Citations sur Putain de Guerre, tome 1 : 1914, 1915, 1916 (BD) (20)
La douce France non plus n'avait pas hésité à mobiliser ses troupes d'Afrique du Nord et sa "Force Noire". Nos Sénégalais venaient de loin. Il avait fallu le temps de les amener par cargos entiers, entassés dans les cales pour crever dans le froid et la boue. La République, dans son immense générosité, était fière de leur offrir l'insigne honneur de mourir pour la Patrie.
P. 27
Les Tommies, eux non plus, n'étaient pas mécontents du déplacement. "Dieu est mon droit" contre "Dieu est avec nous"... Obligatoire que ça finisse mal ! Mais qui pouvait bien être ce Monsieur Dieu ? Encore un de ces faux-culs qui bouffent à tous les râteliers !
"Chacun pour soi et Dieu contre tous" : la voilà la vraie formule magique pour les petits enfants !
Beaucoup reviennent de la guerre qui ne peuvent décrire la bataille.
La douleur, le sacrifice et la mort ne sont pas toujours reconnus et appréciés par ceux qui commandent et qui gouvernent.
[p67]
Un coup de cafard ... Quand on ne voit pas le bout du tunnel, qu'on n'est pas dans un endroit riant, qu'on a l'impression d'avoir pris perpète, qu'on reverra pas de sitôt sa promise et qu'on risque à tout moment d'être pulvérisé par un obus, il n'en faut pas plus pour avoir envie de quitter les potes et tout l'bazar.
C'était maintenant qu'il commençait vraiment le XX ème siècle avec ses enthousiasmes guerriers et sans imagination aucune. Mais moi, j'en avais trop d'imagination. Je me voyais cadavre, embarqué malgré moi dans le flot des imbéciles, avec des milliers, des millions d'autres cadavres, et ça ne me faisait pas du tout rire.
Du fond de nos tombes, on a compris qu'on était là pour un bon moment [...]
Moi, tout ce que je comprenais, c'est qu'on s'installait dans la guerre.
J’avais eu tort de m’éloigner de la meute, mais c’était dans mon caractère. Je n’avais pas le sens du sacrifice collectif librement consenti
Semblables à des clochards en armes, on consolidait nos cagnas dans les moments d'accalmie et on se gelait le cul aux créneaux, le regard rivé sur ceux d'en face, la trouille au ventre, la goutte au nez.
C’est qu’il en fallait, c’était fatal, de la viande, puisqu’on avait fait de nous des moutons d’abattoirs