Magnifique roman choral sur les Hauts Fourneaux de Florange en Lorraine. Trois personnages : Un métallurgiste, un sculpteur et un député aux dents longues. A priori, ils n'ont aucun point commun...seule l'envie de sauvegarder ces Hauts Fourneaux qui ont fait vivre des centaines de familles pendant plusieurs générations et qui malheureusement vont partir en fumée. Tiré d'une histoire vraie...
Commenter  J’apprécie         40
J'ai lu ce livre un peu par hasard, il fait parti de la sélection Prix Merlieux des Bibliothèque 2016.
J'ai quitté ma Lorraine natale depuis trop longtemps mais en me plongeant dans ce roman j'ai pu retourner à nos repas de famille dans la vallée des "Anges".
Ce fut un grand moment d'émotion que le destin de ces trois hommes que tout oppose mais aussi une belle leçon de solidarité.
Je serai ravie de rencontrer l'auteure en septembre prochain à Merlieux.
Commenter  J’apprécie         20
Très directement inspiré de la fermeture du denier haut fourneau lorrain, le site continue d'ailleurs aujourd'hui à fournir de l'acier très haut de gamme élaboré à froid, Isabelle Stibbe nous livre un roman à trois voix, qui racontent dans un laps de temps très réduit entre l'annonce de l'extinction par l'indien désormais propriétaire du groupe fleuron des Wendel, la dernière coulée et le suspens sur l'avenir du site juste après l'élection du président Hollande où la nationalisation était presque décidée ?...
Ce temps de tensions sociales extrêmes est en fait l'occasion de trois méditations, introspectives, entrecroisées sur le destin individuel, les marqueurs de l'enfance, l'ambition, les doutes, les regrets aussi, qui tiennent une place centrale.
Pierre le syndicaliste veut y croire et lutte contre son désespoir lucide, c'est aussi un ancien excellent ouvrier passionné pour la fonte "phase liquide ". Max artiste sculpteur très bourgeois-équilibré découvre la solidarité et se demande s'il n'est pas passé à côté de l'essentiel en croyant avoir réussi sa vie , il a 80 ans.... L'heure du bilan.... Daniel homme politique,
ministrable, puis ministre répond au questionnaire de Proust, ce qui structure son récit, ses doutes, sa honte d'être d'origine sociale populaire et ouvrière, honte qui le sublime au fond dans son combat pour tenter de donner un avenir au site.
Ce roman a une vraie force poétique sur ce monde des usines, des hauts-fourneaux lorrains , de la force de la culture ouvrière vue de l'intérieur.
J'ai aimé cette manière originale, structurée de traiter le sujet, par le lien entre des personnes et des événements qui à la fois les dépassent et les forgent pour devenir des héros. Pour finir et pour vous donner un aperçu de la tonalité que je trouve très juste du roman, eu égard à l'échelle des problèmes sociaux engendrés par ces suppressions de grands sites industriels régionaux et dont la rationalité économique de long terme nous échappe, je m'autorise à citer la phrase qu'Isabelle Stibbe a choisit de mettre en exergue de son dernier chapitre :
" Faire au sort violence est l'humeur des héros . Et ce désespoir-là seul et grand et sublime Qui donne un dernier coup de talon a l'abîme "
Victor Hugo
Combattre et résister c'est aussi se donner de l'air pour affronter la vie, ses nouvelles donnes subies, parfois subites ... Pour soi ou pour les autres .
Commenter  J’apprécie         30
l'écriture énergique de l'auteure rend attachant le monde de l'industrie métallurgique tout en faisant des portraits percutants de ses personnages.
C.Meaudre
Commenter  J’apprécie         10
" Le P3 a été mis à l'arrêt." Chronique d'une mort annoncée, celle du dernier haut-fourneau de Moselle, inspiré de l'histoire de Fondrange. Beauté et grandeur de la fonte en fusion, dans une vallée démantelée par les plans sociaux.
Dès l'avant-propos, Isabelle Stibbe, dont c'est le deuxième roman, nous met en garde:
" mais si les cieux de Lorraine vous paraissent gris et humides, si vous préférez des paysages plus riants. Japon florissant ou élégante Italie - ,attention ! Habitués des soirées à l'opéra, des cocktails et de l'entre-soi, amateurs d'histoires de couples qui s'enflamment, se délitent ou se trompent, ou de quêtes existentielles d'intellos nombrilistes du café de Flore ou de ses succédanés, vous risquez de vous égarer. Ici vous entendrez parler acier, métallurgistes, syndicalistes, ici vous entendrez parler usines,, nationalisations, chômage. Si pour vous ces mots sont synonymes de nuisances et de laideur, s'ils vous font l'effet de répulsifs....,refermez aussitôt ce livre ou, pour les plus modernes d'entre vous, éteignez votre liseuse, en tout cas passez votre chemin, ce texte n'est pas pour vous, autant vous prévenir tout de suite. Entre le ciel et la boue , préférez le ciel, c'est moins salissant."
Voilà c'est gonflé! Mais c'est tiré de l'avant-propos de ce magistral ouvrage "Les Maîtres du Printemps" L'auteure nous aura prévenu, elle ne fait ni dans la dentelle ni dans la mièvrerie et ça laisse augurer de la suite. Et c'est beau. La poésie n'est jamais loin car Isabelle Stibbe sait tout au long de ces pages rendre belle cette Lorraine moribonde à force de plans sociaux multipliés, d'oublis et de trahisons des gouvernants successifs. Beaux aussi sont les hommes qui y vivent et surtout y travaillent, l'aiment et la défendent, croient en elle coûte que coûte.
Roman choral: Trois hommes que tout semble sinon opposer du moins séparer, vont se rejoindre et se faire echo autour du dernier haut fourneau sur le point de fermer. Ils prennent la parole tour à tour, se mettent à nu.
Il y a d'abord Max, quatre-vingts ans, sculpteur internationalement reconnu, à qui la vie a toujours souri. Issu de la grande Bourgeoisie, il n'a jamais eu à se soucier de son quotidien. Aujourd'hui atteint d'un cancer, diminué, il rejette les ravages de la maladie sur son corps. Son dernier projet, une statue d'Antigone pour le Grand Palais, devient rempart contre la maladie. Le ministère de la culture lui propose ainsi de contribuer à la survie du Site en réalisant la sculpture à partir de l'acier produit à Aublange, oeuvre qui témoignera su savoir faire de ces métallurgistes bientôt condamnés au chômage. Le vieil homme solitaire est confondu par la beauté fraternelle et virile de ces hommes qui se battent pour leur emploi, leur usine, la Lorraine. Il se laisse gagner par leur cause. Mais la vie qui lui a jusque là tout donné, lui laissera-t-elle le temps determiner sa Monumenta en acier lorrain?
Il y a également Pierre, délégué syndical (il refuse les termes édulcorés de partenaires sociaux) sincère et charismatique qui sous la plume d'Isabelle Stibbe représente le syndicaliste dans ce qu'il a de noble, fils d'émigrés espagnol, il est arrivé en Moselle au plus fort du plein emploi, sans y être préparé, il va être l'objet d'un véritable coup de foudre pour l'acier, la fonte et le métal en fusion. Il s'implique corps et âme dans l'action syndicale, galérant entre joies et désillusions des luttes collectives. Il croit dur comme fer en un avenir pour la sidérurgie et pour le site.
Le troisième homme c'est Daniel, l'homme politique. Issu lui aussi du monde ouvrier, il a honte de ses origines, les renie même. Devenu avocat d'affaires à force de travail, il est entré en politique pour assouvir ses ambitions démesurées. Député, il aspire à la consécration en briguant le portefeuille de ministre de l'industrie, la fermeture du dernier haut fourneau pourrait lui offrir une voie royale, en défendant l'potion d'une nationalisation provisoire, tous les espoirs lui semblent permis. mais il n'est pas issu du sérail, on ne lui fera pas de cadeau, les codes pour s'imposer au sein de ses pairs en politique, il doit les acquérir tout seul et c'est une peinture d'un monde implacable et cruel qui nous est dévoilée. L'expérience lui permettra de redécouvrir la dignité et la fierté de la classe ouvrière.
Splendeurs et misères de la vallée de la Fensch, dans un concentré de beautés quasi toujours présentes en dépit des laideurs et dégâts de la Finance essaimés en filigrane, l'auteure au travers des propos de trois protagonistes, nous invite à une réflexion en profondeur sur la notion de beau associée à l'univers de l'usine et de l'ouvrier, mais aussi sur l'art, l'évolution du monde et le besoin de continuer à rêver, parce que malgré tout les drames humains sous jacents ce livre est un livre d'espoir, d'espoir en l'homme surtout. Chacun des trois hommes va trouver en lui ce qu'il a de meilleur pour sauver Aublange, l'humanité en réponse à la loi, le cœur contre la bassesse politique. Le Héros est ici toujours positif et c'est une véritable invitation à l'espoir que ce livre. Invitation vraie à l'espoir de pouvoir changer le monde, pouvoir le rendre beau et plus humain .
Dans un style épuré et fluide c'est une lettre d'amour à la Lorraine, terre déchue à la robe déchirée, violentée, terre en colère que nous offre Isabelle Stibbe
Commenter  J’apprécie         10