J'ai eu la chance d'assister à une rencontre avec
Thomas Snégaroff à Valenciennes, dans ma librairie préférée, pour la présentation de ce roman, son deuxième. J'apprécie son excellente émission politique sur la 5 , le dimanche. Il me paraissait sympathique. Il l'est, assurément, et passionnant à écouter, lorsqu'il évoque la baronne d' Oettingen.
Vies rêvées, oui, car comme il nous l'a expliqué, la ligne de démarcation est fragile entre réalité et fiction. Elle a bien existé, cette femme fantasque, aristocrate venue d'Ukraine, attirée par Paris, avec son frère de coeur, Serge. Riche, elle deviendra la mécène de nombreux artistes, avant la première guerre mondiale, celle de Picasso, du Douanier Rousseau, de Modigliani. Femme aux multiples identités, peintre, poète et romancière elle-même, quelle personnalité ! L'auteur, en bon historien, s'est appuyé sur une documentation fournie et nous restitue bien le fourmillement artistique du début 20ème siècle, à Montparnasse, autour du chef de file,
Apollinaire, qui sera l'ami de la baronne.
Cependant, le lien romanesque entre elle et l' arrière grand-père de l'auteur imprimeur , est-il une réalité, une invention? Il a laissé planer le mystère en nous en parlant. En tout cas, cette femme singulière l'a suffisamment intrigué pour qu'il en fasse une héroïne de roman. Souffrant de phases de dépression puis d'exaltation ( on la dirait aujourd'hui bipolaire ), passionnée, elle a attiré de nombreux hommes, mais les a repoussés lorsqu'ils s'attachaient trop à elle, l'amour altérant, selon elle, leur génie créateur.
Cette femme, dans la première partie du livre, m'a souvent exaspérée. Je commençais à la trouver lassante mais l'apparition dans sa vie du Douanier Rousseau et surtout d'
Apollinaire, qui ne se remet pas de sa séparation avec
Marie Laurencin, a ravivé mon intérêt. Et assister à la déchéance de la fière Elena ou Hélène, l'argent n'arrivant plus après la révolution russe, est poignant...
L'écriture est fluide, élégante, le thème original. On sent une volonté sincère de nous présenter "sa" baronne d'Oettingen. Et de nous inviter à ne pas l'oublier, comme tant d'autres artistes, talentueux ou talentueuses, qui ont fini leur vie dans la pauvreté et l'indifférence.