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Critique de kielosa


La présentation dans la collection "Rivages Poche, Petite Bibliothèque" de 5 nouvelles du grand maître russe, Anton Tchekhov (1860-1904), après une belle préface de Maël Renouard et une contribution exceptionnelle "Vu de Russie" par une autre grande dame de la littérature, Virginia Woolf de 1925, a de quoi séduire les lectrices et lecteurs les plus sceptiques.
En plus, ce petit ouvrage d'exactement 155 pages contient sa toute dernière nouvelle "La Fiancée", publiée l'année avant son décès.

Je dois dire que c'est le titre de la première nouvelle "Une plaisanterie" qui m'a intrigué, car ce n'est pas le terme que l'on associe spontanément à la vie de ce géant russe, qui, en dépit d'une santé fragile, de nombreuses cures thermales à Yalta et en Allemagne, ainsi qu'une mort prématurée, causée par la tuberculose, à seulement 44 ans, a laissé une oeuvre absolument prolifique. J'ai tenté de compter le nombre de ses nouvelles et après m'être gouré à 3 reprises, j'ai laissé tomber.

Résumer une nouvelle n'a bien sûr aucun sens. Je vais essayer de vous situer le contexte de ses nouvelles tout en me gardant bien d'en décliner la chute.

Dans "Une plaisanterie" nous voyons la jeune Nadiejda Petrovna, morte de frousse en plein hiver installée sur une luge avec son ami descendre une pente d'une profondeur insondable. Au-dessus du hurlement du vent et du vrombissement inquiétant de la luge qui développe une vitesse affolante, la demoiselle entend les mots magiques : "Je vous aime, Nadia !" Or, notre Nadienka n'est pas sûre qui a prononcé ces paroles fantastiques : son ami ou le vent ? La seule façon de savoir signifie une remontée et.... une redescente et donc vaincre sa trouille et sa terreur !

Dans la seconde nouvelle nous rencontrons un jeune homme "irascible" qui ne pense qu'à finir sa dissertation sur "Le passé et l'avenir de l'impôt sur les chiens", seulement sa belle voisine Machenka a des projets d'un genre tout différent ! Et notre Nikolaï Andreïevitch restera-t-il irascible ou, au contraire ?

3) "Le baiser". Un soir, un homme en civil assis sur un isabelle (petit cheval) invite, au nom de son maître, les officiers d'une troupe de passage pour la soirée au château. Parmi les 19 invités, il y a le capitaine en second, Riabovitch, que la nature n'a pas gâté : il est petit, légèrement voûté, il porte des lunettes et a des "favoris de lynx". Par ailleurs, il souffre de cécité psychique et est d'une timidité maladive, aussi bien qu'il n'a jamais connu de femme. Après avoir bu quelques cognacs et pendant que les autres dansent, notre homme se balade et s'égare dans la vaste demeure. Il entre dans une pièce obscure, entend des pas rapides, le froufrou d'une robe et une voix féminine qui chuchote "enfin !" avant de recevoir un baiser et d'entendre la dame qui s'écarte en poussant le petit cri de quelqu'un qui s'est manifestement trompé.

Il faut se nommer Anton Tchekhov pour décrire l'impact et les effets de ce premier baiser dans la vie de notre pauvre Riabovitch : sublime !

De la nouvelle suivante, je préfère m'abstenir de commentaire car il s'agit d'un récit policier, intitulé "L'allumette suédoise" et dans lequel il y a un assassinat et un Sherlock Holmes ou un inspecteur Lecoq (le détective d'Émile Gaboriau) pour élucider ce crime.

La dernière nouvelle "La Fiancée" est la plus sombre des 5. Écrite une bonne quinzaine d'années après les autres, à un moment où il a dû savoir que la fin était proche et qu'il souffrait abondamment. Dans cette histoire, du reste, un personnage meurt de phtisie.
Nadia est fiancée à Andreï Andréïevitch, le fils de l'archiprêtre, mais elle commence à avoir des doutes sur ses sentiments et un avenir d'oisiveté, déjà tout tracé. Elle rêve de partir à Saint-Pétersbourg et y entreprendre des études.
Quelle sera sa décision ?

Je laisse le mot de la fin à Virginia Woolf : "L'âme est malade ; l'âme est guérie, ou ne l'est pas. Voilà les points saillants de ses récits". Et l'écrivaine conclue : "Aussi, lorsque nous lisons ces petits récits sur rien du tout, l'horizon s'élargit-il : l'âme y acquiert un incroyable sentiment de liberté".
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