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Une femme. Nicole.

Son petit fils, Lucas décide d'écrire un livre pour la raconter.
Il va ainsi se lancer dans l'écriture d'un roman sur celle qui deviendra Juliette de Saint-Tropez.

Je me suis régalé avec ce livre. Valentin Spitz intrigue et offre un portrait de femme magnifique. En décidant de nommer son héros, Lucas, il nous fait douter de manière fort judicieuse. Lucas est-il Valentin?

Ce qui fait la force de ce livre, c'est sa construction. L'auteur alterne le récit chronologique de l'existence haute en couleurs de sa grand-mère (fictive ou réelle) et nous livre en parallèle , dans de courts chapitres captivants, la genèse de l'ouvrage.

Car si on peut penser que cette lecture sera une simple biographie, il s'agit aussi d'une fine analyse des conséquences de l'écriture lorqu'on raconte le réel. Les réactions de l'entourage. de cette drôle de famille. Les secrets dévoilés et qui vont bouleverser les liens qui unissent chaque membre.

Un livre d'amour pour cette extraordinaire grand-mère. Un cri d'amour pour toutes les femmes.
Ici, les hommes ne sont pas héroïques. Ils passent sans laisser de véritable trace, sans avoir trouvé leur place.

Je vous conseille vivement cette lecture un peu moins légère que ce que l'on peut croire au premier abord. Cela m'a parfois fait penser à Delphine de Vigan dans ce récit du bouleversement que peut amener un livre au sein d'une famille.

Bref, vous pouvez y aller les yeux fermés. Pour preuve, je me suis procuré le premier livre de Valentin Spitz afin de retrouver sa belle écriture!
Lien : https://labibliothequedejuju..
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Dans la vraie vie, on les appelle des femmes d'exception, dans la littérature elles deviennent des héroïnes et se logent pour longtemps dans un coin de notre mémoire.
Dans mon panthéon littéraire auprès d'Emma Bovary, de Cécile chère à Françoise Sagan ou de Rebecca, je viens d'ajouter Juliette.

Mais patience, car de Juliette il n'est pas question dans la première partie du magnifique roman de Valentin Spitz.
C'est une enfant que nous découvrons tout d'abord, Nicole qui grandit comme elle peut après la mort d'un père qu'elle adorait, oubliée par une mère, perdue dans son chagrin.
Partie très tôt du foyer familial, Nicole épouse Georges, beau parleur, follement séduisant.
Quelques années plus tard alors que l'infidélité et la violence ont remplacé les mots d'amour, Nicole trouve un travail, ce qui n'est pas très bien vu dans les années d'après-guerre où la place d'une femme est à la maison.
Passant outre les médisances, elle fonce, elle ose franchir le pas et forte de son rôle de femme qui s'assume financièrement elle demande le divorce et emmène ses trois enfants.
Comme pour fuir définitivement ces parts sombres de son existence, Nicole décide de devenir Juliette et du même coup adopte la nouvelle teinte de cheveux, qu'elle admire sur quelques stars de l'époque comme Brigitte Bardot dont les photos tapissent ses murs.

L'histoire de cette femme libre, audacieuse, courageuse nous est contée par Lucas, son petit-fils écrivain qui voit en sa grand-mère l'étoffe d'une héroïne.

« Juliette de Saint-Tropez » est un livre magnifique mettant en lumière une femme qui n'a peur de rien ni de personne faisant de sa vie un tourbillon de liberté et d'émancipation.
L'auteur prend le parti des chapitres alternés pour nous parler de Nicole/Juliette et nous donner le point de vue de Lucas.
Ce mode de narration donne d'autant plus de force au récit qu'il en brise la linéarité.

Juliette mérite amplement que l'on consacre quelques heures à la découvrir, en échange, elle vous procurera un immense plaisir littéraire.
Pour ma part, c'est un coup de coeur.

Je remercie NetGalley et les Editions Stock pour cette magnifique lecture.
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Autre ouvrage reçu via net galley par les éditions Stock : Juliette de Saint-Tropez de Valentin Spitz .
Orpheline de père, délaissée par sa mère, Nicole est une petite fille vive et solitaire. En devenant femme, elle découvre son pouvoir sur les hommes. Sa beauté et son tempérament font tourner les têtes.
Mais son mari, Georges, se révèle vite irascible, alcoolique, violent. Nicole doit fuir. Jacques, un riche entrepreneur, lui tend les bras. Il veut l'aider et la protéger – elle commet l'erreur de le croire.
Un jour, à bout, elle plaque tout. Direction le Sud, Saint-Tropez. C'est la métamorphose. Nicole se rêve en Brigitte Bardot, elle collectionne les amants, les chiens, les Ferrari rouges et décide de se faire appeler Juliette. C'est une nouvelle vie qui commence...
Un jour, elle disparait mystérieusement...
Lucas, le petit-fils, débute alors l'enquête, et avec elle le désir de percer les secrets d'une famille où les hommes n'ont jamais eu leur place. le temps est venu de rompre la malédiction...
Juliette de Saint-Tropez est un roman que j'ai pris plaisir à lire, mais que j'avais (je l'avoue) zappé de chroniquer !
De l'année 1939 aux années 2000, Lucas Lamour nous fait découvrir le parcours de Nicole, sa grand-mère, qui deviendra à partir d'une certaine période de sa vie Juliette.
C'est un bel hommage de l'auteur à sa propre grand-mère ; et j'ai trouvé cet ouvrage très très réussi.
Nicole est une femme fascinante, que l'on prend plaisir à découvrir. La femme a parfois eu du mal à trouver sa place, comme on s'en rend compte en lisant l'histoire de cette femme. Un jour elle plaque tout, devient Juliette, mais cela ne sera pas plus évident pour autant.
Ce livre m'a remué, je l'ai trouvé très bien écrit, très touchant et j'ai eu un coup de coeur pour Juliette de Saint-Tropez. Je relirais Valentin Spitz avec plaisir, et c'est tout naturellement que je mets cinq étoiles :)
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Si toute vie porte en elle les germes d'un potentiel roman, force est de constater que certaines sont plus inspirantes que d'autres... Il suffit d'un coup d'oeil à la couverture de ce livre pour avoir envie d'en savoir plus sur cette femme radieuse au sourire mi-carnassier, mi-enjôleur. Mais attention... L'aventure n'est pas de tout repos. Car la dame a de la ressource, suffisamment pour bousculer les codes d'une époque où les femmes n'en étaient qu'aux prémices d'un long parcours vers l'émancipation et, un jour peut-être, la prise de pouvoir.

Valentin Spitz est le petit-fils de Juliette, et le membre d'une famille qu'elle a contribué à modeler à sa suite, dans laquelle ses enfants et petits-enfants se sont construits contre ou avec elle. Il s'est donc inspiré de nombreuses heures d'entretien avec sa grand-mère avant de tout oublier et se sentir enfin capable d'écrire le roman qui ne soit pas une simple biographie romancée, mais l'évocation d'une page d'histoire qui touche toutes les femmes et qui continue à s'écrire. L'important dans ce roman, c'est le souffle qui porte Juliette, l'inspiration, l'instinct qui la guident là où tout est à inventer. Ce qui ne va pas sans dégâts ni dommages collatéraux.

Le destin de Juliette est d'abord marqué par la perte de son père adoré et admiré, pendant la seconde guerre mondiale alors qu'elle n'est encore qu'une enfant. Plus tard, elle fera l'apprentissage des hommes, bien loin de la figure paternelle. Sa première déclaration de guerre, elle la fait à son prénom : Nicole la brunette disparaît au profit de Juliette, bientôt blonde. Son personnage se construit au gré de ses expérimentations ; à chaque étape, elle apprend. Elle aura cinq enfants, avec deux maris différents. Elle deviendra une redoutable femme d'affaires, un modèle d'ascension autodidacte. En s'appuyant sur son charme, son flair, son pouvoir sur les hommes. Et surtout sur une formidable envie de profiter à fond de la vie. Personnage à multiples facettes, à la fois fascinante et inquiétante dans la légèreté qu'elle affiche envers certains principes, éducatifs notamment. Peut-être fallait-il en passer par là pour se libérer des chaînes...

On comprend néanmoins que Lucas (le narrateur), double romancé de l'auteur ait besoin d'éclaircir un certain nombre de points qui alimentent les névroses de la famille. La façon dont les hommes en sont exclus au maximum, le silence qui entoure le premier mari de Juliette... Alors on se laisse raconter l'histoire de Juliette, on remonte la piste avec Lucas, on compatit à ses déboires (mais comment se construire dans une telle famille ?), on sourit aux détails de sa relation avec son éditrice (qui s'appelle Caroline, mais... toute ressemblance...) et on se dit que quand même, cette Juliette, c'est une sacrée nana !

Pour le lecteur, une fois le livre refermé, l'impression que Juliette est passée tel un coup de vent, le temps d'un vrombissement de moteur de sa Ferrari, ses chiens sur la banquette arrière. Pour ceux qui l'ont côtoyée à sa grande époque, l'effet a dû se rapporter à celui d'un ouragan dont les impacts sont encore visibles. Comme après tout cataclysme, le progrès naît de la reconstruction. L'impression que ce livre en est l'un des éléments.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Si un jour j'ai un petit-fils, j'aimerais qu'il soit Valentin Spitz ! Quel hommage sublime à celle qui fut autant admirée que critiquée ! En la racontant, l'auteur délivre sa famille.

Lisez Juliette à Saint-Tropez, maintenant ou cet été, c'est un grand coup de coeur.

Juliette s'appelle Nicole. Elle a changé de mari, de ville et de couleur de cheveux. Juliette a créé des entreprises, eu cinq enfants, deux époux, conduisait une Ferrari, se levait avant l'aube pour promener ses chiens puis dirigeait le monde.

Juliette était une femme superbe, Juliette vivait comme un homme car elle n'avait pas le choix.

C'est son petit-fils Lucas, sorte double de l'auteur, qui la raconte dans un récit mêlant les années 50 aux années 2000. D'une plume moderne et sincère, il entreprend de résoudre l'énigme familiale, l'absence d'hommes et de communication dans la famille.

« Je ne sais pas si cette femme-là a été heureuse. Moi, cette femme-là, je ne l'ai pas connue. Je n'ai connu qu'elle. »
A travers une série de rencontres, il enregistre et questionne sa grand-mère. Mais mamie, mon grand-père Georges, qu'est-il devenu ? Oh, aucun intérêt celui-ci, balaie-t-elle. le narrateur commence alors une enquête parallèle, retrouver l'homme disparu, la figure masculine, pour peut-être conjurer le sort. Se mêle à cette enquête des récits sur sa propre vie d'écrivain ainsi que des témoignages de sa mère et de ses tantes. Pour comprendre, mais déjà pour savoir.

En fait, c'est toute la relation de Nicole avec les hommes qui était catastrophique, entre son propre père décédé d'une attaque lorsqu'elle était petite, ses deux maris violents ou pervers, les petits amis de sa fille qu'elle prend pour amants… sans parler de son petit dernier, le divin enfant, l'enfant-roi, adoré et couvé.

En refermant le livre, on ne sait plus quoi penser : soit les hommes sont tous les mêmes, soit Nicole les a choisis pour leurs névroses, soit elles les a rendus fous !

Ce récit livre une réflexion très intéressante sur l'écriture : quelles sont les difficultés d'écrire sur soi, sur la famille ? Qu'est-ce qu'être un écrivain aujourd'hui ? Quel avenir pour la littérature française ? Pour en parler, le narrateur dresse le portrait d'une éditrice féroce mais aimante, gourou et maternelle à la fois, une sorte de double caricatural de Nicole dans sa façon de gouverner et ses chiwawas étant à chaque fois plus nombreux, comme les enfants que Nicole a eus, sorte de contre-transfert du psychanalyste-écrivain vers son éditrice… Sans doute une façon de la remercier !!

Cependant le narrateur tient avant tout la place du poète.

Tout se passe comme si le petit-fils spectateur relatait docilement les faits racontés par sa grand-mère jusqu'à ce que celle-ci disparaisse : alors l'écrivain arrache la plume du petit-fils et part en vrille, libéré, mêlant fiction futuriste à l'autofiction initiale, semant le trouble chez le lecteur. Dans la dernière partie du roman, j'ai retrouvé l'ambiance névrotique de son premier roman « Et toujours ce sera l'été » absente jusqu'à alors.

De fait, l'écrivain ne veut pas lâcher sa grand-mère disparue, il ne peut mettre le point final à son récit : ce serait abandonner sa famille et son enquête. Il ne veut pas renoncer et il a sans doute raison, car Juliette est éternelle.

Sublime portrait d'une époque exaltante mais compliquée pour les femmes. N'était pas Bardot qui voulait, et pour revendiquer son féminisme et obtenir un compte courant à la banque, il fallait non seulement être belle mais rusée.

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Juliette c'est la nouvelle Nicole. Celle d'après la découverte de Saint-Tropez. C'est la petite fille solitaire qui en grandissant est devenue une femme indépendante.

Femme d'affaires, femme fatale mais aussi femme-mère. Juliette c'est une mère-louve. Elle quitte les hommes qui ne font que traverser sa vie plus ou moins longuement. Mais elle ne délaisse jamais ses enfants, ses filles.

"Mamie, sa beauté, ses grosses voitures, ses chiens, ses hommes, ses appartements, ses maisons, ses entreprises. Elle les écrasait de toute sa splendeur et ses filles l'admiraient autant qu'elles la haïssaient. À force de vouloir l'égaler, elles s'étaient brûlées à sa lumière."

Juliette, elle est aussi la grand-mère de Lucas. Pour lui, elle est une grand-mère mystérieuse, une femme qui se méfie des hommes, même lorsqu'il s'agit de de sa descendance. Etre un homme dans la famille de Juliette, c'est ne pas avoir sa place. Alors Lucas veut comprendre, et surtout il veut écrire sur Juliette.

"Pourquoi continuer à accepter, quelles qu'aient été leurs défaillances, que dans cette famille on puisse ainsi effacer les hommes ?
Ces questions, ces mots, résonnaient en moi comme en écho du vide ; ce vide laissé par mon propre père dont je ne savais pas même le prénom."

Alors il remonte l'histoire de Juliette, de son enfance à sa disparition mystérieuse. de Paris à Saint Tropez, il déroule le fil de sa vie, le fil de ses conquêtes. Son besoin viscéral de liberté.

"C'est cela qu'elle veut. Contempler le ciel à sa guise. Décider. Elle aimerait partir immédiatement, prendre un train ou un avion.
Fuir."

La plume de Valentin Spitz est fluide. On est tout de suite entraîné dans l'histoire de Juliette. de flash-backs en moments présents, l'auteur nous dresse le portrait de cette Juliette de Saint-Tropez. Elle se dessine doucement, on la devine devant nous : elle est alors plus qu'un personnage de roman, elle prend littéralement vie. Elle existe vraiment. On s'attache à elle.

Juliette nous accompagne, ou plutôt on accompagne Juliette dans sa vie tumultueuse. On aimerait l'avoir en face de nous et lui parler. On comprend que Lucas veuille raconter sa grand-mère. Pour mieux la connaître. Pour ne pas l'oublier. Pour l'aimer. Et tenter de dénouer les secrets que Juliette garde dans l'ombre de sa personnalité lumineuse.

"Je me dis que je ne serai jamais de ces êtres sans doutes, qui vivent « dans l'instant », que je devrai sans cesse vivre avec ce poids sur les épaules. Transformer, écrire pour ne pas mourir et pourtant mourir quand même."

En bref, Juliette de Saint-Tropez, c'est le roman d'une vie pas comme les autres. Celle d'une femme forte et fragile à la fois. C'est beau, c'est plein d'émotion et d'amour. Et de liberté.
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Femmes qui acceptaient, femmes qui ne disaient non, femmes soumises, contraintes…femmes et éternelles mineures, femmes devant cacher leur corps, leur féminité ; les premières ayant osé dévoiler leurs chevilles étaient traitées de prostituées. Pourtant, elles osaient et ont ouvert la voie pour que d'autres s'émancipent complètement, en relevant la tête, en affirmant leur appartenance aux deux chromosomes identiques et en actionnant la manette de la liberté. Juliette de Saint-Tropez en fait partie et est un exemple.

Elle en a du panache Juliette, cette petite fille qui va grandir en refusant progressivement que la femme soit considérée comme la « côte » d'un homme… L'écrivain Valentin Spitz signe un roman sous forme de saga familiale, saga centrée sur un personnage, quel personnage celui de Nicole (qui deviendra Juliette), un hommage à sa propre grand-mère qui a été l'une des colonnes de cette tribu essentiellement féminine. Seuls Julien et Lucas (le petit-fils narrateur) apportent une note Y dans ce récit qui n'a pourtant rien d'une histoire X.

Si le fond est une ode au féminisme, la forme est un dédale de phrases, de paragraphes, de chapitres amenant le lecteur de surprises en surprises et d'interrogations en interrogations. Où commence la fiction ? Où s'arrête la réalité ? le mensonge est-il une forme de vérité ou toute vérité finit-elle par se terminer inéluctablement en menterie ?

Juliette fait tourner les têtes mais la sienne parfois est au bord du précipice, dès l'enfance avec la disparition brutale de son papa adoré qu'elle essaiera d'entrevoir parfois comme s'il existait encore. Sa mère absente, sa soeur inexistante, elle rencontrera des hommes, aura confiance, puis, en découvrant leur face cachée, elle partira, avec ses enfants. Fière d'être une femme, fière d'avoir pu gravir les échelons de la société en piétinant les rumeurs du fameux « elle couche pour arriver », fière d'assumer ses amants.

Elle a un peu de Brigitte Bardot cette Juliette : un langage direct, amoureuse des animaux, divorcée plusieurs fois, assurant une sexualité décomplexée comme les hommes le font depuis la nuit des temps. Quand Lucas décrit sa grand-mère « Elle fait quelques pas dans la rue ; minijupe en cuir, cuissardes noires, blondeur irradiante. Quelque chose a changé, Nicole n'est plus une belle femme, elle est LA femme. Chacun de ses pas est comme une poudre qui se diffuse (…) Nicole n'est plus, elle est Juliette désormais » les images de BB défilent. Juliette créa la femme…

Un portrait de femme par le regard d'un homme : c'est corrosif et voluptueux. Engagé. On aurait presque quelque mansuétude pour ces hommes malgré leur faiblesse, leurs secrets, leurs errances, leurs comportements machistes, peut-être justement parce que le narrateur sait raconter sans condamner, juste montrer la vaillance d'une femme pour écraser les sempiternels préjugés et vivre sur les mêmes marches d'égalité. Egalité qui prend un terrible coup d'épée à la fin du récit : « Elle n'a plus envie. Il l'a tuée d'une phrase, une vérité implacable biologique assénée par ce quadragénaire qu'elle aime à en crever ; une phrase terrible, une ravageuse illustration de l'inégalité qui perdure entre les hommes et les femmes, la seule peut-être dont Juliette ne viendra jamais à bout : "Tu ne pourras jamais me donner d'autre enfant, à ton âge" ».

Juliette de Saint-Tropez, c'est un roman masculin, féminin, du Godard scriptural qui ne sera jamais à bout de souffle. Comme pour l'émancipation des femmes…
Lien : http://squirelito.blogspot.c..
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Elle, c'est Nicole, ou Juliette, tout dépend quand vous ferez sa connaissance. Lui, c'est Lucas, son petit-fils… et cette histoire, c'est la leur, la sienne. C'est en tout cas celle que nous raconte Valentin Spitz dans son roman « Juliette de Saint-Tropez ».

Née dans les années 20, la jeune Nicole perd son père pendant la guerre, d'une banale crise cardiaque qui laissera sa mère comme exsangue du seul amour qui coule dans ses veines. Désespérée, terrée dans l'obscurité de son amour perdu, Isabelle oublie sa fille Nicole, ne vivant que dans l'attente de la mort qui lui permettra de rejoindre Henri. Ce père mort trop jeune deviendra pour Nicole le seul parfait, aimant, brillant, éclipsant par sa mort l'image de tous les hommes qu'elle va rencontrer, les autres, les tellement fades.

Partie jeune du foyer maternel, elle épouse le beau George. Mais les absences, la violence, les infidélités de George sont trop difficiles à supporter. Et l'espoir et les mauvaises combines, cela ne nourrit pas ses trois enfants. Alors même si cela ne se fait pas, et malgré l'avis de George, d'abord en cachette, puis ouvertement, Nicole trouve du travail, puis divorce de cet homme violent. Quelques années plus tard, elle épouse Jacques, son patron. Il sera le père de ses deux derniers enfants.

C'est donc Lucas, le petit-fils devenu écrivain, qui décide un jour de faire parler sa grand-mère pour écrire sa vie. Car dans cette famille si atypique, seule la belle et solaire Juliette compte, les hommes ont quasiment disparu, ni George ni Jacques ne semblent avoir d'existence, pas même le père de Lucas, comme si les filles perpétuaient elles aussi on ne sait quelle tradition matriarcale.

Juliette de Saint-Tropez , c'est avant tout l'histoire d'une femme qui a su faire fi des convenances, des conventions, qui a su, malgré l'époque où elle a vécu, devenir cette femme libre, incomprise et tellement révolutionnaire dans ses élans de vie et de coeur qui l'ont façonnée, à une époque où les femmes mariées restaient mariées et au foyer, malgré les coups et les tromperies du mari. Car les maris pouvaient bien être volages, mais une femme divorcée était forcément une catin, coureuse d'hommes, mauvaise mère.

Juliette que l'on retrouve dans les années 60, cinq enfants et deux maris plus tard, flamboyante sur le port de Saint-Tropez ou dirigeant son entreprise de main de maître. Cette histoire est passionnante, intrigante, étonnante, car elle est le reflet d'une éducation, d'une époque, d'une soif de liberté à laquelle aspiraient de nombreuses femmes, mais pour lesquelles bien peu ont su, ou pu tout donner pour y parvenir.

chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2018/05/15/juliette-de-saint-tropez-valentin-spitz/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Ou s'arrête la réalité, où commence la fiction. C'est toute la difficulté de ce roman. En partant de son histoire de famille, Valentin Spitz tisse petit à petit une intrigue autour de sa grand-mère, les vrais hommes de sa vie et sa fausse disparition.
« Dire que tout cela avait commencé par une entrecôte avec ma grand-mère et un dictaphone »

Qui penserait en effet qu'une entrecôte pouvait marquer le début d'une histoire si passionnante et le premier acte d'indépendance d'une femme.
Dans la famille Lamour on prend le nom de la mère, c'est une loi instituée par la grand-mère, Nicole. C'est une famille matriarcale où les femmes ne s'embarrassent pas d'époux. Lucas Lamour a grandi entouré de femme, sa mère bien sûr, centre du monde, centre de tout. Brillante avocate travaillant sans cesse mais toujours présente pour lui raconter des histoires de princesses héroïques sur leur cheval qui sauvaient le monde. Et sa grand-mère, Nicole dont nous découvrons la vie riche et rocambolesque.
Nicole a connu l'occupation, le rationnement, l'enfermement dans leur appartement avec sa mère malade qui lui préférera, jusqu'à sa mort, sa soeur. Puis la vie de femme mariée dans les années 50, une vie d'enfermement qui ne la rendra pas heureuse « est-ce cela un destin de femme ? Procréer et se taire ? être encore et toujours la seconde d'un homme ? ». Jusqu'à son premier acte de révolte: le jour où en faisant les courses pour un diner, son mari Georges lui suggère d'acheter de la viande uniquement pour les hommes, « les femmes, elles, prendront autre-chose », finalement Nicole s'achète également une entrecôte et signe son premier acte de rébellion en tant que femme, le premier d'une longue série.
On connait finalement peu de chose de cet homme, Georges, quelqu'un d'énigmatique, un homme jaloux, alcoolique et violent, le vrai grand père de Valentin Spitz qui a disparu est dont il ne retrouvera jamais la trace.
Nicole ne peut être elle-même. Elle cherche peu à peu son autonomie et surveillée sans cesse par son beau-père, un homme aigri et rustre, n'a d'autre choix que de fuir avec ses filles.
Nicole prend son indépendance, travaille mais doit sans cesse faire face aux reproches, aux incompréhensions dans cette société qui vient tout juste d'accorder le droit de vote aux femmes. Dans son sillage, les murmures s'accumulent. Elle est célibataire, a quitté son mari, se retrouve seule avec ses filles, divorcée même. Elle est dans une situation où on la considère comme fautive. C'est elle qui est parti, or dans les années 50 on ne quitte pas son mari.
Plus tard, en 1965, les femmes peuvent désormais ouvrir seules un compte en banque. Nicole se remarie avec Jacques son employeur qui cache des fantasmes toujours plus étranges. En 1970, la notion de chef de famille et remplacée par celle d'autorité parentale conjointe. Nicole devient Juliette, change sa couleur de cheveux, prend le pas de Jacques sur l'entreprise et entérine son indépendance.
Années 80, Juliette est alors chef d'entreprise. Les hommes veulent la posséder, les femmes la jalousent, « sa liberté les terrifie en même temps qu'elles rêveraient de faire comme elle, d'être elle. ». Sa relation avec Jacques se dégrade, elle divorce encore et ne souhaite plus d'homme qui lui dicte sa conduite.
« bien plus que la politique, il importe d'abord à Juliette d'appliquer à sa propre vie les principes de la libération de la femme et des discours qu'elle tient : qu'importe les difficultés, elle suit le chemin de son désir. Un jour elle vivra sans homme. »
Malgré ce qu'elle a vécu Nicole devenue Juliette assume sa féminité et assoit son pouvoir. Elle est au sommet de sa carrière, peut tout se permettre. Nicole l'indépendante devient Juliette la Tropézienne, adepte des boîtes de nuit dans lesquelles elle sort avec ses filles. Avec Juliette c'est un autre personnage qu'on découvre, une femme forte, une femme de pouvoir, sublime qui roule en Ferrari et gère son entreprise d'une main de fer. Elle aime sa nouvelle vie, sa liberté conquise.
Juliette a connu la panoplie des pires hommes qui puissent exister : violents, alcooliques, menteurs et même pédophiles/incestueux. Mais malgré ce qu'elle a subit, elle ne renonce pas aux hommes et les adule même. Elle drague, prend des amants plus jeunes mais ne les laisse ni contrôler sa vie ni l'emprisonner une nouvelle fois. Petit à petit Juliette devient égoïste et un poil nymphomane. Elle drague même le petit ami de sa fille, qui d'ailleurs lui pardonne facilement son comportement ! Elle délaisse ses filles pour aduler son fils, Julien. Elle nous deviendrait presque antipathique.
En alternance entre passé et présent on entre dans l'intimité de Nicole et de Lucas. Lucas qui cherche à comprendre les rapports existants entre les femmes de sa famille, les relations que Nicole a entretenu avec les hommes de sa vie: son père, ses maris, ses amants, son fils. Lucas qui cherche à percer le silence qui entoure la disparition et la vie de Georges, son grand-père. Lucas qui rend un très bel hommage à sa grand-mère mais dont j'ai eu du mal à comprendre l'intérêt envers Georges après ce qu'il lui a fait subir.
Juliette est une héroïne, une femme libre et audacieuse un vrai model, une source d'inspiration. Valentin Spitz dresse un superbe portrait de cette femme et de cette époque. Un beau roman sur l'émancipation des femmes. Et finalement pas besoin de savoir qu'elle disparait, la vie de Nicole est tellement riche et incroyable qu'on se suffit amplement des péripéties qui ont jalonné sa vie.
Merci aux éditions Stocks et surtout à l'écrivain Valentin Spitz. Merci Valentin de m'avoir accordé un peu de votre temps et d'avoir eu des réponses à mes questions suite à la lecture de ce merveilleux roman. C'est très agréable de pouvoir échanger avec un auteur et l'impression qui nous reste du roman ne peut en être que plus impactante.
A vous, lecteur de cette chronique, je vous conseille de découvrir « Juliette de St Tropez »!
Lien : https://eemmabooks.wordpress..
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Étrange roman, on navigue entre le passé et le présent...on s'attache à Nicole qui devient Juliette.
On reste avec un mystère à l fin du livre.
Une histoire très attachante
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