Citations sur 1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants (202)
Ce matin-là, je sors de mon lit, je me rase et je prends un bain, alors qu’on était seulement lundi et que je m’étais récuré à fond l’avant-veille. Ensuite, je passe mes vêtements du dimanche, ceux qui me servent aussi les jours où j’ai une réunion : mon Stetson tout neuf qui m’a coûté 60 dollars, mes bottes Justin à 70 dollars, et mon Levi’s à quatre dollars. Je me plante devant le miroir, et je m’examine soigneusement de la tête aux pieds ; je veux être sûr de ne pas ressembler au premier bouseux venu.
Et pourtant, je me fais du mouron. J’ai tellement de problèmes que je me ronge les sangs.
Par exemple, je me mets à table devant, disons, une demi-douzaine de côtes de porc, quelques œufs sur le plat et une fournée de petits pains chauds avec du gruau de maïs trempant dans la sauce, et je n’arrive pas à avaler mon repas. Enfin, pas jusqu’au bout. Je commence à ressasser tous ces ennuis que j’ai en ce moment, et voilà que je me lève de table avant d’avoir fini mon assiette.
Pour le sommeil, c’est pareil. C’est presque comme si je ne dormais plus du tout. Je me mets au lit en me disant, cette nuit, c’est sûr, je vais bien roupiller, mais il n’y a rien à faire. Il me faut au moins vingt à trente minutes, peut-être, avant de fermer l’œil. Et puis, à peine huit ou neuf heures plus tard, voilà que je me réveille, les yeux grands ouverts. Et impossible de me rendormir, aussi claqué, aussi fourbu que je sois.
Il sourit, et sa bouche en cul d’abeille s’entrouvre juste assez pour révéler une dent, une seule, et c’est comme si je venais de surprendre un pigeon femelle en train de pondre un œuf.
Toute ma vie, j’ai couru la gueuse, sans me soucier du fait que ce qui a un cul à une extrémité a des dents à l’autre bout, et à présent, c’était mon tour d’être mordu.
Tu as de l’instruction, Nick. Pourquoi t’exprimes-tu comme un ignare ? Par habitude, je crois. C’est une sorte d’ornière au fond de laquelle je suis tombé. La langue et la syntaxe, il me semble, c’est comme beaucoup d’autres choses. Un type qui s’en sert pas – qui voit pas autour de lui des gens qui exigent l’une et l’autre – il a tôt fait d’en perdre le réflexe. Pour lui, ce qui est correct et ce qui l’est pas, ça devient interchangeable.
Des gens qui cherchent des réponses faciles aux grands problèmes. Des gens qui tiennent les juifs ou les Noirs pour responsables de toutes les calamités qui leur tombent sur la tête. Des gens incapables de comprendre qu’un nombre incroyable de choses vont forcément mal tourner dans un monde aussi vaste que la nôtre.
Je frémis à l'idée qu'il a été merveilleusement inspiré, notre Créateur, d'inventer pour notre monde ces abominations pures et simples, afin qu'une chose telle que le meurtre ne paraisse pas si terrible en comparaison. Oui, en vérité, c'était vraiment, de Sa part, un geste extraordinaire et empreint de miséricorde.
p. 247
- Va te faire foutre ! Je ne te révèlerai pas ce que j'avais décidé de te dire parce que j'ai le sens des convenances. Sinon, tu sais ce que je dirais ? Tu sais ce que je te ferais, espèce d'ordure ? Je lèverais la jambe et je te pisserais dans l'oreille pour te vidanger le crâne de ce tas de merde puante qui te sert de cervelle !
- Allons, Rose, un peu de retenue.Tu ferais mieux de peser tes paroles, sinon tu vas finir par dire des horreurs.
p. 230
Un de ces types me dit :
- Mais alors, comment ça se fait que tu te trimballes avec une canne à pêche et une ligne ?
- Oh, ça, c'est pour me gratter les fesses. Au cas où je monterais dans un arbre et que, depuis le sol, j'aurais pas le bras assez long.
- Mais, attends un peu... ( Il hésite, il fronce les sourcils.) Ca n'a pas de sens, ce que tu me racontes.
- Comment ça ? Presque tous les gens que je connais font la même chose. Tu veux me faire croire que t'as jamais pris une canne à pêche pour te gratter les fesses au cas où tu te retrouverais en haut d'un arbre et que t'aurais pas le bras assez long pour les atteindre depuis le sol ? Eh bien, dis donc, t'es pas à la pointe du progrès !
p.177-178
Aussi extravagant que cela paraisse, alors qu'Oncle John s'est fait tuer presque deux jours après Tom et que l'un et l'autre sont morts presque aussitôt après qu'on leur eut tiré dessus, en fin de compte personne n'a trouvé ça bizarre. Personne ne s'est demandé une seule seconde comment un mort avait pu en tuer un autre.
p.152