AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Little Rock, 1957 : L'histoire de neuf lycéens noirs qu.. (17)

Neuf en 1957, huit en 1959. L'intégration ne s'était pas vraiment accélérée. Pourtant, pour la nouvelle année scolaire, une soixantaine d'élèves noirs avaient déposé des dossiers d'inscription dans les anciens lycées blancs de la ville. Mais, aussi modéré fût-il, le Conseil scolaire avait été aussi sélectif que deux ans plus tôt et les critères avaient été les mêmes: des élèves dociles, aux résultats académiques excellents et, si possible, avec les traits fins associés à une peau claire.
Commenter  J’apprécie          70
Daisy fixa les visages Blancs présents. Certains pleuraient. "Pleure, ma ville. Peut-être que les larmes laveront ta honte", songea Daisy dont les yeux restèrent secs. Cela faisait des années qu'elle ne pleurait plus.
Commenter  J’apprécie          00
Il fallait éteindre le feu, d’autant que le 17 septembre, le jazzman Louis Armstrong avait annoncé son refus de se rendre en URSS pour une tournée financée par le Département d’État américain. « Vu la façon dont ils traitent mon peuple dans le Sud, le gouvernement peut aller en enfer », avait-il déclaré pour justifier son refus.
Commenter  J’apprécie          130
« Daisy, les soldats sont là ! Vous n’êtes pas excitée ? Vous n’êtes pas heureuse ? » Sans sourire, Daisy répondit : « Excitée, oui. Heureuse, non. S’il faut 11500 soldats pour garantir à neuf enfants noirs le respect de leurs droits constitutionnels dans une société démocratique, non je ne peux pas être heureuse. »
Commenter  J’apprécie          40
Personne ne le savait encore mais si les Neuf avaient pu pénétrer dans le lycée, c'était que la foule blanche était occupée ailleurs. Cinq minutes plus tôt en effet, les quatre journalistes noirs avaient garé leurs voitures un peu plus loin sur la Seizième Rue. « Les voilà ! Voilà les nègres ! » avait-on hurlé. La foule s'était déchaînée contre ces journalistes qui avaient le tort d'être noirs. Plusieurs hommes se jetèrent sauvagement sur Alex Wilson. Le longiligne directeur de la rédaction du Tri-State Defender de Memphis était d'une grande élégance. Il portait un costume sombre cintré, une chemise blanche, une cravate sombre et un chapeau beige à larges bords. Un premier coup de pied l'atteignit, puis un second, qui le fit vaciller. Mais le visage du journaliste ne traduisit aucune émotion. Il ramassa calmement son chapeau, le remit en place ainsi que sa cravate, tira sur sa veste et reprit sa marche en avant. Sa réaction décupla la colère des quelques hommes qui l'encadraient. Ce nègre devait se soumettre, pour qui se prenait-il ? Les autres journalistes n'avaient pas eu l'audace ou la folie de Wilson et gisaient sur l'herbe grasse de la contre-allée. Un homme déchaîné sauta alors sur le dos de Wilson et tenta de l'étrangler pendant qu'un second, armé d'une brique, menaçait de le frapper à la tête. Le journaliste continuait à marcher malgré l'homme accroché. Il dut cependant s'arrêter lorsqu'il reçut violemment la brique en pleine poitrine. Le souffle coupé, Wilson tomba à genoux, son chapeau à la main. L'homme à la brique en profitant pour lui asséner un coup de pied dans le visage. Le jeune photographe Will Counts prit un cliché de la scène qui se retrouva le lendemain en première page du New York Times. En se relevant péniblement, Wilson reçut un nouveau coup sur la tête. C'est à peu près à ce moment-là que la foule se rendit compte que les Neuf étaient en train d’entrer dans le lycée. Ses bourreaux laissèrent enfin Wilson tranquille. Le journaliste ensanglanté se relevant, remit son chapeau bien en place, lissa sa veste et retourna vers sa voiture afin d'y écrire son article, où il indiqua que, « contrairement à la croyance générale, les quatre journalistes n'avaient pas servi de leurre pour permettre aux Neuf d'entrer dans le lycée. » Plus tard, Wilson expliqua qu'il avait songé à la dignité dont avait fait preuve Elizabeth le 4 septembre. Le journaliste, atteint de la maladie de Parkinson, ne se remit jamais des coups reçus ce jour-là. Le traumatisme crânien lui laissa de terribles migraines. Il mourut trois ans plus tard. Il n'avait que cinquante-deux ans.
Commenter  J’apprécie          70
Le père et la fille étaient seuls. Daisy ne parvenait pas à retenir ses larmes. «Ne pleure pas pour mo, Daisy. Je sais, je vais mourir, mais ça me soulager. Daisy approche… Ecoute bien et retiens ce que j’ai à te dire. Tu es pleine de haine…La haine peut te détruire, Daisy. Ne hais pas les Blancs juste parc qu’ils sont blancs. Si tu hais, fais en sorte que ça soit pour quelque chose. Hais les humiliations que nous subissons dans le Sud. Hais la discrimination qui détruit l’âme de chaque homme et femme noirs. Hais les insultes hurlées par les Blancs. Et essaye de faire quelque chose de cette haine, sinon elle n’aura servi à rien
Commenter  J’apprécie          40
« Les enfants en Virginie et en Caroline du Sud, et je les ai vus de mes yeux, jouent ensemble dans les rues, jouent ensemble dans les fermes, partagent les mêmes routes, et jouent ensemble au ballon après l’école. Mais ils sont séparés à l’école. Il y a là quelque chose de surréaliste. Ils peuvent voter ensemble, ils peuvent vivre ensemble, ils peuvent aller dans les mêmes universités publiques, mais s’ils allaient ensemble dans les écoles élémentaires et les lycées, le monde s’effondrerait. »

Voici ce qu’affirmait avec force et conviction l’avocat de la NAACP Thurgood Marshall devant la Cour suprême des Etats-Unis le 8 décembre 1953. Sa vibrante plaidoirie contre l’absurdité de la ségrégation scolaire aboutit quelques mois plus tard à une victoire historique: le 17 mai 1954, la Cour suprême rendit une décision unanime en invalidant un arrêt de 1896 et en se prononçant pour la déségrégation scolaire.

Si la décision fut historique, la Cour n’avait pas décidé des modalités et du rythme de son application et les tentatives de la mise en pratique de la déségrégation se révélèrent absolument catastrophiques, notamment en Arkansas. La ville de Little Rock occupa ainsi longtemps les devants de la scène médiatique en raison de son refus catégorique d’obtempérer aux injonctions fédérales.

Le 4 septembre 1957, neuf élèves afro-américains auraient dû intégrer pour la première fois Central High School, un prestigieux lycée public jusqu’alors réservé aux seuls élèves blancs de Little Rock. Mais c’était sans compter sur le gouverneur Orval Faubus et sa violente politique ségrégationniste! Personnage infect et raciste notoire, il organisa la révolte, attisa la haine et la persécution, à tel point que la rentrée ne put avoir lieu pour les neuf nouveaux étudiants.

Ce n’est que trois semaines plus tard qu’ils ont finalement pu intégrer le lycée grâce à l’armée envoyée en renfort par le Président Eisenhower. 11’500 soldats! 11’500 soldats. Voilà les extrémités auxquelles il a fallu arriver pour escorter neuf élèves noirs au lycée et leur garantir leurs droits constitutionnels! Et la bataille fut encore loin d’être gagnée puisqu’ils ont dû subir pendant toute l’année scolaires des sévices indescriptibles et absolument inhumains!

Mais malgré toutes ces horreurs, ils ont fait preuve d’un courage et d’une dignité absolument remarquables.

Little Rock 1957 est une enquête aussi captivante que profondément révoltante dans laquelle le journaliste et historien français Thomas Snégaroff se penche sur l’un des droits humains les plus précieux: le droit à l’éducation.

Pour ce faire, il revient évidemment sur ce qui se passa à Little Rock en cet automne 1957 et fait toute la lumière sur cette année scolaire entrée dans les annales, mais pas seulement. Il retrace ainsi brièvement l’histoire de l’intégration raciale en milieu scolaire depuis les premières tentatives de parents noirs au début des années 1900, agrémente son récit de diverses anecdotes pour expliciter le contexte et établir un lien avec le déferlement de la fureur blanche en 1957.

Il explique également que ces événements ne peuvent se résumer à un affrontement binaire et simpliste entre Blancs et Noirs. La déségrégation provoqua ainsi d’importantes craintes au sein des milieux d’affaires et fut la sources d’infinies angoisses pour les « white trash » dont la rage était tout autant raciale que sociale.

Enfin, et c’est peut-être de loin le plus révoltant, il démontre que soixante ans plus tard la situation est toujours très loin d’être réglée. En 2019, les inégalités crasses entre Blancs et Noirs en milieu scolaire persistent. Pis, la re-ségrégation est en marche dans certaines villes du Sud!

Vous vous en doutez: en lisant ce récit mon sang n’a fait qu’un tour. Et pas qu’une fois. J’ai pesté et j’ai ragé. Je me suis emportée, souvent. Mais comment rester stoïque devant tant de violences et d’injustices? Comment ne pas s’insurger devant l’hypocrisie crasse du « separate but equal », devant le scandale absolu des impôts des familles noires utilisés pour financer le système scolaire des Blancs? Comment ne pas ricaner devant le fantasme parfaitement ridicule du corps blanc? Comment ne pas s’indigner devant un système d’intégration basé sur l’oppression et le silence absolu des Noirs? Comment ne pas souffrir devant les atrocités et les actes de pure barbarie perpétrés à l’encontre de ces étudiants dont le seul « tort » est d’être noir?

En 2019, l’égalité scolaire entre Noirs et Blancs n’existe toujours pas dans les faits.

Conclusion: lisez ce livre. Empruntez-le, achetez-le, faites-le vous offrir, vendez un rein ou braquez une banque si nécessaire mais lisez-le!
Commenter  J’apprécie          00
Dans cette ville [Little Rock] traumatisée par l'histoire, où le système "separate but equal" est encore bien vivant, Central High dénote. Comme si l'on avait voulu préserver le mythe, le grand lycée de la ville offre aujourd'hui le visage d'une déségrégation réussie. Central High, qui affiche un excellent niveau académique, moderne, dynamique, envoie chaque année des élèves dans les plus grandes universités du pays. Les parents blancs n'hésitent pas à parcourir de longues distances chaque matin pour conduire leurs enfants dans un lycée pourtant situé dans un quartier majoritairement noir. Aujourd'hui, 58% des élèves de Central High sont noirs, un chiffre étonnamment stable depuis les années 1980. Le lycée devait demeurer un symbole. Un symbole, quitte à être une exception.
Commenter  J’apprécie          20
Il ne peut y avoir de véritable réconciliation sans une reconnaissance sincère du passé douloureux que nous avons en commun
Commenter  J’apprécie          30
Ce soir-là, dans ce salon balayé par le vent chaud du mois d'août qui pénétrait par le trou béant de la baie vitrée, Daisy Bates prit conscience qu'elle était une cible dans la guerre qui se profilait. Non qu'elle eût peur. Ce sentiment lui fut toujours étranger, mais elle comprit l'importance historique de l'événement qui s'annonçait . Et qu'il faudrait du courage. Pour elle, mais aussi, et davantage encore, pour les jeunes Noirs qui allait braver un interdit séculaire. Daisy refusa de faire réparer sa baie vitrée. Cela aurait été un trop bel encouragement à la détruire de nouveau. Et puis, il fallait que la ville sache que la violence était du côté des ségrégationnistes et non de la NAACP.
Commenter  J’apprécie          70






    Lecteurs (295) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quelle guerre ?

    Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

    la guerre hispano américaine
    la guerre d'indépendance américaine
    la guerre de sécession
    la guerre des pâtissiers

    12 questions
    3224 lecteurs ont répondu
    Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

    {* *}