Les Chroniques de Siwès, tome 2 : Le lion à la langue fourchue

Il n'avait aucune envie de marcher sur les cadavres de ses anciens compatriotes. Pourquoi avançait-il encore, dans ce cas ?
Il cracha sur les dalles.
La honte empourprait ses joues. Une part de lui hurlait à l'intérieur et en écho à son mal-être, le lion émit une longue plainte.

Tremble, Ralliendé, car le soleil sanglant tombera bientôt du ciel.
Ton règne s'achève ce soir.
(Siwès)

Tad'Wel n'avait pas tant besoin d'éloigner les autres mages noirs que de se rassurer. Même lui, maître-nécromant aguerri, pouvait ressentir de la peur face à l'Ahr.
Il avait souvent rêvé de caresser une pierre de puissance et de soumettre une créature antique à ses désirs, mais pas au point de risquer sa raison ou son libre arbitre. Il avait croisé quelques ambitieux qui avaient tourné simplets pour moins que ça.

Une odeur âcre prit l'homme lige à la gorge. Il toussa et remarqua les chiffons coincés dans les casques des gardes.
- Qu'est-ce que cette puanteur ?
- Le tigre a pissé sur le capitaine.

- Je n'ai pas eu peur de livrer mon sentiment au Tout-Puissant Ralliendé, il sait que je réprouve ses choix. L'Ahr pervertirait le meilleur d'entre nous. Il n'est fécond que si l'on souhaite obtenir des fruits pourris.
(Jan'Shi au général Dessévaré)

L'homme lige hocha la tête, plus préoccupé par les dogues de guerre que par le risque d'abîmer son encre de malheur. Sa peau ne le brûlait plus autant que les jours passés ; c'était déjà un progrès. L'ancien espion s'appuya à la fenêtre et regarda le paysage qui s'étalait sous les murailles. Le tableau de ces ruines grouillant de clébards dégénérés hérissa les poils de ses bras. Se battre aux côtés des meneurs l'emplissait de dégoût et de rage.