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Citations sur La Havane année zéro (23)

C’était inévitable. Diplômée en mathématiques, je dois à ma formation méthode et raisonnement logique. Je sais qu’il y a des phénomènes qui ne peuvent se produire que lorsque certains facteurs sont réunis et, cette année-là, nous étions tellement dans la mouise que nous avons convergé vers un point unique. Nous étions les variables d’une même équation. Une équation qui ne serait résolue que des années plus tard, et sans nous, bien sûr.
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Un orateur ne sera pas cru s’il ne donne pas la preuve mathématique de ce qu’il dit.

Aristote
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Avec La Havane année zéro, Karla Suãrez, nous offre un roman en forme d’équation mathématique à 3 inconnues, un polar qu’elle situe en 1993 – année especiale, comme disent les cubains – 4 ans après la chute de mur de Berlin. « Polar », même si, entendons-nous bien : il n’y a pas de victime, si ce n’est le « brevet » d’une découverte usurpée, celle du… téléphone !
Dans ce roman « fractal », Karla S. s’adresse directement au lecteur qu’elle tutoie dès le troisième chapitre en le faisant participer à son enquête le long du Malecón. Elle fait de nous son complice et nous embarque comme témoin pour résoudre l’énigme du livre. On partage son tâtonnement expérimental sous la tutelle de Poincaré qu’elle cite à de nombreuses reprises (« Il y a des questions que l’on pose et d’autres qui se posent toutes seules ») et d’Einstein ( « Si tu cherches des résultats, ne fais pas toujours la même chose ! ») Karla Suarez semble s’amuser en attribuant à son lecteur le rôle de juré qui sera chargé de trancher face à la question : Qui détient le document ? … Car le prétexte à cette « course au trésor » à travers la capitale cubaine – d’Alamar au Vedado, en passant par Cienfuegos – est de retrouver les notes originales d’Antonio Meucci, prouvant qu’il est l’inventeur du téléphone, titre que lui a raflé Graham Bell.
Karla S. nous étourdit dans une valse à trois temps dans laquelle elle nous fait tourbillonner à un rythme de plus en plus enlevé entre ses trois partenaires ! Dans ce ballet tropical, on rencontre Euclides – son ex-prof universitaire –, Angel –son amoureux si séducteur –, et Léo –son pittoresque ami écrivain – qui tour à tour posent un deal avec la jeune femme, une stratégie pour localiser le précieux docu et identifier son détenteur.
La Havane année zéro est alors une toile d’araignée qui nous embrouille dans sa spirale, pour notre plus grand bonheur (« Parfois penser est une façon de continuer à s’énerver » nous confie l’auteure !) Elle joue avec nos nerfs dans la jonglerie de ses démonstrations où les alliances se nouent et se dénouent dans une surenchère de tromperies entre les amants. La question récurrente qui laboure les 21 chapitres du livre est : Qui ment ?
Les protagonistes de K.S. se manipulent mutuellement dans un concours de dissimulations, de non-dits, d’approximations, de chausse-trapes… comme l’auteure- qui fait dire à Julia, son héroïne « Je me sentais comme une marionnette qui avait rêvé d’être marionnettiste », - manipule les réflexions de son lecteur !
Dans ce roman mathématique, véritable enquête « démystificatrice », Suarez alterne le noir et blanc et la couleur.
Le noir & blanc dénonce, au cours de cet enchaînement de journées à multiplier par zéro, la pénurie où se débattent dans cette île des Caraïbes ces végétariens de deuxième génération : « La vache mange de l’herbe et moi je mange de la vache, mais à cette époque on ne trouvait des vaches que là où étaient les dinosaures : dans les livres ». On doit allumer la radio, en ces années 90, pour couvrir les voix et parler en toute sécurité, comme le faisaient les personnages du film La vie des autres en RDA dans les années 80.
Mais la couleur pétille aussi grâce à l’humour auto-dérisoire de l’auteure dont le bouquin est caressé par une très chaude ambiance de … »cucuterie » ! On fait beaucoup l’amour dans ces pages car… faire l’amour est une respiration pour ouvrir une ceinture trop serrée. La sexualité est la soupape de survie dans cette société pressée comme un citron et Julia en vient à classer les hommes, ses amants, en nombres : « Je m’amusais même à les classifier, à les ordonner comme des nombres, par exemple : naturels, entiers, rationnels, complexes ou réels ». Leur dénominateur commun étant d’être tous nus sous leurs vêtements. Elle compare même Angel au Cuirassé Potemkine !
Dans le livre de cette écrivain dotée d’une formation scientifique, tout s’articule autour du nombre où elle revient de manière récurrente au long des chapitres. Son roman est construit comme un puzzle sur lequel elle pose les pièces selon son bon vouloir, se jouant de nous : « Elémentaire, mon cher Watson ! » se moque-t-elle…
Au cours de » cette nuit de comploteurs », on « raisonne comme une romancière ou… comme un mathématicien… deux faces d’une même pièce » car « au commencement de l’histoire humaine, art et science faisait un tout qui s’est progressivement ramifié en différentes spécialités (…) Je me servais des nombres comme lui des mots (…) La seule différence tenait à l’usage de langages et de symboles. » Telle le joueur de flûte d’Hamelin, Karla S. nous emmaillote dans la bobine de son énorme imbroglio : « Avec l’amour dans les yeux, sans signes ni témoins, nos corps se sont aimés jusqu’au matin où nous avons compris l’erreur »… Au cœur de la chaleur humaine des nuits torrides tropicales, où les infusions de citronnelle le disputent au rhum ou son ersatz tord-boyaux coulant à flot, Julia cherche à rendre cohérence au désarroi et au chaos… Dans une sorte de jeu de chaises musicales avec Angel, Barbara, Euclides, Léonardo et Margarita, elle tourne au gré des chapitres dans un parfait cercle fermé en se demandant… pourquoi l’amour est-il aussi irrationnel ?
D’étape intermédiaire en objectif principal, Karla-Julia, nous balade avec bonheur en nous entraînant dans la moiteur caraïbe. Elle démontre que si c’est l’ignorance et non le hasard qui rend certaines situations inexplicables comme le prétendent les déterministes… toutefois d’après la théorie du chaos, l’univers est régi par un mélange d’ordre et de désordre, c'est-à-dire qu’il ne suit pas un modèle prévisible et déterminé (…) le désordre existe et se manifeste quand on s’y attend le moins.
C’est par cet effet-papillon –battement d’ailes dans un endroit pouvant provoquer quelques temps après un ouragan dans un autre que les héros de cette histoire ont été embarqués dans cette aventure insulaire, méli-mélo de hasards et de préméditations, face au chaos où se mêlent sentiments et projets.
Dans ce roman/jeu de piste singulier et déroutant, tout est question de perspective (Quand tu es sur le rivage, le bateau se déplace, mais quand tu es sur le bateau, c’est le rivage qui change … Nouvelle société, nouvelles valeurs.) et il s’agit comme les membres de l’Oulipo d’être des rats qui doivent construire eux-mêmes le labyrinthe d’où ils ont l’intention de sortir.
Si Julia/Karla se compare au cœur de ce roman à un cheval aux échecs qui s’imagine trotter librement dans les champs sans se rendre compte que quelqu’un le déplace, elle conclut son récit dans un éclat de rire, nous clouant « pat » sur l’échi quier face au pion-roi Meucci, entre la tour du Tacón et la diagonale du fou !
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