Plutôt que de s'attrister de voir le quotidien devenir un fardeau de plus en plus lourd, elle appréciait la possibilité qu'elle avait de faciliter l'existence de son mari malade.
Elle avait éprouvé une joie nouvelle, même si leur vie commune avait pris un tour bien différent de ce qu'ils avaient prévu.
Pour le meilleur et pour le pire, avait-elle promis devant le pasteur vingt-quatre ans plus tôt et, à son grand étonnement, elle avait découvert que le pire offrait lui aussi des sujets de joie.
La gratitude dans les yeux de son mari quand elle comprenait sans un mot ce dont il avait besoin. L'amour exprimé par la tape d'une main tremblante.
C'était devenu sa mission: faire en sorte qu'il conserve la joie de vivre même si son corps lui faisait défaut.
Elle s'emplissait d'une énergie qu'elle ne savait pas posséder.
Violence conjugale, pensa Thomas. Tu n'es pas le seul homme a en être victime. Il est plus fréquent qu'on ne pense que ce soit la femme qui cogne. Mais peu l'admettent, et encore moins vont porter plainte à la police. Tu n'es pas le seul. Si on n'a pas ce qu'on aime, il faut aimer ce que l'on a.
- Si elle a eu une bonne gueule de bois après avoir bu trop de tequila, elle ne risque pas de retoucher à l'alcool d'ici un bon moment.
- Ça, c'est sûr, dit Margit d'un ait sombre. Elle est interdite de sortie pour un mois.
Les suicidaires ne parlent pas toujours de leurs projets, pensa Margit. Et les statistiques étaient éloquentes: en règle générale, les proches insistaient pour dire qu'il n'y avait pas eu le moindre signe avant-coureur. (p 30)
La joie de la grossesse se mêlait à la peur que quelque chose se passe mal. Elle ne pouvait s'empêcher d'y songer, même si elle savait que ressasser ne servait à rien. Au contraire. Cela la plongeait dans une humeur sombre, alors qu'elle aurait dû nourrir des pensées positives rassurantes pour son fœtus. (p 124)
"Sandhamm est un endroit parfait pour les jeunes s'exclament Nora.
Il y a tant de choses a faire pour une fille de son âge : tennis, planche à voile, et plein d'autres activités. "
Jonathan éclata de rire.
" vous travaillez pour l'office du tourisme, ou quoi?
Vous faites très bien l'article pour l'ile. "
Nora s'arrêta gênée.""
Samedi 16 septembre 2007 (première semaine)
La jeune fille semblait terrorisée.
«Vous devez venir, maintenant, tout de suite !
- Peux-tu d'abord me dire comment tu t'appelles ? »
La voix professionnelle du centre d'alarme était clinique sans être hostile. Sur l’écran , l'horloge digitale indiquait qu'il était exactement dix heures zéro trois du matin.
«C'est tellement horrible... C'est Marcus.
- Peux-tu essayer de me raconter ce qu'il s'est passé ? dit l'opératrice. Essaie de te ressaisir et de raconter.
- Je suis chez lui.
- Tu peux me donner une adresse.
- Il ne respire pas. Il est pendu là.»
Elle sanglotait, en état de choc.
«Je n'arrive pas a le descendre.»
A l’arrière-plan, le brouhaha des ses collègues qui répondaient à d'autres appels d'urgence. Jusqu'à présent, c’était assez calme, on était dimanche matin, et les incidents du samedi soir étaient depuis longtemps pris en charge. L'opératrice avait commencé son service à six heures du matin et avait déjà eu le temps de boire trois cafés.
«Où es-tu ?» répéta-t-elle dans son micro.
A l'autre bout du fil, la fille se calma un peu.
«Värmdövägen 10B, à Nacka.»
Elle gémit plus qu'elle ne parla.
« Dans la résidence étudiante, finit-elle par hoqueter. On avait décidé de réviser ensemble.
- Comment t'appelles-tu ?
- Amanda.
- Mais encore ?
- Amanda Grenfors.»
Ses mots étaient pâteux, hésitants, comme si elle n'arrivait pas à réaliser ce qu'elle avait sous les yeux.
« Essaie de nous dire ce qui s'est passé, Amanda », l'invita l'opératrice des secours.
Elle notait tout en parlant. L'adresse était a deux pas du commissariat, il ne faudrait que quelques minutes à une patrouille pour se rendre sur place.
« Marcus est pendu au plafond, au bout d'une corde, dit la fille. Son visage est tout bleu. »
Sa voix se brisa.
L'opératrice attendit. Quelques secondes passèrent.
Un chuchotement.
«Je crois qu'il est mort».
Il comprit alors pourquoi il l'avait remarquée. La réponse était venue trop vite, presque comme s'il avait attendu la question.
Jadis ils avaient été prêts à mourir l'un pour l'autre. Étaient-ils aussi prêts à assassiner l'un pour l'autre?
Il courait devant Sandhamn sur la glace sombre et irrégulière, qui céda sous ses pas. L'eau l'avala, et il lui sembla que le froid brisait ses doigts et ses orteils. L'eau glacée expulsait l'air de ses poumons et vidait son sang d'oxygène.