Il avait choisi le film : Le facteur sonne toujours deux fois, avec Jessica Lange et Jack Nicholson. La première séquence est une longue scène de sexe, en sueur, sur une table de cuisine. Ils étaient comme pétrifiés, il était mort de honte. Juste au moment du générique de fin, il avait bâillé, s’était étiré et comme par hasard avait posé le bras sur ses épaules. Mais il était bien temps. La lumière était revenue, le charme était rompu, et il avait bien serré sa parka pour dissimuler son érection naissante.
Cette absence de limite involontaire entre je et elle.
La mort n'est ni noire comme la nuit éternelle, ni blanche comme la lumière au bout du tunnel, elle est gris métallisé, fabriquée en Allemagne et adaptée à la libre vitesse.
Un ordinateur rempli de photos qui n'auraient jamais dû être prise.
Une triste collection de traces de pas laissées dans le marécage virtuel.
... sur la psychologie
"C'est l'art de dire ce que tout le monde sait déjà avec des mots que personne ne comprend".
Comment font tant de gens pour avoir des opinions aussi tranchées et être à ce point persuadés de savoir qui ils sont ?
Son langage s’est de plus en plus transformé en charabia et, à la fin, les mots ne voulaient plus rien dire pour lui. L’hiver dernier, on l’a retrouvé en robe de chambre sur les marches du perron en train de manger un paquet de beurre à la petite cuillère.
Pendant la maladie de son père, l’état de sa mère s’est lui aussi dégradé. Comme par contagion. Des mois de conversations et d’actes surréalistes, combinés à des problèmes d’audition, l’ont détournée de la réalité et ont altéré sa personnalité.
Un yoyo n’a ni commencement ni fin, disait son père. C’est comme une montre. Ça tourne, tourne. Comme le temps. Pas de commencement, pas de fin. Éternel.
Certaines choses sont héréditaires, pense Kevin en rembobinant le yoyo qu’il repose sur la table tandis que le film sur l’écran de l’ordinateur commence à le déranger. Quelque chose l’agace. Peut-être la belle musique. Tout lui paraît soudain sonner si faux qu’il l’éteint.
Aujourd’hui, Kevin sait que l’Épouvantail s’appelait en fait Gustav Fogelberg. Un solitaire qui agressait sexuellement les petits garçons et a fait de la prison pour ça. Le yoyo rouge était une sorte d’appât, mais son père l’avait utilisé pour cacher une histoire d’agression. Le yoyo était devenu le mur porteur du mensonge de sa vie, et il n’a jamais reconnu avoir été victime de quoi que ce soit.
Le virus qui réussit le mieux est l'avidité, pas l'argent en soi. D'autres virus efficaces sont l'alcool, la nicotine, la caféine ou le cannabis.