L'Île au trésor

Arrivé à la porte, le capitaine administra au fugitif un dernier coup formidable qui lui aurait certainement fendu la tête jusqu'à l'échine, s'il n'avait pas été intercepté par notre grande enseigne : aujourd'hui encore, on peut voir l'encoche dans le bas du cadre.

Il épouvantait surtout les gens par ses horribles récits où il était question de pendaison, du supplice de la planche, de tempêtes en mer, de l’ile de la Tortue, d'actes sanglants et de lieux sauvages dans la mer des Antilles.

il entonna cette vieille chanson de matelot que nous devions entendre si souvent par la suite :

Ils étaient quinze sur le coffre du mort...
Oh, hisse ! et une bouteille de rhum !

Ma curiosité l'emporta sur ma peur : laissant ma mère à l'abri sous le pont, je remontai le talus en rampant et allai me cacher derrière un buisson d'où j'avais une bonne vue sur la route et la porte de l'auberge.

Les bougies étaient déjà allumées quand nous avons atteint le hameau, et je n’oublierai jamais combien la vue de la lumière jaune qui se glissait sous les portes et éclairait les fenêtres m’a redonné du courage ; mais il s’est avéré que c’était le seul encouragement que nous pouvions espérer en ces lieux. Car personne n’a accepté de retourner avec nous à L’Amiral Benbow. On penserait que des hommes auraient honte de se conduire ainsi. Plus nous leurs parlions de nos malheurs, plus ils s’accrochaient tous – hommes, femmes et enfants – à la sécurité de leur foyer. Le nom du capitaine Flint, s’il m’était étranger, était bien connu de certains villageois et lesté d’une lourde charge de terreur.