J'étais aussi heureux qu'on peut l'être quand on est un SDF prépubère de la taille d'un ours polaire.
À la vérité, j’étais toujours très soucieux de mon apparence. Une vie entière passée à être dévisagé comme une bête de cirque, ça finit par avoir des effets secondaires. Plus je devenais monstrueux, plus j’essayais d’avoir l’air normal. Présentable. Je ne sortais jamais de chez moi – ou de ma chambre d’hôtel – sans m’assurer que mes chaussures étaient cirées, mon costume repassé, mon visage et mes ongles d’une propreté méticuleuse, et mon nœud pap’ dans le bon sens. Les gros ont tendance à paraître crasseux même quand ils ne le sont pas.
Il n’y a pas de déodorant pour le désespoir. Et apparemment aucune façon de se débarrasser du parfum de la prison.
« Vous avez un bon visage de gros », dit Selig, la voix empreinte d’un contentement sincère, comme si un visage de gros était quelque chose qui captait l’attention des inconnus et dont on soit désireux de se vanter.