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Citations sur Pop yoga (5)

Le jihad est la guerre que l’homme fait contre lui-même et contre ses instincts pour répondre à l’appel de Dieu. Le jihad esthétique est le combat de l’artiste contre ses propres déterminations pour accomplir son œuvre, dans toute sa grandeur et son inactualité, à travers toutes les impossibilités qu’il rencontre, qu’elles viennent du dehors, comme du plus profond de lui-même.
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Ce que les gnostiques avaient fait au judaïsme d’abord, au christianisme ensuite, les Beatles, à travers leur pop music, pleine et légère, complexe de toute la culture européenne et simple comme un enfant qui danse, l’avaient fait au rock. « Nous avons combattu la loi, écrit John Lennon en 1978 dans son livre Éclats de ciel écrits par ouï-dire, et la loi a perdu. »

Ce n’est pas en rejetant la loi qu’on s’extrait de son emprise, mais en la pervertissant, en la métissant et en l’épissant. Les gnostiques furent d’abord de grands parodistes, insistant sur le ratage de la Création et l’imbécillité congénitale du dieu à l’origine de notre monde. L’auteur du Deuxième Traité du grand Seth est formel : « Et une voix, celle du Cosmocrator, s’éleva alors vers les anges : “Je suis Dieu et il n’y en a pas d’autre que moi.” Mais je me mis à rire gaiement à la vue de sa vanité. » Ce que comprirent les gnostiques, c’est que, pour se dépêtrer d’une fiction totalisante, il faut accumuler les fictions singulières, dissipatrices, noyautées par le vide qui les fonde, le secret qu’elles révèlent (Dieu n’existe pas, moi non plus, donc je suis Dieu et tout est possible) et autour duquel elles tournent. C’est même la seule condition de la liberté et le seul athéisme qui sache rire. « Leur “simplicité” consiste à vrai dire dans le rejet total de la discipline » (Tertullien).

La gnose n’a jamais créé d’ordres du monde que pour les contraindre à se révéler ultérieurement comme des absurdités grotesques et terribles, ce qui fit de ses praticiens les cibles systématiques de tous les pouvoirs organisés. « Il me semble, écrit encore Lennon dans Éclats de ciel écrits par ouï-dire, que les seuls chrétiens dignes de ce nom étaient (sont ?) les gnostiques, qui croient en la connaissance de soi, c’est-à-dire en la nécessité de devenir des Christ, de trouver le Christ qui est en soi. »

Le mellotron, c’est l’homme conscient de son identité truquée, de sa nature de double ou d’escamoteur.
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La conscience ne sert que de réceptacle aux ordres extérieurs au corps : elle les informe ensuite de ce qu’on attend de lui et tente de le convaincre de s’y soumettre. Elle est un agent de conservation liée aux nécessités impérieuses d’une conduite civilisée et tente de prévenir le corps dans sa démarche d’intensification (pouvant basculer, par la parfaite conformation aux décisions des voix, jusqu’à la schizophrénie ou l’action violente). Mais son défaut, nous le connaissons, c’est qu’elle entrave immanquablement l’action et nous paralyse dans notre détermination. La conscience devenue obstacle à la résolution du sujet, et entraînant finalement une catastrophe collective, est la base de la tragédie d’Hamlet – dont Carl Schmitt a pu dire qu’il était le mythe politique moderne par excellence –, prince du Danemark contacté par le Spectre mais qui hésite trop longtemps à se conformer aux demandes de celui-ci, et qui finit par assassiner accidentellement Polonius et peut être considéré comme responsable du suicide d’Ophélie : « Que ce soit bestial oubli, ou quelque lâche scrupule qui me fait penser trop en détail aux conséquences – pensée qui, mise en quatre, n’a qu’une part de sagesse et trois de couardise –, je ne sais pas pourquoi je passe ma vie à dire “cette chose est à faire” alors que j’ai motif, vouloir et moyens de la faire » (Shakespeare).
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Le phénomène extraterrestre n’a pas pris pour rien à partir de 1947. Il est entièrement tributaire de la Seconde Guerre mondiale – et de la façon dont les nazis ont interprété racialement et nationalement Nietzsche. Nous avons reculé devant la demande impérieuse de Nietzsche. La falsification opérée par les nazis sur une des propositions les plus généreuses de ce dernier : le surhomme ou l’outre-homme (qui n’est peut-être qu’un autre nom de l’homme bicaméral de Julian Jaynes), en a temporairement empêché une réappropriation naïve, innocente, pleine, qui était indispensable à notre survie dans le cosmos.

Nous avons également perdu la Terre, dont le surhomme devait être le sens. L’image de l’homme a commencé à se dissoudre, selon la phrase de Foucault, mais le surhomme n’a pas pour autant commencé à apparaître. D’un point de vue mythico-physique, les rencontres extraterrestres ont été un pôle de canalisation et finalement une mise en réserve de la réalisation zarathoustrienne, de la réalisation du surhumain.

La tension vers le surhumain et la disparition du concept « homme » ne pouvaient s’exprimer de la même façon après Auschwitz – elles ont donc dû être stockées ailleurs. Mais le stockage de cette tension devait rencontrer son point de rabattement – sa « reterritorialisation », diraient Deleuze et Guattari – dans le visage de l’extraterrestre. Le visage de l’extraterrestre est une réhumanisation par l’absurde. C’est nous – c’est nous tous, avant l’apparition tonitruante du moi, qui soutenons le fantasme de notre existence par le chantage identitaire.
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Le diabolisme de Rosemary tient au principe de suggestion qui a une longue histoire au cinéma, mais provient de la littérature (Huysmans, Strindberg), voire de la poésie absolue (Mallarmé, Jarry) et des questions d’hypnose et de magie qu’elles ont croisées lorsqu’il s’est agi de faire naître l’image de façon indirecte – comme si l’écrivain s’introduisait à l’intérieur du lecteur et actionnait des pans trop souvent en sommeil de son imaginaire en lui faisant lire à travers les lignes, en lui faisant apparaître des réalités sans pour autant les nommer. Chez Polanski également, il s’agit de diriger le film à l’intérieur du cerveau du spectateur ; de lui faire rêver le film autant que de le lui faire voir.

Remarquons également que la relation de Polanski au texte de son film – le roman d’Ira Levin – n’est pas exempte d’une part importante de suggestion. On a affaire à un cinéaste hanté, dont le rationalisme officiel est toujours contrebalancé par des fétiches scénaristiques et des signes de mauvais sort. Certains détails onomastiques présents dans le roman sont déjà bien glaçants. Le voisin de Rosemary s’appelle Roman Castevet. Et l’auteur comme l’acteur principal du film – Roman (Polanski) et (John) Cassavetes – fonctionneront comme un rappel homophonique de ce nom. Le Dakota Hotel dans lequel Polanski place l’action est lui aussi mentionné dans le roman : c’est l’hôtel que conseille Hutch, contre le Brandford dans lequel échouent Rosemary et Guy. Polanski hante et habite le roman jusqu’à transformer la caractérisation implicite du couple Castevet. Dans le roman, ce sont des Américains du Middle West (la femme est une grande et grosse dame débonnaire) mais, dans le film, ce sont clairement des juifs de l’Est, probablement des juifs polonais – et Minnie a un accent à couper au couteau. Roman et Minnie Castevet pourraient être les parents de Polanski lui-même ; tandis que Rosemary (son spectateur) est une catholique qui a passé sa jeunesse chez les sœurs. Le film devient donc l’enfant que ce diable juif de Polanski fait dans le dos de son spectateur catholique et même bonne sœur !

Enfin, le meurtre de Sharon Tate, la femme de Roman Polanski, par la Family de Charles Manson, est devenu indissociable de notre perception du film. Non créditée au générique, Sharon Tate apparaît rapidement dans Rosemary’s Baby, de façon presque hallucinatoire, au sein de la scène de la fête : elle y a la présence diaphane d’un spectre. Et puis il y aura l’assassinat de John Lennon en 1980, alors locataire du Dakota Hotel, lieu même du tournage du film. Le meurtre de Sharon Tate fait que ce n’est déjà pas le même film que nous voyons. Le meurtre de John Lennon fait que ce ne sera jamais plus le même.
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