Lochan ne peut pas être mon petit ami. Parmi les millards d’hommes de cette planète, il est le seul qui ne sera jamais mien.
Ce sentiment m’habitait depuis de nombreuses années, remontant de plus en plus à la surface au fil des jours; ce n’était qu’une question de temps pour qu’il explose et traverse le filet fragile de notre déni, nous obligeant à affronter la réalité de ce que nous sommes: deux êtres s’aimant d’un amour que personne d’autre que nous ne peut comprendre.
Je suis obsédé par ce qui s’est passé entre nous. J’y pense toute la nuit,
puis la journée suivante. Qu’avons-nous fait ? Qu’avons-nous fait ? Même si
nous n’avons pas retiré nos vêtements, même si nous n’avons rien commis
d’illégal en théorie, je sais que nous sommes au bord d’une pente dangereuse,
et le fait d’envisager là où elle peut nous mener est à la fois terrifiant et
fantastique. J’essaie de me convaincre que ce n’est rien, que je tentais juste
de la consoler, mais je ne parviens pas à me duper moi-même avec ce piètre
prétexte. Et maintenant, cette expérience agit comme une drogue sur moi, je
n’arrive pas à croire que j’ai réussi à vivre si longtemps, à côtoyer chaque
jour Maya sans jamais encore atteindre avec elle ce niveau d’intimité…
Je ne peux pas te le dire. Tu es précisément la personne à qui je ne peux
rien dire. Tu as toujours été ma confidente, la seule sur qui je pouvais
compter. Et maintenant que je t’ai perdue, j’ai tout perdu.
J'aimerais affirmer que ce roman fut facile à écrire, mais c'est en réalité l'expérience la plus éprouvante à laquelle j'ai été confrontée...
Te voir, te cotôyer au quotidien sans pouvoir rien faire, c'est comme un cancer, un cancer qui grandit en moi, ronge mon corps et mon esprit.
C'est mon âme soeur, l'air que je respire, ma raison de vivre.
Tu crois que personne ne te comprend mais tu as tort. Moi, je te comprend. Tu n'es pas tout seul.
Même les relations adultères, ou bien celles où une personne exerce un pouvoir affectif sur l’autre, sont tolérées, en dépit du tort qu’elles sont susceptibles de causer. Dans notre société progressiste et permissive, les relations dysfonctionnelles et abusives sont admises, mais pas la nôtre. Je ne vois aucun autre amour qui provoque une telle levée de boucliers, et pourtant il est si profond, passionné, attentionné et puissant que si l’on nous forçait à nous séparer, nous en concevrions une douleur inimaginable. Pourquoi la société tiendrait-elle tant à nous punir ? Est-ce notre faute si nous avons été engendrés par la même femme ?
Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. Je suis certain que c’est déjà arrivé, que des frères et des soeurs sont déjà tombés amoureux l’un de l’autre. Et nul doute qu’on les a autorisés à exprimer leur amour, tant sur le plan charnel qu’émotionnel, sans les vilipender, les ostraciser, voire les jeter en prison. Mais je sais aussi que l’inceste est illégal. En nous aimant, sentimentalement et physiquement, nous commettons un délit. Et cette pensée me terrifie. C’est une chose de se cacher du monde, c’en est une autre d’agir dans le dos de la loi.