Doit-on vraiment présenter
John Steinbeck ? Il est un monument des lettres américaines.
Prix Nobel de littérature en 1962, on lui doit des oeuvres aussi célèbres que
Les raisins de la colère,
Des souris et des hommes ou À l'est d'éden. Des romans simples, graves et engagés. Mais saviez-vous que cet illustre auteur avait acquis la notoriété avec un livre humoristique totalement déjanté ?
Tortilla flat, son quatrième roman, paru en 1935 est ainsi celui qui va le faire connaître au grand public. Il s'agit de ce que l'on pourrait appeler un récit picaresque, c'est-à-dire décrivant les aventures fantaisistes de héros vagabonds, voleurs et mendiants aux prises avec toutes sortes de difficultés et de péripéties et dont les aventures remettent en cause l'ordre social établi.
Dans ce livre fou, Steinbeck nous conte l'histoire de Danny, un indigent qui, après la 1re Guerre Mondiale, rentre chez lui, un petit village miséreux au sommet d'une colline qui surplombe Monterey en Californie, non loin de la mer et d'une immense forêt :
Tortilla Flat.
Là, Danny s'adonne à la paresse, à de menus larcins, à la mendicité, à son goût de la liberté et surtout de la boisson, dans une insouciance joyeuse et légère. Mais un jour, Danny, sans s'y attendre, reçoit deux maisons en héritage. le voilà respectable propriétaire terrien. Se forme alors autour de lui une petite troupe de va-nu-pieds qui va vivre à ses crochets. de cette cohabitation va naître des aventures rocambolesques et improbables, qui finiront la plupart du temps en beuveries joyeuses et hédonistes.
La grande force du livre réside évidemment dans la bande de doux dingues qui se crée autour de Danny, tous aussi voleurs, alcooliques, menteurs que le héros, mais tous aussi attachants que lui par leur candeur, leur bonne humeur, leur sens particulier de l'amitié et de l'entraide. le récit est vif, truffé d'inventions drolatiques, et les vagabonds magnifiques que décrit Steinbeck emportent instantanément la sympathie du lecteur.
Mais si les personnages sont excellemment croqués et si les situations qu'ils vivent sont cocasses et décalées à souhait, j'ai fini par me lasser de ce tableau qui m'a semblé au fil des pages trop répétitif. C'est que le livre ne présente pas de réelle intrigue ou de fil rouge. Chaque chapitre raconte ainsi une petite tribulation et si Danny évolue au fil du livre, l'action reste statique et sans enjeu. Dès lors, puisque tout est dérisoire, le lecteur n'est pris par rien, sauf par le ridicule touchant de ses héros.
Également, et c'est je crois la principale limite de ce livre au demeurant très sympathique, il n'est sous-tendu par aucune réflexion, aucun message, aucun autre objectif que de proposer des historiettes drôles et décalées. Il lui manque un propos de fond, un supplément d'âme qui le sorte de la simple pochade.
Alors évidemment, c'est brillamment réalisé et il est peut-être injuste de reprocher à un livre de n'être qu'un sympathique divertissement. Pourtant, au-delà de la dextérité formelle et de la loufoquerie du propos, j'attendais que ce texte prenne un peu plus d'ampleur tragique, ce qui m'a cruellement manqué.
NB : Si
Tortilla flat permit à Steinbeck d'acquérir la célébrité, elle eut un goût amer. Son livre avait été pensé comme un hommage aux paisanos qui y vivaient à l'époque. Des Mexicains, des Amérindiens, des sangs mêlés, qui vivaient de petits boulots, de rapines, du travail de la terre au moment des récoltes et servirent de chair à canons aux États-Unis pendant la 1re Guerre Mondiale. Mais le grand public le lut (étrangement) comme une caricature méprisante de ces petites gens. Steinbeck en fut affreusement blessé. On ne l'y reprendra plus. Ces deux plus grands brûlots sociaux, qui firent sa renommée (
Des souris et des hommes,
Les raisins de la colère), parurent deux ans puis quatre ans après
Tortilla flat…
Tom la Patate
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