Le Sommet des dieux, tome 4

Si j'atteins le sommet, je serai seul.
Si je renonce ou si j'échoue, je serai seul aussi.
Et si je meurs...
...ce sera seul.

La roche inhale le vent de la stratosphère. Prise dans cette atmosphère gelée, la neige mastique le temps.

[Fukamachi] Pourquoi est-ce que je grimpe? Pourquoi est-ce que je continue à me donner tant de mal? Qu'est-ce que tu t'attendais à trouver en montagne? C'est ta raison de vivre que tu es venu chercher? Pas du tout. Il n'y a rien à trouver ici. S'il y a quelque chose à découvrir... C'est en moi. Peut-être... C'est un peu comme partir à la recherche d'un filon qui dormirait en soi. Le fait même de grimper vers le sommet est peut-être la réponse.

Il se sentait en bonne condition. Il n’aurait pas cru son corps capable de lui apporter un tel sentiment de plénitude.

Savoir calculer l'intervalle entre les chutes de pierres. Habu avait entraîné quotidiennement son esprit à ce type d'exercices minutieux. Il s'attaque à la montagne comme on affronte un adversaire doté d'une personnalité.

Photographie-moi. Pour ne pas que je m'enfuie...

Je ne fais pas de l'alpinisme pour éviter les risques !!! Ecoute-moi bien, Inoue ! La mort, ce n'est qu'une conséquence !!! Vivre vieux ou mourir jeune, ce n'est qu'une conséquence !!! La vie et la mort, ce ne sont que des conséquences ! On ne va pas en montagne pour des conséquences !!!

Le vent soufflait loin au-dessus de la tente. Peut-être qu’à cet instant même, de gigantesque divinités hindouistes descendaient du ciel dans un halo bleuté et dansaient dans les courants atmosphériques. Ce que Habû Jôji s’apprêtait à faire appartenait au domaine de ces divinités. C’était quitter la terre et pénétrer dans l’univers des dieux.

La montagne. Là !!! Bouleversante. Inaltérée. Accablante. La roche inhale le vent de la stratosphère. Prise dans cette atmosphère gelée, la neige mastique le temps. Fukamachi se tenait là. Bien là. Face à lui, le Nuptse, ce géant. Juste devant lui s’étendait la cascade de glace. 1500 ans pour que les neiges du sommet de l’Everest gèlent et parviennent jusqu’ici. Fukamachi était là, au milieu de ce temps vertigineux. Seul au pied de la cascade de glace, il s’imprégnait des cieux.

En toute chose, il faut savoir saisir sa chance, sans attendre que quelqu’un le fasse pour vous. C’est aussi valable à l’échelle individuelle qu’à l’échelle internationale. Lorsque l’on veut quelque chose, il faut s’en emparer soi-même.