Ne pas rêver de poisson devant une assiette de soupe épargne bien des lamentations.
Noélie pris son ballon, et tout son courage.
Elle emporta le dernier sourire de son grand-père, qui remplaçait son câlin et voudrait souvenir.
Noelie éprouva des sensations inconnues. Son corps s'ouvrit au ciel. Au-delà de la démonstration de force, elle comprit la leçon. Vu d'avion, un scorpion des sables ne différait pas d'un bouton de fleur. L'importance des choses devenait relative. Les souvenirs qu'on ne pouvait pas partager, les colères passées, tout cela disparaissait quand la vie ne tenait qu'à un écrou. S'il tenait bon, la vie brillait, grandiose. Fissuré, elle s'arrêtait d'un coup. La loi n'était plus celle des hommes. Seule valait celle du plancher et du plafond des nuages, et de ces décisions qui se prennent sans réfléchir, qu'on appelle le destin.
Car c'étaient les Russes de l'Armée rouge qui avaient « libéré » la Hongrie. Ils y étaient ensuite restés, trouvant sur le terrain une entente possible avec les communistes locaux. Si leur victoire aux élections de 1949 fut écrasante, on peut aussi la trouver relative. Tous les citoyens avaient été obligés de se rendre aux urnes. On menaçait de déporter dans les camps de Sibérie ceux qui rechignaient. Cerise sur le gâteau, il n'y avait eu qu'un seul parti pour lequel voter. Tout alla donc bien.
Leptis Magna avait été grande. Très, même. Elle avait bien sûr voulu le montrer aux caravaniers qui, après de dures semaines dans le désert saharien, y arrivaient exsangues. Las, cette apparition très Las Vegas dans l'idée, et pour l'époque dans l'effet, n'était due qu'à des artistes phéniciens. À personne d'autre. C'était pour devenir encore plus grande que Leptis avait accepté de se rapprocher de Rome et de lui vendre du blé, la meilleure huile d'olive du monde, des dattes, des fauves et, oui, déjà quelques esclaves comme ça se faisait à l'époque, mais alors à prix d'or. On était loin de l'absolue mainmise qui se jouait deux mille ans plus tard, sur un pays à qui non seulement on retirait ses droits, mais dont on essayait aussi de réécrire l'histoire. Vraiment contrariant pour Mussolini. Si ces pseudo-archéologues continuaient de travailler n'importe comment, le Duce ne tarderait pas à le faire rentrer au bercail, et surtout dans les rangs. N'avaient-ils pas compris, ces crétins, qu'ils étaient payés pour obéir à une Grande Idée plutôt qu'à des faits scientifiques ?
Le moment vient de basculer en séquence de dessin animé. Ma grand-mère a parfois cet effet sur la vie. En tout cas, elle l'a sur moi.
Tu es comme une poule. Chaque fois que tu te sens bien quelque part, tu ponds.
Le père des enfants fit alors une chose impensable. Il s’assit face à Noëlie, posa sa lance et son bouclier au sol, descendit son chèche pour libérer ses lèvres. A son tour, doucement, il commença à chanter en dialecte berbère, la langue de son enfance à lui, celle de toute son histoire. Noëlie, hypnotisée, garda les enfants dans son giron pendant toute la mélopée de leur père et personne ne se rendit compte de l’avion en train de se poser près d’eux. L’appareil soulevait pourtant des tourbillons de sable chaud, qui piquaient les yeux et entraient dans les narines. Les lèvres du touareg remuaient sans qu’on entende plus rien. C’est seulement quand Bruno posa la main sur la nuque de Noëlie que la parenthèse s’acheva. Eut-il conscience d’arriver au seuil du paradis ?
L'autre souci,qui n'en est peut-être pas un....c'est que le ministre exige de traiter avec toi,et toi seule.Tu serais leur seule interlocutrice agréée.
Noélie avait cette qualité,rare chez une femme encore toute jeune,de ne jamais laisser les qualités acquises lui échapper ensuite.Ce qu'elle apprenait lui restait.Ce qu'elle gagnait la rendait plus forte.