Je savais que j'aurais dû en informer l'agente Mulvey, mais je ne l'avais pas fait, et tant que je ne le jugerais pas nécessaire, je ne prévoyais pas de le faire. J'étais convaincu qu'elle me cachait des choses. Je ne comptais pas tout lui dire non plus. Il fallait que je commence à protéger mes arrières.
Nous avions discuté du dernier roman de Louise Penny. Enfin, surtout elle. J’avais fait semblant de l’avoir lu. Je faisais souvent semblant d’avoir lu un roman. Je me contentais en fait de consulter les critiques dans les revues spécialisées et de me rendre sur des blogs.
Lorsqu'on rencontre quelqu'un pour la première fois, avant même d'échanger les premiers mots, les mensonges et les demi-verités sont déjà là. Les habits que l'on porte cachent la vérité de nos corps, mais ils nous présentent aussi au monde tel que nous voulons apparaître. Ils sont un tissu de mensonges, au propre comme au figuré.
Les livres sont comme un voyage dans le temps. Mais ils ne vous ramènent pas seulement à l'époque où ils ont été écrits, ils peuvent aussi vous ramener à d'autres versions de vous-même.
C'est tellement agréable de s'asseoir au coin du feu avec un verre de vin.
Je ne parle pas assez de Mal dans ces pages, et du bonheur qu'il me procure. Chaque soir je rentre tard, et chaque soir il est là sur le canapé à m'attendre. Le plus souvent, il dort, un livre ouvert sur le torse. La nuit dernière, lorsque je l'ai réveillé, il était si heureux de me voir. Il m'a dit qu'il avait lu un poème que j'aimeai sans doute.
Je l'ai aimé, peut-être même adoré. Il est de Bill Knott et je vais le recopier ici afin de ne jamais l'oublier. Il s'intitule "Goodbye".
Si tu es toujours envie quand tu liras ceci, ferme les yeux. Je suis sous tes paupières, tout s'assombrit.
Le soir, je lis sur le canapé à l'aide d'une lampe stylo, caché sous une couverture. J'ai recommencé à lire des romans policiers, pour la simple raison que c'est tout ce qu'il y a ici, mais aussi parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps et que je veux relire certains de mes préférés.
Il sourit. Cette lueur indéfinissable que j'avais vu dans ses yeux un peu plus tôt, ce bonheur, n'y était plus. J'y voyais maintenant ce que j'avais toujours vu. J'avais toujours pris ça pour de la bienveillance.
Il arrive un moment dans sa carrière où on prend comme un affront personnel de ne pas avoir son nom dans le classement des dix meilleurs bouquins de l'année ou de tel ou tel thème.
Mais à présent tout tournait autour de lui. De ma liste. Et de moi aussi, sans doute. Quel genre de personne se place au-dessus de ses victimes? Quel genre d'individu peut se laisser obséder par une liste de livres?