Je me rallonge dans mon lit ; il y a longtemps que je ne me suis pas sentie aussi seule. Mais je ne peux pas en vouloir à Drea ni à Amber d'avoir pris peur et de m'avoir plantée là. Qui aurait envie de faire chambre commune avec l'ange de la mort?
Je pense quand même qu'il arrive un moment où il faut se pardonner pour toutes les fautes et les imperfections passées. Et aider les autres améliore vraiment les choses. Cela ne modifie pas le passé ; cela ne le masque même pas. Mais cela peut contribuer à changer l'avenir de quelqu'un.
La bile me brûle le fond de la gorge.
Je la ravale et m'essuie la lèvre inférieure. J'ai l'impression que ma tête se fendille, comme si un archéologue enfermé à l'intérieur attaquait joyeusement ma boîte cranienne au burin. Appuyée aux carrelages froids du mur, je m'efforce de tout maîtriser : la nausée, les maux de tête, les cauchemars, ma raison.Mon univers est en train de s'écrouler.
Au réveil, je suis obligée de clignoter plusieurs fois des yeux pour faire le point , le temps que mes pupilles s'adaptent aux carreaux flous bleu marine et verts au dessus de mon lit : Drea et Amber , assises à ma droite et à ma gauche , déjà revêtues de l'uniforme du lycée .
-Ça va ? m'interroge Drea
-Pourquoi n'êtes vous pas en cours ? fais-je en m'asseyant.
-On ne peut pas dire que tu y sois non plus , réplique Amber en ébouriffant l'énorme fleur violette qu'elle s'est accrochée dans les cheveux.
Drea se racla la george.
-J'ai appelé la CPE pour lui que tu souffrais d'un petit... traumatisme
-Tu as fait quoi ?
-C'était le seul moyen pour qu'on puisse sécher les cours toutes les trois. On est censées te réconforter.
Je tourne et retourne la poignée, je tambourine sur la porte. Je crie: "A l'aide!", encore et encore. Je pivote de mon mieux et jette la bougie - de toutes mes forces - vers la voix. J'entend une exclamation.
J'essaie de nouveau la poignée. Cette fois, elle tourne.