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Critique de Nastasia-B


Le personnage de Platonov m'évoque un peu celui d'Ivanov, notamment dans ses rapports aux femmes et un peu l'Oncle Vania quant à son caractère volcanique. le trio constitué par la veuve du général, Anna Pétrovna, son beau-fils Sergueï et Sofia Iégorovna, l'épouse de ce dernier me rappellent tout à fait la trame de la Mouette.

La situation même de la famille Voïnitsev, d'ancienne noblesse russe, rattrapée par son époque, incapable de gérer ses finances ni ses dépenses et qui se fait souffler son domaine par un " ami " de la famille, est le pivot de la Cerisaie. Rappelons au passage, qu'il y a beaucoup d'éléments autobiographiques pour Anton Tchekhov, dans ce traumatisme de la vente du domaine familial à un spéculateur bourgeois proche de la famille.

Incroyable, n'est-ce pas ? je vous ai presque cité toutes les pièces de Tchekhov comme étant déjà contenues en germe dans cette ébauche, ventripotente ébauche, aux nombreuses facettes. Car il est probablement bon de rappeler que Ce Fou de Platonov est la première pièce de son auteur, écrite alors qu'il n'avait vraisemblablement que dix-huit ou vingt ans. On n'en sait rien dans le détail car la pièce ne fut jamais publiée ni jouée de son vivant et n'avait d'ailleurs pas de titre définitif. Voilà aussi pourquoi cette pièce apparaît sous différents titres.

Du fait même de la jeunesse de l'auteur et de sa non publication, la structure de la pièce est un peu bancale, pas trop finie : deux énormes premiers actes, très typiques du théâtre d'Anton Tchekhov, réunion de famille et d'amis dans une maison de campagne où chacun s'envoie en pleine face ce qu'il pense de vous ou de l'autre, plombant ainsi durablement l'ambiance.

Les deux autres actes sont beaucoup plus brefs, un peu déconnectés, où il s'est produit des mutations profondes chez les personnages dont on n'a pas trop eu le temps de percevoir l'ampleur ni la genèse.

Voici l'histoire : nous sommes chez les Voïnitsev, domaine d'un général décédé, qui échoit désormais à sa seconde épouse, la jeune et encore très belle Anna Pétrovna, dont beaucoup de sont pas insensibles aux charmes tant physiques qu'intellectuels.

La belle dame raffinée et instruite, en ce milieu campagnard et bas de plafond, s'ennuyant ferme dans la vie, est une situation inchangée par rapport à la quasi totalité des autres pièces de l'auteur. Son beau-fils Sergueï est plutôt un brave type, mais totalement incapable de fournir le moindre travail digne d'intérêt pour la communauté. C'est l'archétype de l'homme inutile à la société, pas idiot mais sans aucun talent particulier.

Sa femme, Sofia, est elle-aussi une très belle femme, et elle aussi aurait souhaité autre chose dans sa vie. Elle nous évoque inévitablement les Trois Soeurs, regroupées sous une seule tête.

Autour de cette famille gravite une foule de pique-assiettes, voisins tous plus ou moins intéressés, soit par les charmes de la générale, soit par le domaine, soit les deux. le seul personnage qui tranche avec le voisinage est Platonov, l'instituteur.

Platonov est cultivé, instruit, il a même suivi les cours de l'université ce qui n'était pas si fréquent au fin fond de cette campagne russe à la fin du XIXème siècle. de plus, il est charmant, il philosophe, il a une grande âme...

Il a une grande âme, mais sa langue est fourchue ! Il lâche de ses saloperies à tout le monde, sans se soucier le moins du monde de l'effet produit. Malgré cela, les dames sont toutes plus ou moins folles de lui, mais lui n'a d'yeux que pour sa petite épouse, la modeste Sacha, qui nous annonce sans erreur possible Sarah, la petite juive d'Ivanov.

Platonov alterne les marques excessives d'amour vis-à-vis d'elle et les remarques où il ne cesse de la traiter de dinde. Mais il est fidèle et ne se soûle pas, ce n'est déjà pas si mal pour Sacha, non ?

Et s'il n'était pas si fidèle, ce glauquissime Platonov ? Quel cataclysme cela créerait-il dans l'équilibre bien huilé que je viens de vous décrire ? Qu'en résulterait-il ? Quel virage sociétal est contenu dans les quatre actes de cette pièce ? C'est ce que je ne me permettrai pas de vous dévoiler.

En somme, selon moi une pièce pas inintéressante du tout, mais il est vrai assez brouillonne. Et j'en terminerai en vous rappelant, que cette critique, témoin d'une affection platonique pour le théâtre de Tchékhov, n'en n'est pas moins qu'un misérable avis, un fou de platonique, c'est-à-dire, très peu de choses.
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