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Critique de Ziliz


Ile de la Réunion, 1965.
Si une dame blanche est venue chercher Jean et sa petite soeur chez lui, puis les a séparés, c'est sûrement parce qu'il avait crevé un ballon avec un couteau, ce jour-là. Nulle malice de sa part, pourtant : il voulait juste voir ce qu'il avait dans le ventre pour rebondir aussi bien. Bref, ce fut certainement la bêtise de trop qui a fait craquer leur maman seule, débordée, fatiguée. Cette conviction ne quittera jamais Jean.
Les enfants raisonnent ainsi : je suis responsable des malheurs autour de moi (divorces, décès). Et nous ne sommes guère différents, adultes, avec nos superstitions diverses et sentiments de culpabilité (largement entretenus par les religions)...
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A travers l'histoire fictive de Jean et de sa petite soeur Didi, cet album évoque le sort des 'enfants de la Creuse', un épisode honteux de l'Histoire de France, entre 1962 et 1984. Ce terme est abusif/réducteur puisque ces 2000 mineurs ont été envoyés dans 83 départements différents (et 10 % d'entre eux dans la Creuse), mais il donne une bonne idée du choc culturel qu'ils ont pu ressentir (racisme des métropolitains, vocabulaire et accent, climat, paysage, mode de vie...), après avoir été arrachés à des parents mal informés et dupés sur le 'projet'.
Certaines victimes parlent de 'déportation', la détresse de Jean y fait en effet penser.
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Sans manichéisme, les auteurs montrent un processus né d'une décision politique (Michel Debré était alors député de la Réunion) face à la surpopulation réunionnaise - processus où il est difficile de mesurer la responsabilité de chaque acteur : du simple maillon d'une chaîne au décideur, via l'exécuteur zélé. Avec magouilles d'état civil, quand même, qui rendent les recherches difficiles pour ceux qui souhaitent retrouver leurs origines.
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On voit dans cet album des enfants en souffrance, comme le personnage principal ; d'autres s'en sortent mieux, selon le lieu où ils atterrissent. Certains vivent en foyer, d'autres dans des familles d'accueil où ils peuvent être intégrés et aimés comme les autres enfants du couple parental, ou au contraire servir de domestique malgré leur jeune âge (notamment dans des fermes).

Le 18 février 2014, l'Assemblée nationale adopte la résolution proposée par Ericka Bareigts (députée socialiste de la Réunion), qui reconnaît la 'responsabilité morale' de l'État français. Rien n'a été proposé à ce jour pour réparer le préjudice.
La DDASS et l'ASE sont montrées comme partiellement responsables.
Aujourd'hui encore, il y a des progrès à faire en matière de protection de l'enfance, en France, mais c'est une autre histoire.

Très agréable à lire (alternance d'époques et pages documentaires), émouvant et instructif, comme beaucoup d'albums de chez Steinkis.

Autres ouvrages sur le sujet :
L'île de mon père, Brigitte Peskine (roman jeunesse)
Aux vents mauvais, Elena Piacentini (roman noir).

■ MERCI A BABELIO & AUX EDITIONS STEINKIS
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