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3,6

sur 43 notes
Fabuleuses, touchantes et émouvantes retrouvailles avec Sara Stridsberg.
Une balade intimiste encore une fois entre lumière et ténèbres.
Papillon, phalène, nous glissons avec eux dans une zone éthérée à la rencontre d'êtres égarés, libres et prisonniers, anges dévorés par leurs démons.

Beckomberga Ode à ma famille
Beckomberga: « L'accord conclu en 1925 entre l'Etat et la ville de Stockholm entérinait que celle-ci assumerait désormais la charge des soins apportés à ses malades mentaux. Dans ce but, les conseillers municipaux ont décidé en 1929 la construction de l'hôpital de Beckomberga, lequel a ouvert ses services dans les années 1932-1933 ».

Bekomberga, un refuge pour des hommes et des femmes, brisés, fragiles et si seuls.

Sara Stridsberg par le biais de sa narratrice, Jackie, nous fait pénétrer dans ce monde clos grâce à une odyssée familiale.
Une vraie prouesse: l'auteure nous fait découvrir ce lieu empli de souffrance, de détresse, de folie, de cris, de pleurs mais aussi de tendresse, de rires, et d'amour.
Des mots sublimes pour éclairer la différence, l'incompréhension, la dérive des sentiments, la peur  de l'hérédité et des addictions.

Une écriture toujours juste sans voyeurisme, une écriture en état de grâce.

A travers le regard de son héroîne, Jackie, petite princesse en adoration devant son père, Jim, le roi des « toqués » , puis jeune femme, Sara Stridsberg survole la folie d'êtres humains et chéris et présente l'histoire d'un établissement de santé, projet d'une société moderne, Beckomberga, le plus grand hôpital psychiatrique suédois, qui ferma ses portes en 1995.

Sara Striedsberg encore une fois fait jaillir des ténèbres la lumière, et surtout nous offre le fascinant et émouvant spectacle de la transformation de l'héroïne en chrysalide :
Aimer pour guérir
Et toucher la lumière
Fuir le soleil noir
Et donner la vie
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Beckomberga : un nom qui résonne comme une oscillation, comme un ressac. Un va-et-vient permanent, inéluctable, entre la vie et la mort.

Beckomberga, institution ouverte au début des années 1930, à proximité de Stockholm, pour accueillir "la folie". "Folie", un mot et une définition qui auront bien le temps de changer et d'évoluer jusqu'à sa fermeture en 1995.


La vie c'est Jackie, enfant puis adolescente, qui vient voir son père aussi souvent qu'elle le peut, parce qu'elle est persuadée d'être son lien à la vie, si elle vient, si elle le voit seulement, davantage si elle lui parle et peut se promener avec lui, il restera du côté du souffle ténu de l'existence.

La mort, c'est la tentation qui fascine Jim, le père de Jackie, il l'espère, la provoque, la talonne, la désire comme une délivrance d'une vie dans laquelle il n'est plus rien, ne possède que très peu et estime n'avoir personne, pour quitter ce vide qui s'est insinué en lui.
Ceux qui souffrent sont toujours seuls, indifférents à l'amour qu'on leur porte, indifférents à la souffrance qu'ils provoquent en rejetant toute aide, enfermés dans une cage dont ils ont perdu la clef depuis bien longtemps.

Entre les deux extrémités, il existe des palliatifs à la souffrance : au milieu des vapeurs des alcools, au creux des bras des substances médicamenteuses, des moments de vie "encotonnée", assourdie qui font pour un temps tolérer la douleur, le manque d'amour, la solitude, l'impossibilité de résoudre une quête de tous les instants, de répondre aux questions qui taraudent.
Il y a aussi la fuite, toujours parce qu'ailleurs est autre, ailleurs est peut-être délivrance, absolu...

Les internés ont mille visages, milles tourments, mille quêtes inabouties, mais Beckomberga devient leur maison, la tranquillité qui les apaise un instant, la protection contre le monde extérieur si hostile...

"Comment c'est, dehors, de nos jours ?" demande Olof le dernier patient à quitter Berckomberga et aussi celui qui y est resté durant les soixante-trois ans pendant lesquels l'établissement a été un lieu d'accueil.


Dans ce récit, tous les sentiments, toutes les luttes, toutes les sensations se reflètent dans la végétation qui entoure les bâtiments, dans l'aspect des arbres surtout, tantôt refuges et protecteurs, kaléidoscopes de la lumière qu'ils diffractent pour adoucir l'écoulement du temps, tantôt complices pour quitter cette vie sans issue, tantôt feuillus et chatoyants comme des sourires distribués de façon désintéressée, tantôt squelettes de bois noirs à l'automne ou blanchis par la neige comme autant de cris fossilisés sortant de la bouche des pensionnaires.


La construction du récit est captivante, qui nous emmène, au gré des souvenirs, dans les recoins de la pensée sans écouter la chronologie. Découvrir ce lieu, ce qu'il a représenté d'espoirs pour ceux qu'auparavant on cachait, enfermait dans des cages loin des regards avant qu'ils ne soient pris en charge, juste considérés, est passionnant au rythme d'une narration originale et qui bouscule. le regard sur ceux-là, niés ou laissés en marge parce que trop inaccessibles pour les esprits rationnels. Percevoir, au fil des phrases, ce cri de tendresse d'une fille pour son père…Et l'aboutissement, qui s'avère être dans le regard de l'enfant qui emmène toujours plus loin et ne considère pas la différence…

Et surtout, l'écriture, le style de l'écrivaine, son regard poétique, imagé, qui se pose sur ces êtres et sur toutes ces années, une façon de dire et de faire ressentir, une émotion tissée avec les mots. Des mots qui créent une atmosphère entre rêve, imaginaire et hallucination, baignée de mélancolie.


Une fabuleuse découverte que je dois à une amie babéliote – qui se reconnaîtra ! - qui m'a proposé la découverte de Sara Stridsberg, persuadée que la plume me séduirait : elle avait grandement raison et je la remercie infiniment de cette lecture qui a su allumer dans mes pensées un brasier d'émotions !
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Merci tout d'abord aux éditions Gallimard et à Babelio, pour l'envoi de ce roman, en avant-première.

Je l'avoue, de moi-même, je n'aurais pas choisi ce livre.Les thèmes évoqués en 4ème de couverture m'ont fait entrer dans l'univers de l'auteur avec appréhension et angoisse car " hôpital psychiatrique" et " suicide" sont des échos douloureux de ma propre histoire familiale.

Mais au-delà de mes réticences,il y a eu la découverte éblouie d'une romancière suédoise très particulière et de son style envoûtant.

Elle présente à la fois un trajet familial plein de souffrances, autour du père, Jim, charismatique mais auto-destructeur, à la conduite suicidaire,et l'histoire presque sous forme documentaire de l'hôpital psychiatrique de Beckomberga, près de Stockholm, depuis son ouverture en 1932 sous le signe de l'espoir et de l'enthousiasme jusqu'à sa fermeture vécue comme un échec en 1995.A ce propos, l'auteur écrit très justement: "Il est facile d'idéaliser la clinique et de la transformer en un endroit parfait qui réalisera tout ce que nous, êtres humains, ne parvenons à accomplir les uns pour les autres.Et en même temps, ce lieu est effrayant dans la mesure où il représente ce qu'il y a de plus imparfait en nous: l'échec, la faiblesse et la solitude".

La narratrice, Jackie, est la fille de Jim, qui séjournera longtemps à Beckomberga et qu'elle viendra voir souvent.Cette volonté d'une toute jeune fille de comprendre son père, de l'aider,même si elle est vouée à l'échec, est fort émouvante.Son amour fusionnel avec son fils Marion lui permettra , par la suite,de se libérer de la folie paternelle.J'ai beaucoup aimé ce personnage sensible, angoissé de reproduire le même parcours que son père, solitaire.Elle a très vite une grande maturité et se montre très lucide envers le comportement de son père: "Il a toujours vécu en marge du temps, selon des règles édictées par lui seul,comme un grand enfant turbulent et dangereux; il a toujours trop aimé la mort pour que quiconque puisse s'imaginer un Jim âgé."

Et il y a la prose , entre ombres et lumière, de Sara Stridsberg, qui magnifie tout. Parlant des " arbres vert clair", par exemple, qui remuaient au-dessus de sa tête, dans le parc de Beckomberga, elle écrit: "J'ai toujours adoré leurs frondaisons et leurs racines colossales, la lumière fragile filtrée par leurs feuilles qui se diffuse sur les êtres humains; j'ai toujours pensé que les arbres me protégeaient des dangers."

" Beckomberga, une ode à ma famille", oui , le mot"ode" est bien choisi car c'est un poème d'amour déchirant d'une fille à son père...
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Bon, malgré les belles critiques que je vois sur le site moi je n'ai pas du tout accroché. Pourtant il a eu droit à une deuxième chance. Arrivée à la page 122 je baissais les bras et les yeux et décidait d'abandonner (ma théorie de la 100ème page....) mais j'ai vu les précédentes critiques et je me suis dit que je passais peut être à côté de quelque chose de bien, ce serait dommage. Donc j'ai repris le livre mais il n'y a rien à faire je n'accroche pas.
Oui l'écriture est belle, poétique mais j'ai du mal à suivre l'auteure là où elle veut m'emmener.
L'histoire de ce père enfermé dans un hôpital psychiatrique d'un nouveau genre, sa propre histoire, celle de sa mère et de son fils et.....
De courts chapitres, le livre file mais moi je me perds dans le passé, le présent.
Désolée mais ce n'est pas pour moi, ce n'est pas ce qui me touche ou m'intéresse.
Lien : http://mumudanslebocage.cana..
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Une plongée dans un hôpital psychiatrique, Beckomberga à Stockholm, sensé apporté sécurité et confort aux "toqués" de Suède ... de 1932 à 1995, cet hôpital reçut de nombreux patients, anonymes ou célèbres et l'autrice nous fait découvrir ce lieu si étrange à travers les souvenirs (parfois confus) de Jackie qui y est souvent allée pour rendre visite à son père, Jim/Jimmy Darling, alcoolique dépressif.
C'est là où elle a grandi, séchant souvent l'école pour y passer plus de temps, là où elle a rencontré son premier amour ...
Un roman touchant, plein d'amour de cette enfant puis femme pour son père absent, lointain, puis pour son fils Marion qui réussit à la sauver de cette spirale de solitude et d'isolement.
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Jackie va presque tous les jours voir son père à l'hôpital psychiatrique surnommé le « château des Toqués » : Beckomberga. Un asile immense, le plus grand d'Europe : deux mille lits et la volonté de traiter les malades différemment en leur offrant peut-être plus de liberté dans un espace ouvert où règne la nature : des tilleuls, des rosiers, un vaste parc et des grilles qu'on ne voit pas, enfin pas tout de suite…
C'est presque une ville dans la ville de Stockholm et son architecte Carl E.Westman est très fier de son projet. Les travaux ont commencé en été 1929. « le résultat est à la fois modeste et monumental, grandiose et mélancolique. » L'espace intérieur est baigné de lumière et partout des fenêtres d'où la vue est magnifique. On voit le vaste ciel, les nuages et les oiseaux. L'hôpital ouvrira ses portes en 1932. Peut-être certains croient-ils à « un nouveau monde où personne ne sera laissé pour compte, où l'ordre et le souci de l'autre seront de mise… » Énième utopie ?
Le père de Jackie s'appelle Jim, ses amis de l'hôpital l'appellent Jimmie Darling. Comme sa fille, la narratrice, on tente une approche : on essaie de comprendre qui il est, ce qu'il pense, ce qui ne va pas et pourquoi ça ne va pas. Il boit, fait des crises d'épilepsie, veut se suicider en nageant au loin dans la mer depuis une petite plage du nord de l'Espagne, se sent chez lui à Beckomberga, ne compte pas vraiment en sortir. « de toute manière je n'ai jamais voulu vivre. » répète-t-il inlassablement à sa fille qui lui murmure : « Fais ce que tu veux, Jim. Tu as toujours fait ce que tu voulais »
C'est vrai qu'il ne s'est jamais privé, Jim : allant à droite à gauche pour profiter de femmes rencontrées, à peine aimées, s'étourdissant avec elles, se saoulant pour oublier qu'à la maison l'attendent sa femme Lone et sa fille. Elles le cherchent dans les rues de Stockholm et le ramènent à la maison comme elles peuvent.
Il finit par louer une chambre rue de l'Observatoire. Parfois, il revient à l'appartement avec son baluchon. Ceci a lieu un peu avant son admission à Beckomberga.
Jackie adolescente va voir tous les jours ce père au pavillon Grands Mentaux Hommes, tente d'échanger avec lui, pour le sauver sans doute, le sortir de là. Elle espère encore mais un médecin la met en garde : « Jim a perdu quelque chose mais il ne sait pas ce que c'est ».
Une quête sans objet semble perdue d'avance…
Elle lui demande de sa petite voix si rien ne le rattache à la vie, même pas elle. « Ce qui rend les gens heureux ne m'a jamais rendu heureux » répond-il sans illusions. Parfois il la regarde à peine, cette fille aimante, d'autres fois, il a oublié son existence. Il se demande s'il l'a aimée un jour et le lui dit. Elle reviendra encore et encore, comme « une petite dérangée » s'accrochant à cet espoir ténu de le voir devenir heureux même si ce mot, posé à côté du nom de son père, forme un oxymore.
Elle est là, auprès de lui ou bien dans le parc à sa recherche. Elle observe les nuages qui passent, parle avec les malades. Certains médecins s'étonnent de sa présence et l'acceptent au-delà des heures d'ouverture. Elle appartient à ce lieu, à ces gens.
Plus tard, constatant que son père vieillit et que sa mère absente voyage pour fuir, elle s'accrochera à son fils Marion qui lui donnera l'impression d'être « mieux ancrée au sol, d'être enfin concernée… par la force de gravité. ».
Elle aura tenté de faire quelque chose, pensant détenir le pouvoir quasi magique d'agir sur le monde et sur les autres mais finalement elle s'avoue vaincue : « je n'ai jamais sauvé quelqu'un… je n'ai même pas ne serait-ce que failli sauver quelqu'un. »
Aveu de son échec, de sa faiblesse : elle a vu sa famille se perdre, son adolescence s'évaporer, ses illusions disparaître à tout jamais. Elle a tenté de s'approcher de ce père étrange, absent, égoïste, séduisant, terrible et fascinant. Elle a aimé sans compter celui qui lui a dit : « Je ne sais pas si je t'ai aimée », ce père avouant qu'il n'a « jamais été quelqu'un sur qui on pouvait compter ».
En voulant le sauver, le ramener à la maison auprès de sa mère, elle a failli se perdre. Elle a fini par « presque vivre » elle aussi à Beckomberga, elle qui avait peur de devenir « toquée ». « Parfois, dira-t-elle à Lone, j'ai l'impression d'avoir grandi dans cet hôpital ».
Il fermera ses portes l'hiver 1995. « Les neuroleptiques … permettent une vie en dehors des institutions », c'est un pan de sa vie qui tombe, une page qui se tourne.
Une grande mélancolie émane de ces pages poétiques et sombres, une tristesse profonde et lasse, le sentiment que quelque chose n'a pas eu lieu, n'a pas été sauvé et s'est perdu à tout jamais. La famille a sombré, l'institution a fermé.
Et l'on sent dès les premières lignes de cette oeuvre terriblement nostalgique que ça ne va pas marcher, que l'effondrement est inévitable.
Des bribes de conversations, des fragments de voix, des touches de lumière parsèment l'oeuvre comme de vagues souvenirs dont il ne reste que des lambeaux bientôt éteints.
Il ne se passera rien. La narratrice aurait aimé le contraire. L'espoir a guidé ses pas. En vain. L'asile a fermé, le père est mort. Reste l'enfant, Marion, à qui elle montre les lieux. Elle lui raconte certainement la vie de ceux qu'elle y a rencontrés et qui sont partis eux aussi… ou peut-être morts.
Un monde qui n'est plus, une voix seule, nostalgique et émouvante pour tenter de dire ce monde disparu.
Jackie a des visions : un oiseau de mer blanc vole dans les couloirs de Beckomberga : « le froissement des ailes, le frémissement des plumes, un lointain relent de mer et de mort, comme si les vagues se brisaient sur une plage située quelque part à l'intérieur du bâtiment, comme si l'architecture dissimulait une blessure ».
Elle sait que cela n'est pas possible, cela n'a pas été.
Quand on n'a plus de souvenirs, il ne reste alors que les rêves… Dans le fond, c'est peut-être mieux.

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Bekomberga est un livre étrange, à l'ambiance onirique. Il ne s'agit pas, comme je le croyais originellement d'une saga familiale historique mais plutôt effectivement d'une Ode à un certain type de folie.


Le livre se compose de nombreuses scènettes, mettant en scènes quelques personnage dans un petit environnement - en général l'hôpital psychiatrique de Bekomberga mais aussi les autres lieux des vie de Jackie et de son père. L'ordre n'est pas chronologique, ni thématique. Les différentes scènes s'enchevêtre pour peu à peu prendre de leur substance. Il y donc assez peu de récit, d'histoires, mais si quelques fils se dessinent. (À une ou deux exceptions près tout de même, ou le livre nous présente une histoire cohérente suivie et peu délayée dans d'autres scènes).

Le style est dans cette même optique : il y a quelques circonvolutions, les phrases qui font sens pour le déroulement de l'action se perdent au milieu de description de paysages terriblement vivantes : comme dans un rêve ou un cauchemar les arbres, l'air, les bâtiments semblent étrangement vivants, comme animés de sentiments ou tout simplement d'existence.


C'est là la grosse particularité et le gros point fort de se livre, l'ambiance. Rêves et réalité se mélangent, faits et pensées, imagination et souvenir, choix et fatalité. Tout est flou, la narratrice passe dans sa vie comme dans un rêve, on se détache de la réalité, on s'abstrait des justifications. C'est particulier et particulièrement réussi. On a donc un roman déstabilisant. Ce n'est pas facile à lire, malgré les chapitres très courts et les nombreuses pages blanches - qui aident d'ailleurs à distiller cette ambiance. On se trouve souvent dans le brouillard, il nous faut un moment pour sortir de sa léthargie, se frotter les yeux et réaliser de quoi on parle, là, maintenant.


Tous les personnages sont fous, mais tous ne sont pas malade. La vie leur glisse dessus sans qu'ils arrivent à y trouver de prises, il continue d'exister sans un moteur de motivation. Ce sont des personnes plus que des personnages. de même, la morale brille par son absence : on ne parle ni de bonne ni de mauvaise mère, par exemple, ni de tord ou de remords. Les choses sont, sans être jugées. Même la lecture, pour une fois !, n'y apparait pas comme un loisir spécialement reluisant. On est plus dans les tempéraments que dans les actions et les choix.


C'est un roman plein de sentiments, mais sans transports. Les débordements des personnages suicidaires pleins de vie sont vue avec du recul, et font presque partie du décor. Décor extrêmement vivant comme je l'ai dit. Les sentiments existants ou questionnés ne sont ni beau ni laid. Il transparaissent peu à peu, souvent malgré leurs personnages et se fondent dans la vision détachée et perdues, mais terriblement accrochée à de petites choses de la narratrice.


Je me répète, oui, car ce roman à vraiment cette "âme" très forte et prenante. Calme et ténébreuse, sans être maléfique ou dangereuse. Lumières et ténèbres y sont d'ailleurs des thèmes forts, privés d'aspects religieux.


Et à part ça ? Et bien... pas grand chose en fait. On apprend certes quelques éléments sur Bekomberga, sur la situation humaines de ces malades internés. Les périodes suivies sont finalement assez courtes, même si elle semblent ne jamais se terminer, et l'on aura que de toutes petites esquisses sur d'autres temps. Mais ça reste en marge - tout le roman est en marge de quelque chose - et après la lecture il me reste finalement peu à en dire.


En bref, un roman empli d'un spleen adolescent et adulte, qui nous emporte dans son univers particulier.


Et merci et beaucoup à l'éditeur et à Babelio pour m'avoir permis de découvrir ce livre, en avant première en plus !
Lien : http://lemoulinacritiques.bl..
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J'ai peiné au début à déterminer qui était qui. le style éblouissant, maillé du contraste entre la beauté de l'écrit et la tristesse du monde, m'a conquis d'emblée.
Des chapitres courts, souvent des dialogues, dévoilent les attentes, les espoirs et la résignation d'êtres confrontés à l'étrangeté de ce qui est qualifié de folie. L'humour, la poésie, la tendresse agrémentent des capsules de vie, entourées d'une nature enveloppante, son emprise décrite avec délicatesse et puissance évocatrice.
Les échanges amicaux entre médecin et patient m'ont beaucoup plu. le lien familial noué en dépit des revers, aussi.
Ce n'est pas tous les jours qu'un hôpital psychiatrique se dévoile de l'intérieur, d'une main légère, d'une humanité à l'optimiste gravité.
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Remarquablement écrit ce récit est d'une mélancolie claire-obscure qui sature le ciel et l'espace entre les lignes.
Jackie, la fille de Jim et Lone, se trouve irradiée par ce père alcoolique qui séjourne à Beckomberga , un hopital psychiatrique de Suède construit en 1935.
Cet amour que Jackie porte à son père est instinctif comme l'enfant qu'elle est puis, plus confus comme l'adolescente qu'elle devient et qui continue à lui rendre visite tous les jours. Cet amour, qui, elle l' espère, le sauvera de sa folie, de son envie de mourir, de son fatalisme.
de meme , elle attend une protection qui ne vient pas , dont on ignore d'ailleurs d'où elle viendrait. Cette protection qu'elle trouvera ,une fois adulte, en Richard, le père de son fils - et qu'elle finira par refuser. Son fils qui sera une source jaillissante faisant taire ,en elle, la trop grande peur et les angoisses de ses souvenirs.
Marion, puisque c'est un prénom masculin en Suède, emportera Jackie dans la spontaneité enfantine. de son coté, elle lui transmettra la vérité comme son père la lui a transmise : Elle savait malgré, son espoir, qu'elle ne pourrait pas sauver son père ni le protéger. Cependant, tout au fond d'elle , elle souhaitait etre, pour lui, une raison valable de vivre, de s'accrocher à la vie.
Dans les yeux de son père, mélange de ténèbres et de folie amère, Jackie avec ses reves , ses espoirs aura incarné la lucidité et à la fois la deception de l'amour.
Ce livre est comme le dit le titre une Ode, un long poème d'amour, sur l'amour , sur la folie de l'amour et sa solitude. l'amour ne sauve de rien , il peut etre un pretexte à la vie mais il en est aussi sa folie et sa mélancolie douce-amère. C'est ce dont temoignent ces pages sublimement ecrites.

L'hopital de Beckomberga a fermé ses portes en 1995.
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Stockholm, ou plutôt Beckomberga, une ville dans la ville, avec cet hôpital psychiatrique qui a accueilli ses premiers patients en 1932 et fermé ses portes en 1995, l'un des plus grands établissements de ce type avec ses 2000 lits. Et pourtant, au-delà de ce chiffre impressionnant, l'idée était de développer à l'époque une nouvelle vision de l'hôpital psychiatrique, la plus adaptée possible aux malades, où ils ne manqueraient, idéalement, de rien.

Nous y rencontrons Jim Darling, qui vit dans cet hôpital, et sa fille Jackie qui lui rend très régulièrement visite. On entre ainsi dans la vie de cette famille, de ce duo père fille notamment, qui tient de façon assez bancale et pourtant toujours hyper soudée. Jim fait tourner les têtes, c'est un homme charismatique tout en étant profondément instable et auto-destructeur. Lone a préféré prendre ses distances, tout en respectant le choix de sa fille de sillonner plus souvent qu'à son tour les allées du « château des toqués ». On les sent tous suspendus au-dessus du vide, dans l'indécision totale, à composer entre l'urgence quasi permanente et la nécessité d'un certain flottement.

J'ai une tendance à aller plonger mon regard où l'on parle de psychiatrie ou d'univers carcéral, le thème de l'enfermement en somme, dans tous les sens du terme, et de son dépassement. Je n'attendais pas grand-chose de ce roman, ouvert un peu hasard par l'attirance de son sujet. Et quelle bonne surprise. La « folie » est très finement décrite, sans pathos, avec beaucoup d'humanité et de tendresse. On se familiarise assez curieusement avec cet hôpital, on reconnaît progressivement les lieux, le parc et ses grands arbres qui bordent le pavillon Grands Mentaux Hommes, les résidents, on prend ses marques. Une écriture très fine, des chapitres courts, comme autant d'allers retours entre passé et présent, qui nous plongent dans l'histoire à la fois difficile, douloureuse et bourrée d'amour et de respect de cette famille hors-norme. Un tour de force pas si évident et très bien rendu par Sara Stridberg.

En regard, une partie de l'histoire de la psychiatrie, les asiles et leurs fermetures progressives, leurs mutations, avec l'évolution des traitements, notamment l'émergence des neuroleptiques et de nouvelles alternatives intégrant davantage les personnes malades dans la société.

Une belle surprise et un gros coup de coeur qui donne envie d'aller découvrir un peu plus les textes de Sara Stridsberg.
Lien : http://casentlebook.fr/becko..
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