Le graphisme est entièrement réalisé en peinture, au pinceau, des couleurs liquides mais lumineuses et saturées, des scènes figées comme des instantanés, des vues d'ensemble, des détails, des portraits, tout en contrastes de couleurs, de lumières. Les cadrages sont décalés, bruts, semblant pris par accident, à l'improviste, attrapés au vol, des instants volés, comme si l'âme des images ne pouvaient surgir qu'à condition de la surprendre. C'est un peu ce que nous raconte cette histoire, un récit sur la photographie, une définition de cet art et la peinture de
Paulina Spucches dialogue alors avec la photo de
Vivian Maier.
Mais voilà, j'aurais presque préféré que
Vivian Maier soit un photographe fictif :
Il y a un truc qui m'énerve dans les histoires d'artistes, c'est le syndrome
Van Gogh, l'artiste qu'on aurait raté de son vivant, le vieux fantasme romantique de l'artiste maudit, reconnu seulement après sa mort, qui vient parasiter notre rencontre avec sa photo. C'est une obsession qui n'a rien à voir avec l'art lui-même, une obsession de marchands et de spéculateurs, il y a même une certaine arrogance à se revendiquer le découvreur de l'artiste maudit. La mise en scène théâtrale de sa vie nous éloigne de la profondeur de ses photos et je pense que beaucoup de lecteurs ne retiendront malheureusement que cet aspect au point même de reprocher les choix graphiques de
Paulina Spucches pourtant tellement forts. de plus, le rythme est déstructuré, les flashbacks sont confus, on essaie de comprendre une histoire sans relief et on s'éloigne du vrai propos, l'essentiel passe au second plan : ce dialogue entre peinture et photo.
J'aurais aimé que cette rencontre entre la peinture de
Paulina Spucches et la photo de
Vivian Maier s'émancipe de la vie de cette dernière, sans intérêt, il y a plus de compréhension, d'interpellation et de communion qui passe par le graphisme que par les faits qui y sont racontés, à essayer de comprendre la vie de
Vivian Maier, je me suis surpris à oublier les moments d'instantanés, les arrêts sur image racontent pourtant bien plus que le déroulé d'une histoire, c'est même ce qui définit les grands photographes. Il faut arrêter de croire que les accidents de la vie vont expliquer une oeuvre.
En gros, le travail graphique de
Paulina Spucches est remarquable, et ce livre vaut d'être ouvert et parcouru, mais malheureusement l'aspect biographique n'a pas le moindre intérêt et gâche même le plaisir. J'ai lu dans certaines critiques qu'une biographie a été écrite par
Gaëlle Josse, je vais m'empresser d'éviter ce livre.