La couleur des sentiments

Si le chocolat avait été un son, ce son aurait été la voix de Constantine quand elle chantait. Si chanter avait été une couleur, cela aurait été la couleur de ce chocolat.

Je voudrais empêcher que le moment arrive - comme il arrive dans la vie de tout enfant blanc - où elle va se mettre à penser que les Noirs sont moins bien que les Blancs.

"La laideur, on l'a en dedans. Être laid, ça veut dire être méchant et faire du mal aux autres. Alors, t'es comme ça toi ?
- Je ne sais pas... Je ne crois pas", sanglotais-je.
Constantine s'assit à côté de moi à la table de la cuisine. J'entendis craquer ses articulations enflammées. Je sentis son pouce s'enfoncer dans la paume de ma main, ce qui, nous le savions elle et moi, signifiait, Ecoute. Ecoute-moi bien.
"Chaque jour de ta vie, jusqu'à ce que tu sois morte et enterrée, tu devras te poser cette question et y répondre."
Constantine était si près que je voyais la noirceur de ses gencives. " Tu devras te demander, est-ce que je vais croire ce que ces crétins diront de moi aujourd'hui?"

- Un martien? Grand comment?
- Oh, environ deux mètres.
- Comment il s'appelait?
- Martien Luther King."
(...)
Pourquoi ils étaient méchants avec lui?
- Parce qu'il était vert.

« Puis elle dit : "Aibi, t'es ma vraie maman." Elle me regarde même pas, elle le dit comme si elle parlait de la pluie et du beau temps.
Je me mets à genoux à côté d'elle. "T'as maman est chez le coiffeur. Baby Girl, tu sais bien qui est ta maman."
Mais elle secoue la tête en serrant la poupée dans ses bras et elle dit : "Je suis TON bébé !" »

J'avais toujours pensé que la folie est quelque chose de sombre et d'amer, mais elle peut être comme une pluie bienfaisante si on s'y abandonne.

- Pourquoi t'es pas dedans avec ta maman?" je demande, mais je le sais, pourquoi. Elle préfère rester ici avec la bonne plutôt que de regarder sa maman qui s'occupe de tout sauf de sa fille. Elle me fait penser à ces poussins qui perdent leur mère et qui suivent les canards.

Quel roman ! Quel délicieux moment de lecture ! Comment rester insensible à cette page d'histoire qu'ont vécue nos semblables ! Des humains qui ont simplement vécu avant nous ; là est la seule chose qui nous sépare ; rien de plus. Un pot pourri de haine, d'injustices et de bêtise, et en même temps de tant de tendresse ! le seul et unique reproche que je pourrais faire à ce livre, c'est peut-être la fin un peu abrupte ; je ne l'ai pas vue venir. Magnifique en tout cas. Je l'ai lu d'une traite.

Quand je l'ai su il était mort .
C'est ce jour là que tout est devenu noir. L'air était noir, le soleil était noir. Je me suis couchée et je suis restée à regarder les murs noirs de ma maison. Minny venait tous les jours pour voir si je respirais encore, me faire manger et me garder en vie; Il s'est passé trois mois avant que je regarde par la fenêtre et que je voie que le monde était toujours là. J'en revenais pas de m'apercevoir qu'il était s'était pas éteint, comme ça parce que mon garçon était mort.

Nous sommes simplement deux personnes. Il n' y a pas tant de choses qui nous séparent. Pas autant que je l'aurais cru.