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Critique de soniaboulimiquedeslivres


Troisième volet du projet d'Ali Smith sur les quatre saisons.

Chaque roman est autonome, mais de petites références sont disséminées ici et là et relient les personnages entre les romans. Il est amusant de les repérer.

Ce nouvel opus met en scène Richard Lease, un cinéaste malheureux qui pleure la perte de son ancienne collègue et amante Patricia, surnommée Paddy. Noyé par le chagrin, il décide de quitter Londres et de partir pour un périple en train. Destination inconnue, Richard, tel le Périclès de Shakespeare, entame un voyage au bout duquel il envisage de mettre fin à ses jours. le lecteur croise la route de Brittany (Brit pour les intimes), qui travaille dans un centre de détention pour migrants, de Florence, une fillette mystérieuse qui peut entrer librement dans des espaces interdits, et d'Alda Lyons, une bibliothécaire impliquée dans une opération secrète pour aider les immigrants détenus. Ils s'engagent tous dans un certain nombre de conversations et racontent des histoires les uns aux autres. Smith nous rappelle que nous faisons toujours partie d'un récit plus large, peu importe à quel point nous nous sentons isolés.

« Et si, dit la fillette, au lieu de dire cette frontière sépare ces endroits, on disait cette frontière unit ces endroits. Cette frontière tient ensemble ces deux endroits si différents et si intéressants. »

Richard est un personnage qui engendre de la sympathie. L'auteure dépeint avec force ce qu'il ressent après avoir subit la perte immense de Paddy. Il se retrouve isolé, il n'a pas vu sa fille depuis des années. Il en est venu à nouer des conversations fréquentes avec une version imaginaire d'elle dans son esprit, ce qui renforce encore un peu plus son sentiment d'isolement. Pourtant, tout comme le printemps apportant avec lui un regain d'espoir, Richard retrouve de l'énergie.

La construction est intéressante dans le sens où le roman contient plusieurs histoires courtes superposées, un peu comme des nouvelles, présentant des arguments sur un sujet sociétal, permettant de croquer un instant T de notre manière de vivre. Ali passe habilement des intrigues principales des personnages à d'autres commentaires sur la société qui se connectent à ce dont elle parle. Elle aborde le racisme, la façon dont les gouvernements gèrent les réfugiés et les migrants, la montée des médias sociaux et la disparition de la vie privée individuelle. Sans prendre de pincettes, parfois de manière austère, elle nous livre un constat sur notre société, enfin, plutôt la société britannique post-Brexit. Ali navigue entre présent et passé, tentant d'expliquer comment un événement majeur (que ce soit le Brexit ou encore l'assassinat de Michael Collins en 1922) peut avoir un impact sur l'actualité de nos jours.

« J'ai traversé le monde pour venir chercher de l'aide ici, lui a dit un dét kurde. Et vous m'enfermez dans cette cellule. Je dors chaque nuit dans des toilettes avec quelqu'un que je ne connais pas et dont je ne partage pas la religion. »

Nous avons également un très beau passage sur Tacita Dean, artiste contemporaine britannique, qui aime mettre la nature en avant dans ses oeuvres, ou encore un clin d'oeil à Charlie Chaplin. L'art est toujours présent dans cette série, ce que j'apprécie particulièrement.

La plume d'Ali est très poétique, je l'ai retrouvée avec plaisir, me laissant porter dans son printemps relativement sombre, qui m'a poussé à la réflexion. Les choix que nous faisons aujourd'hui vont-ils encore nous mener sur le chemin de l'indifférence et de la division ? Elle utilise de longues phrases qui se construisent comme de la rhétorique politique. On reste dans le thème puisqu'à la lecture de ce roman, en France, nous étions abreuvés de discours politique, les élections présidentielles approchant à grands pas.

Un roman fascinant que je vous conseille, attention toutefois, le style, très particulier, peut perturber. Pour ma part, j'attends « Été » avec impatience !

« Mars. le mois de l'éclosion qui peut aussi être celle de la neige, le mois de la floraison de ces têtes de jonquilles aux airs de parchemin. le mois des soldats, car ce nom vient de Mars, le dieu romain de la guerre ; en gaélique, ça veut dire hiver-printemps et en vieux saxon, le mois âpre à cause de l'âpreté de ses vents. »

Je remercie les Editions Grasset et NetGalley pour cette lecture.

#Printemps #AliSmith #Grasset #NetGalleyFrance
Lien : https://soniaboulimiquedesli..
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