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Critique de Yaena


Yaena
16 février 2022
Sébastien SPITZER nous rappelle avec talent que ce nous appelons l'Histoire n'est en fait qu'une somme d'histoires. Des quotidiens, des destins de monsieur et madame tout le monde. Une addition de vies qui ont forgé l'Histoire. Certains noms sont inscrits dans les livres et les mémoires transmis de génération en génération, d'autres se sont perdus dans la foule des anonymes. Leurs vies n'en sont pas moins dignes d'intérêt.

Charlotte EVANS contrairement aux autres personnages qui peuplent ce livre est inventée de toute pièce et pourtant elle incarne toute une génération de femmes qui ont vécu comme elle. Tel un personnage de ZOLA arpentant les rues du Londres de DICKENS. Charlotte, c'est une femme maltraitée par la vie, victime parce que femme dans un monde d'hommes. Réduite à une vie de misère car oubliée par celui qui lui avait promis une vie à 2, à 3, pour le meilleur et pour le pire. Charlotte c'est aussi une mère avec la détermination chevillée au corps et l'instinct de survie pour elle et son petit. Freddy une erreur à effacer pour ses parents, un don du ciel pour elle.

Charlotte fait partie des anonymes, une irlandaise de plus venue alimenter les bas-fonds de Londres et le quartier de l'East End, celui du peuple d'en bas de Jack LONDON.
Pourtant son destin est étroitement lié à ceux de certains « grands de ce monde », des figures historiques comme Karl MARX et Friedrich ENGELS. A part quelques vagues souvenirs de mes cours d'histoire et de philo (c'est-à-dire pas grand-chose) j'ignorais presque tout de ces deux-là. Sous la plume de SPITZER ces deux portraits en noirs et blancs de mes livres de cours se sont effondrés de leurs piédestal et ont pris chairs et corps pour reprendre leur statut d'hommes. Avant d'être des morceaux d'histoire ils ont été des anonymes eux aussi. Des frères, des pères, des maris, des fils, juste des hommes. Des hommes pétris d'idéologie dans une société où seul le travail et l'argent prouvent la valeur d'un être humain. Dans une société où la vie ne vaut pas grand-chose, où la main d'oeuvre n'est qu'expatriés, crèves la faim et autres pauvres bougres payés une misère qui font le bonheur des manufactures de coton. Ils s'empoisonnent à petit feu et se tuent à la tâche. Des années d'oppression, d'exploitation et de promesses jamais tenues qui forment un terreau de colère et de haine.
Tandis que la guerre de sécession prend fin et les blocus avec, elle laisse toute une génération de soldats irlandais amers et plein de rancune envers la Couronne Britannique et l'Amérique de LINCOLN.

Dans ce monde prêt à imploser MARX écrit et se regarde le nombril tandis qu'ENGELS l'entretient ainsi que sa famille, bafouant pour ce faire, toutes les belles idées qu'ils veulent tant propager. MARX écrit, énonce ses vérités, ne parle que politique laissant les tâches moins nobles aux autres. Persuadé d'avoir raison il vit dans l'hypocrisie la plus totale à l'abri du froid, de la faim et de la misère avec un rapport avec l'argent très ambigüe.
Il est facile de parler de pauvreté, de dénuement, de sacrifices et de lutte quand on dort au chaud et qu'on a le ventre plein, pendant qu'au loin grandit dans le dénuement et la misère un enfant sciemment rejeté.

Il ne voit que les idées, la lutte, le combat, jamais les hommes, les femmes, les enfants en souffrance. Ce qui l'intéresse c'est l'abstraction des idées, les coucher sur le papier, être un guide. La réalité de la pauvreté et les actions concrètes lui importent peu.

Un MARX qui se rebelle contre les conventions mais qui fait le dos rond quand ça l'arrange et un ENGELS aux prises avec sa conscience. Une galerie de personnages en contradictions et en humanité.

Au milieu de tout ça, il y a Freddy, qui défie la misère, le destin, la pauvreté et la mélancolie. Un rayon de soleil au milieu du smog londonien et une rencontre qu'il vous faudra faire par vous-même si vous voulez en savoir plus. Ce p'tit gars en vaut la peine.
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