaient pas à être rongées par l’acide. Bouchers, écorcheurs, désosseurs, apprêteurs, bref tous ceux qui utilisaient des outils tranchants, avaient pour la plupart perdu l’usage de leur pouce qui, à force d’être tailladé, n’était plus qu’un moignon de chair informe contre lequel ils appuyaient leur couteau pour le tenir. La peau de leurs mains était un lacis inextricable de cicatrices. Ils avaient tellement écorché de bêtes qu’ils n’avaient plus d’ongles. Leurs phalanges étaient si enflées que leurs mains avaient la forme d’éventails. Dans les cuisines, on travaillait à la lumière artificielle dans une atmosphère chargée de vapeur d’eau et d’odeurs écœurantes où le bacille de la tuberculose pouvait se multiplier en l’espace d’une heure et survivre plusieurs années. Quant aux hommes qui, dès quatre heures du matin, transportaient sur leurs épaules des quartiers de bœuf de deux cent livres jusqu’aux voitures frigorifiques, leur besogne était plus pénible que les plus vigoureux n’y résistaient guère plus de quelques années.
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[Les entreprises] déduisaient systématiquement une heure de salaire pour tout retard, fût-il d’une minute. Le système était d’autant plus rentable que les retardataires devaient malgré tout travailler les cinquante-neuf minutes restantes. Il était hors de question d’attendre en se tournant les pouces. Par contre, ceux qui arrivaient en avance ne recevaient aucune compensation, alors que les contremaîtres attelaient fréquemment l’équipe à la tâche dix ou quinze minutes avant la sirène. C’était ainsi tout au long de la journée. Aucune heure incomplète, « interrompue » comme on disait, n’était rétribuée. Par exemple, si un ouvrier travaillait cinquante minutes pleines et n’avait plus rien à faire le reste de l’heure, il ne touchait pas un sou. C’était une lutte perpétuelle, qui tournait presque à une guerre ouverte entre les contremaîtres d’un côté, qui essayaient de hâter le travail, et les ouvriers de l’autre, qui s’efforçaient de le faire durer autant qu’ils le pouvaient.
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« Ils étaient exposés à beaucoup de semblables dangers ; toutes les chances étaient contre eux. Les enfants ne se portaient pas si bien qu'au pays. Comment Jurgis et les siens pouvaient-ils savoir que la maison n'avait pas d'égout et que les drains de quinze années formaient une mare infecte au-dessous d'elle ? Comment pouvaient-ils savoir que le lait bleuâtre qu'ils achetaient au coin de la rue était étendu d'eau et additionné de formol ? Quand, dans leur pays, les enfants étaient malades, Teta Elzbieta cueillait des herbes et les guérissait ; maintenant, elle était obligée d'aller chercher des extraits de plantes chez le droguiste ; soupçonnait-elle seulement qu'ils fussent falsifiés ? Comment pouvaient-ils savoir que leur thé, leur café, leur sucre et leur farine étaient adultérés, que leurs petits pois de conserve avaient été colorés avec des sels de cuivre, et leurs confitures avec de l'aniline ? Et même, s'ils l'avaient su, à quoi cela leur aurait-il servi, puisqu'il n'y avait aucun endroit bien, à des kilomètres à la ronde, où l'on pût se procurer autre chose ? ».
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