C'est une drôle de logique : mourir conscient ou vivre inconscient.
Je sais qu'ils ont effacé des synapses et des connexions dans mon cerveau ; tout ce qui formait ma personnalité, mes souvenirs. Ils m'ont fait disparaître parce que j'étais un danger pour moi-même ou la société. Mais je ne sais pas quels méfaits j'ai commis.
Il fait froid, et nous avons droit à la pluie que la météo nous promettait depuis une semaine. Même si ce n'est pas le déluge, elle réussit à pénétrer l'épais feuillage des arbres.
J'en ai assez de cette humidité qui me fait frissonner
- Saleté de temps, lâché-je dans un souffle
- Typique du mois d'octobre, répond Ben.
Comment le saurais-je ? C'est le premier mois d'octobre dont je me souvienne.
Il nous faut de l'excès ! J'adore le bruit de mes pas sur la macadam, la fuite vers un univers où rien ne compte que la vitesse.
- J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose.
- Tu t'inquiétais pour moi ?
Il sourit, apparemment très content.
Le trait a saisi un instant ordinaire et lui a donné une qualité extraordinaire.
La tempête, c'est autant au-dehors qu'en nous-mêmes...
Son bébé ne cesse de hurler. Comment quelqu'un d'aussi petit peut-il faire autant de bruit?
D'ailleurs, dès que sa maman a tourné le dos, il emplit ses poumons en prévision d'un nouvel assaut de nos tympans.
En fait, j'ai peur de dormir. Peur que mon rêve revienne.
- Non. Si le passé est insupportable, autant l'oublier.
- Mais c'est notre vie...
- Peu importe, puisqu'on recommence tout à zéro.