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sur 4939 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je ressors chamboulé de cette lecture. J'ai apprécié l'écriture, belle, ambitieuse, poétique dans les descriptions et collée à la réalité dans les dialogues, jusqu'à le rendre lourd (putain!). Mais que cette découverte fut longue, pénible par moments. le thème est dérangeant, la destinée de Turtle m'a remué mais comment apprécier ces états d'âme à n'en plus finir pour décrire et tenter d'expliquer, parfois même excuser l'inexcusable?!! Non, mon esprit n'a pas pu intégrer la moindre compassion vis à vis de Martin. J'ai compris que c'était l'esprit blessé, troublé, on e serait à moins, de Turtle, qui le faisait, mais cette insistance !... pfff fatiguant! Autre bémol, j'ai trouvé les scènes d'action confuses parfois, presque abstraites, improbables et trop lyriques. Bref, je suis mitigé, et content d'en avoir fini. Je comprends que l'on puisse aimer et détester ce livre, moi je suis resté entre les deux sentiments, mais marqué, assurément.
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Dans la grande librairie de mars 2018, François Busnel avait fait découvrir des parcours et des portraits de femmes libres et combattantes. Et il avait évoqué le premier livre d'un écrivain américain de trente ans : Gabriel Tallent. Il y raconte un destin de femme dans l'Amérique actuelle - le parc naturel de Joshua Tree en Californie. Dans une vieille maison perdue sur une colline vit un père et sa fille. Le papy et sa vieille chienne Rosy sont dans un mobil-home à proximité. La fille prend le bus scolaire pour se rendre au collège le plus proche de la ville de Mendocino. Elle n'a pas de bonnes relations avec ses camarades de classe et ne réussit pas bien en classe. Par contre, pour ce qui est de son adaptation à la vie des bois, elle est au top. Une vraie Robinsonne. Elle se bat pour devenir ce qu'elle veut être : une jeune fille de quatorze ans qui est en plein émoi amoureux.
L'auteur est né à Santa Fe au Nouveau Mexique et a grandi à Mendocino en Californie. Très tôt il a des troubles de l'attention et se révèle dyslexique. Il a été élevé par un couple de lesbiennes à l'époque où le mariage gay n'était pas encore légal en Californie. "Mon féminisme et ma vision de la société ont été forgés par cela".
La violence du père provient souvent du désir de contrôler. Martin est incapable d'admettre l'indépendance de Turtle. Cela fait partie du contrôle que la société exerce sur les femmes. Ce sont des vrais problèmes créés par des vraies personnes et non par des monstres imaginaires. Martin est très érudit : il lit Hume - Enquêtes sur les principes de la morale. Il est aussi très misogyne. Il est très normal finalement.
Dans ce livre, vous explorez la complexité de l'âme humaine sans jamais juger. Il y a une expression très américaine : wilderness, un territoire qui se trouve en dehors du contrôle des hommes. Un lieu non propice à l'homme. Un lieu qui dépasse l'homme.
Ce livre fait penser au meilleur de Joyce Carol Oates avec dedans du Giono pour ce qui concerne l'amour de la nature sauvage : l'estuaire de Buckhorn Bay tapissé de coquelicots de Californie, la vallée de l'Albion River et le passage où Croquette part pêcher les anguilles avec Jacob et manque de se noyer. J'ai aimé aussi quand Turtle sort sur le porche de leur maison et s'installe sur un des fauteuils Adirondack face à l'océan. Et à ce moment Martin sort de la maison pour l'y rejoindre et lui fait tout un cours philosophique sur le fait que la douleur est une bonne solution au solipsisme. Elle, elle se concentre sur l'océan et ses beautés.
C'est un livre fort qui dérange parfois mais qui est novateur dans sa conception. Je ne regrette pas de l'avoir lu bien qu'il m'ait remuée.
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Un titre un peu bling-bling à mon goût, une couverture colorée et un bandeau avec superlatif avaient d'abord agi sur moi comme un repoussoir malgré la discrète incitation de ma libraire. Cependant, un peu plus tard, alors que je flânais entre les rayons sans but précis, j'ai saisi les bribes d'une conversation entre mon libraire (un autre_même si libraire est un mot épicène, vous aurez saisi la différence du possessif) et une lectrice complètement conquise par ce livre. Leur propos était tellement dithyrambique que j'ai donc fait fi de mes préjugés sur la combinaison titre et couverture et j'ai embarqué ce premier roman de Gabriel Tallent, non sans avoir glané quelques précisions supplémentaires ("il a mis 8 ans pour l'écrire").
D'emblée, j'aurais aimé adhérer à la critique enthousiaste que j'avais entendue mais je dois dire que, dans un premier temps, la pauvreté du style dans les passages dialogués m'a gênée. Alors que j'étais en cours de lecture de ce roman, un autre passage à la librairie a donné à peu près ce genre de conversation :
- Moi : Comment dire ? Franchement, les "p..ain" et "co...asse", toutes les 2 lignes, c'est un peu lourd à force, je trouve. Il me semble qu'on avait déjà bien compris le côté grossier du père, même si bien entendu, il a une personnalité complexe... Par contre, quand l'auteur évoque la nature sauvage de ce coin de Californie que ce soit dans la partie forestière ou océanique, quelle richesse de style ! C'est à la fois précis, documenté et poétique.
- Mon libraire : mais ce contraste est voulu. C'est pour mieux qu'on saisisse la différence entre son environnement familial où elle est confinée avec ce père menaçant qui est pourtant sa seule référence et l'extérieur immense, ouvert sur tous les possibles.
- Moi (légèrement vexée en mon for intérieur de ne pas avoir déduit ça toute seule) : certes, mais ne trouvez-vous pas que ce livre ne peut être que "fort" étant donné la situation de la principale protagoniste, une adolescente abusée, maltraitée, sous l'emprise d'un père érudit, manipulateur et violent ?
- Mon libraire : oui, mais l'auteur réussit à en parler sans pathos. Et puis, il montre à quel point il est compliqué pour Julia de s'affranchir.
- Moi : oui, je suis d'accord, le dilemme est très bien rendu. On sent qu'elle chemine pourtant vers sa libération mais le père lui fait vivre un tel ascenseur émotionnel...
- Mon libraire : oui et tant qu'elle n'a pas d'autres références, et en ce sens, la rencontre avec les garçons est décisive, elle ne peut y arriver.
Après cette conversation, j'ai poursuivi ma lecture. La suite du roman avec moins de passages dialogués m'a moins gênée aux entournures côté style (même si j'avais bien intégré le côté voulu...). J'ai lu certaines phrases le coeur au bord des lèvres, pressée d'en finir avec les passages les plus pénibles mais avec une volonté de plus en plus irrépressible que l'héroïne s'en sorte, retrouve le droit de s'appeler Julia et non plus "Turtle" ou ce stupide "Croquette", surnom dont son père use et abuse... Finalement, ce qui m'a le plus étonnée en lisant ce livre, c'est l'incroyable transfert d'énergie qu'il opère. On se sent devenir forte et puissante en même temps qu'elle.
Et je m'aperçois que je ne suis pas loin d'utiliser le superlatif du bandeau que j'avais pourtant épinglé au début de ce billet...

Lien : https://leschroniquesdepetit..
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« My Absolute Darling » … MAD
Un « amour absolu » horriblement fou.
C'est tragique, violent et dérangeant. L'histoire d'une enfance brisée, du combat d'une jeune fille.

L'héroïne de ce roman, Turtle, est une adolescente finement intelligente, élevée « à la dure » (doux euphémisme dans la violence de son quotidien fait d'extrême en toute chose, surtout dans le pire), dans une ambiance marginale survivaliste, entourée d'armes à feu, engluée dans l'obscurité ambiante d'une relation complexe et déséquilibrée avec un père abusif, violent, incestueux.

Turtle… Il lui faudra se forger une sacrée carapace pour développer les capacités de survie et trouver la force en elle nécessaire pour endurer la situation, se battre et tenter, peut-être, de ressortir vivante de cet enfer.

Turtle vit seule avec son père dans un coin de la Côte Nord de la Californie, la nature sauvage environnante est décrite de façon très belle et détaillée (quelques longueurs toutefois), et l'atmosphère est palpable tellement le réalisme cru happe le lecteur.
Roses et sumac vénéneux bordent leur lieu de vie… L'image de Turtle et son père… Beauté et dangerosité s'emmêlent.
On tremble d'effroi et il me tardait d'arriver à la fin du roman avec la sensation d'une lecture en apnée.
Dérive des sentiments malmenés, déchiquetés, à l'image de cette côte-nord californienne dentelée, aux rochers acérés, comme des couteaux... aux côtés des séquoias géants et des falaises abruptes.

J'ai dû m'accrocher car c'est d'une profonde noirceur, l'emprise démoniaque dont cette jeune fille est victime peut sembler effarante, et pourtant…elle est enchevêtrée dans une ambivalence effrayante.

Roman d'apprentissage, nature writing, et roman noir sans aucun doute.
Une lecture marquante mais un style qui a nuancé mon appréciation, notamment quant à l'abondance de mots crus répétitifs et certaines longues scènes. L'accent est souvent forcé, ce qui nous plonge dans le décor d'autant plus.
Néanmoins, j'ai trouvé ce premier roman réussi et puissant.

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Un choc. Violent. Insoutenable. Inimaginable, au sens propre. Julia, en train de sortir de l'enfance. Martin, son père. Qui l'aime, sa fille. D'un amour absolu. Ou ce qu'il nomme amour. Julia est nommée Turtle, ou kibble. Père et fille vivent au bord de la mer, dans une maison à la limite de l'insalubrité.Père et fille sont isolés: le grand-père est bien là, pas très loin. Les enseignants aussi, pas bien loin non plus. Les armes sont là, omniprésentes. le père qui frappe, qui viole, les autres qui ne savent pas, ne voient pas, ne croient pas ce qu'ils voient, ne réagissent pas.
Un livre terrible de violence, sans voyeurisme, sans complaisance, sans happy end obligé. Un petit peu d'espoir , flamme fragile à entretenir.
Un livre à ne pas manquer.
(lu en VO)
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C'est a la fois prenant et épouvantable. Je comprend ou crois comprendre pourquoi le magazine América le promeut, on y parle de l'Amérique profonde, d'une vie qu' un certain nombre d'américains doivent vivre.
Il y a la répétition de la violence de père à fils-père à fille, les armes omniprésentes, la nature et une forme de vie sauvage. Comment s'émanciper de ce père adoré-haït, s'émanciper de la vision paternel de la vie, s'autoriser à penser par soit même, se sortir d' une situation inextricable. Il faut beaucoup d'intelligence et de force à Turtle pour mettre en place son avenir. On sent bien que lors-qu'arrive Cayenne, ajouté à la rencontre avec Jacob les choses vont basculer. Mais il y a une violence insoutenable qui nous met en apnée tout au long de l'histoire, qui nous tord le ventre, qui parfois éloigne le livre de nos yeux. Pourtant je suis allée au bout du bout.
À ne pas mettre entre toutes les mains.
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J'ai trouvé ce roman tellement sombre et dur, et pour cause je ne savais pas qu'il traitait de maltraitance et de violence familiale.
Le tout sur fond d'Amérique rétrograde où les armes ont une place bien trop importante. Cette Amérique bien loin de tout ce qu'on nous montre et qui vit en complet décalage de la société.
J'ai trouvé certains passages à la limite du supportable, une certaine pudeur aurait été judicieuse.

Cette gamine ne comprend pas l'emprise psychologique de son père, elle voit bien que quelque chose n'est pas "normal" sans savoir l'exprimer.

La lecture de ce roman est une plongée dans l'horreur difficile d'en ressortir indemne.
Certaines parties auraient pu être raccourcies, notamment le passage sur l'île avec Jacob.


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Oui, le livre dont tout le monde parle, il faut que je fasse abstraction de tout ce que j'ai pu entendre ou lire à son sujet pour ne donner que mon sentiment une fois le livre refermé.....

Dès les premières pages on est plongé dans la vie de Julia, 13 ans, Turtle pour tout le monde, Tortue : oui le surnom est bien trouvé...... Je me replie, je me protège sous ma carapace du monde qui m'entoure mais surtout de ce père, Martin, qu'elle aime et dont elle ne peut imaginer vivre sans, son seul compagnon de vie en dehors de Papy, Daniel, le grand-père paternel qui lui offre des petites bulles de calme.

Les personnages sont peu nombreux, c'est presque un huis clos, étouffant, oppressant, tellement la violence est sous-jacente, même dans les moments d'accalmie. La violence oui, la brutalité aussi, elle est la compagne de ce duo : physique, sexuelle, morale. Les pensées de Turtle sont omniprésentes : elles tournent en boucle, elle pense, elle envisage toujours toutes les options qui s'offrent à elle, pèse le pour, le contre. C'est une guerre et l'ennemi est son père, homme ambivalent, d'une grande culture, désorienté par le monde qui l'entoure et qui saccage, qui détruit à la nature. Et elle, Turtle, qui se cherche, qui essaie d'analyser qui elle est, réellement.

C'est un couple, avec ses rituels matinaux, l'oeuf gobé par Turtle chaque matin, la bière bue par son père en même temps, la phrase : "tu n'as pas besoin de m'accompagner jusqu'à l'arrêt du bus" sans réponse de Martin mais qui continue à l'accompagner. Cela donne le rythme au récit, jour après jour.

Et l'on passe de cette vie à deux, presque normale, normalité toute relative pour eux, à des scènes d'une extrême violence, comme le calme avant la tempête comme l'est l'esprit imprévisible de ce père, que l'enfant connaît bien, qu'elle aime malgré tout et dont elle n'imagine pas la vie sans lui.

Ames sensibles s'abstenir : il y a des passages où vous aurez la chair de poule comme je l'ai eue, vous n'aurez qu'une envie que cela s'arrête, ce n'est pas possible une telle cruauté mais vous ne pouvez abandonner Turtle : vous lui intimez de partir, de s'enfuir, de dénoncer mais ce n'est pas si simple pour elle. C'est finement mais brutalement rendu mais ce n'est que le reflet de ce que vit cette adolescente.

J'ai aimé l'ambiguïté de certains personnages : le papy dont on peut penser que sa relation avec Martin n'a pas toujours été douce, Martin dont l'auteur n'a pas fait un homme inculte, cela aurait été trop facile et évident, sans sentiment, Turtle, cette jeune fille en pleine transformation, qui est devenue une arme de guerre, comme les armes qu'elle ne quitte pas et puis Jason, l'adolescent que rencontre Turtle et qui va être le révélateur qu'une autre vie existe, différente, joyeuse et douce.

J'ai été un peu frustrée de ne pas en savoir plus sur la mère de Turtle, disparut mystérieusement, sur Cayenne, cette enfant débarquée d'on ne sait où mais cela ne gêne pas la lecture les projecteurs étant braqués principalement sur la relation père/fille, sur leurs ambiguïtés : sado/maso, je t'aime, je te hais.

Rien n'est simple, c'est le reflet d'un monde où la nature est extrêmement présente et joue, elle aussi un rôle prépondérant et ajoute au climat du livre, où l'environnement et la solitude, l'isolement où vivent ces deux êtres participent au drame.

Je reconnais qu'une fois ouvert, on ne lâche pas le livre, même si parfois on voudrait le faire tellement certaines scènes sont insoutenables, mais l'on veut connaître le destin de Turtle, qui va sortir vivant de leur duel, car il est évident que cela va mal se terminer. J'ai beaucoup aimé la douceur des derniers chapitres en contraste avec les 28 ou 29 premiers, j'ai peut être trouvé cela un peu "eau de rose" mais après une telle lecture cela permet de reprendre pieds doucement.

Je garderai de cette lecture un choc : aller si loin dans l'écriture, il fallait oser, se plonger dans l'esprit tourmenté de cette adolescente, sans repères, culpabilisant, sans estime d'elle, oui mais je n'en ferai pas une lecture régulière. C'est d'une violence inouïe, oui, mais c'est surtout l'ambivalence très bien rendue des deux principaux protagonistes qui m'a interpellée et qui est magnifiquement restituée, comme la nature, les plantes, les animaux, l'âpreté du paysage.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Définitivement dérangeant, psychologiquement glaçant et pas pour les âmes sensibles, My absolute darling se déroule dans une région reculée de Californie, et décrit la relation dysfonctionnelle entre Turtle, une jeune fille de quatorze ans et son père, un ''survivant'' dément, amateur d'armes à feu, qui fait subir à sa fille les pires violences possibles depuis la mort de sa mère. Turtle est une enfant sauvage, une fille à papa, qui n'est jamais aussi heureuse que lorsqu'elle parcourt le paysage côtier sauvage.
Son monde est confiné à l'ombre de son père et pourtant, Martin est son TOUT, elle est sa croquette, sa chérie absolue, sa raison de vivre, son identité entière repose sur les perceptions et les attitudes de Martin, elle ne connaît pas d'autres univers...jusqu'à une rencontre fortuite avec deux garçons qui plante, une graine de rébellion dans son esprit engourdi et meurtri...
Martin est un père psychologiquement malade, il est intelligent, instable, manipulateur, émotionnellement endommagé et obsédé par le contrôle absolu de sa fille. Mais quand Turtle développe un besoin primaire d'une identité distincte de celle de son père, un besoin qui l'amène à prendre des risques en cherchant des choix alternatifs, Martin devient fou de peur, de haine et de cruauté...
Gabriel Tallent nous offre un roman atmosphérique et fascinant, qui s'attaque au territoire désespérément troublant de la relation entre Martin et Turtle, une véritable boîte de Pandore terrifiante. La plume est vivante et vibrante, avec des descriptions exquises de la flore et de la faune sauvages de la côte. Les personnages sont nuancés et complexes, Martin a suffisamment conscience de lui-même pour voir le monstre qu'il est devenu, mais il n'a pas la capacité d'agir pour changer. de son côté, ce n'est pas facile pour Turtle de faire ce qu'il faut et de briser le seul monde qu'elle connaît. Son portrait psychologique est authentique, le changement vient progressivement, jusqu'à ce que la jeune fille atteigne le point où elle doit agir, quel que soit le résultat.
C'est un roman brut, intelligent et émouvant que je ne suis pas prête d'oublier. C'est sans aucun doute une lecture stimulante que je recommande vivement.
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Tout pousse tordu dans cette histoire : de la petite Turtle, orpheline de mère aux prises avec un père alcoolique, abusif et violent à la végétation de Mendocino qui peine à s'épanouir au milieu de cette terre aride et sèche de Californie balayée par les vents de l'océan. Tout y est violence : les rouleaux de mer fracassant l'écume sur les rochers, les mots orduriers du père pour sa fille, la voix intérieure d'une enfant que l'on brise chaque jour d'avantage, les scènes ordinaires d'une vie familiale dont un monstre réécrit chaque jour les principes. Tout est infesté, corrompu, moisi : la Veuve noire tisse sa toile au-dessus de la baignoire, les rats dévorent l'intérieur des murs du foyer, l'amour y est incestueux et obsessionnel, l'estime de soi inexistence, piétinée, éclatée jusqu'à l'éparpillement. Turtle ne voit pas d'issue possible. Elle sait que son père ne la laissera jamais partir. Elle sait que sans son amour, elle se sent perdue. Elle ne pense qu'à travers ses mots à lui. Pas d'intimité, pas de secret. Rien n'échappe au regard d'acier de l'ogre. Turtle n'essaie même pas. Elle se sent incapable de l'affronter : comment lutter à quatorze ans contre ce Goliath armé en permanence ? Elle le croit capable de lire dans sa tête, de lui briser le cou entre ses mains comme on tue une poule, de la poursuivre et de la retrouver n'importe où elle tenterait de fuir. Je savais en ouvrant ce livre que le récit allait être dur. Je l'ai trouvé parfois difficilement soutenable. Je pensais être oppressée, j'ai terminé le roman au bord de l'écoeurement. le tour de force de Gabriel Tallent réside toutefois dans la construction miroitante du personnage de Turtle. du fin fond de sa geôle, abrutie de souffrance, ses espoirs brisés, ses plaies suintantes, son esprit pétri et moulé dans une philosophie pseudo nihiliste et apocalyptique dans laquelle puise le père pour justifier ses actes, Turtle se dresse peu à peu et telle David devant Goliath, va trouver en elle la force d'affronter le monstre. C'est une lecture qu'on s'inflige comme une bande de cire qu'on arrache lentement. Ça fait mal à chaque page. Heureusement, l'auteur sème au milieu de ce chaos émotionnel de longues descriptions sur la flore locale et sur l'obsession de Turtle : démonter, nettoyer et remonter ses armes. Si elles permettent à Turtle de tenir ainsi le monstre à distance, elles permettent aussi au lecteur de prendre une respiration ou deux pour replonger au fond de cet océan de cauchemars. Il est impossible pour Turtle de trouver un réconfort ailleurs qu'en elle-même : si Turtle ne se sauve pas, personne ne pourra le faire à sa place. Elle le sait, cela a déjà été tenté et ça a tué sa mère. Affronter cette nature sauvage et cruelle, c'est comme lustrer son âme et la culasse de son revolver : c'est pour qu'un jour elle soit enfin prête pour le combat, suffisamment forte et endurante, courageuse et aiguisée. Alors, même si Turtle me fait peur, m'horrifie parfois, me dégoûte, me choque, que je la juge et condamne vingt fois, j'espère de toute mes forces qu'elle trouvera une raison de se battre pour sa survie. Je garderai un souvenir douloureux de cette lecture mais Turtle m'aura fait ressentir au fond de mon coeur la putain de rage qu'une femme peut mettre à survivre. Et rien que pour ça, ça valait bien l'endurance de ce récit.
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