Comme quelques autres, j'avais lu
le Bourreau de Gaudi, qui m'avait mis dans des vents contraires. En effet, j'avais été prise frénétiquement par cette lecture, tout en haïssant l'oeuvre de Gaudi, à titre strictement personnel. J'avais exécré la morbidité, le voyeurisme, la description détaillée de la cruauté, mais j'avais apprécié l'écriture, la densité des personnages, leur complexité, leur profil psychiatrique et les références à l'histoire espagnole du XXème siècle. En conséquence, je me suis procurée le second opus de cet auteur curieux,
Les Muselés, et je viens d'en finir la lecture.
IL y est fait à plusieurs reprises références assez précises au Bourreau de Gaudi. du coup, il est peut être préférable d'avoir lu le premier avant le second. Mais, il doit être possible de passer directement aux Muselés.
Si je devais redonner un titre, je déciderais tout de suite pour "l'Angle mort".
Il s'agit d'un très beau livre. Je l'ai lu dans la collection Babel Noir, mais de mon point de vue le côté "polar" est très secondaire.
Ce livre permet à son auteur de nous livrer son Espagne, sa Barcelone, du début des années 2000 et un peu plus (nous sommes en plein dans la crise après l'éclatement de la bulle immobilière et financière) et l'énigme policière n'est qu'un prétexte pour nous emmener auprès de tous les laissés-pour-compte de toutes les périodes, la franquiste, la croissance, et enfin la crise. Oui,
Aro Sainz de la Maza nous écrit que certains perdent toujours.
Et puis, la densité de cet ouvrage tient au parallélisme entre la progression de la schizophrénie chez le héros (et son frère) et la progression de la gangrène sociale. C'est magnifique. Nous sommes dans une société schizophrénique et schizophrène. C'est morbide, c'est cruel, c'est sans appel. Mais c'est beau et pas très éloigné de ce qui est pour moi notre réalité (j'écris cette note le 18 mars 2020, j'ai fini cette lecture le 15 mars 2020). Comme quoi un "polar" pourrait être oeuvre philosophique.