Citations sur Histoire de moi-même (20)
Les livres héroïques, bien qu’imprimés avec les caractères de notre langue maternelle, seront toujours dans une langue morte pour des époques dégénérées, et nous devons chercher laborieusement la signification de chaque mot et chaque vers, en supposant une signification plus vaste que ne le permet l’usage commun au regard de notre sagesse, de notre valeur et de notre générosité.
Peu importe ce que disent les horloges ou bien les attitudes et les travaux des hommes ; le matin c’est quand je suis éveillé et qu’il y a une aube en moi.
Le temps n’est pas une rivière dans laquelle je vais pêcher. J’y bois, mais ce faisant, j’en vois le fond sablonneux et réalise qu’elle n’est guère profonde. Son faible courant coule, mais l’éternité demeure. Je voudrais boire plus profondément, pêcher dans le ciel, dont le fond caillouteux est parsemé d’étoiles.
Les hommes sont très pressés de construire un télégraphe magnétique allant du Maine à la Louisiane – mais le Maine et la Louisiane n’ont rien à se communiquer. […]
Les hommes brûlent de percer un tunnel sous l’Atlantique et de rapprocher de quelques semaines l’Ancien Monde du Nouveau – et peut-être que les premières nouvelles qui fuiteront dans la grande oreille battante de l’Amérique seront que la princesse Adélaïde a la coqueluche.
Les hommes pensent sans doute qu’il est essentiel que la nation fabrique de la graisse, exporte de la glace, parle à travers un télégraphe et file à trente miles à l’heure, mais la question de savoir si nous devons vivre comme des chimpanzés, des babouins ou des hommes n’est pas tranchée.
En fait, l’homme qui travaille ne dispose pas de temps libre pour une intégrité élevée au jour le jour, il ne peut se permettre d’entretenir les relations les plus nobles. Son travail s’en trouverait déprécié sur le marché. Il n’a pas le temps d’être autre chose qu’une machine. Comment celui qui doit si souvent utiliser son savoir peut-il bien se rappeler son ignorance et ce que sa croissance requiert ?
Si un homme se promène dans les bois la moitié du jour et chaque jour parce qu'il adore les bois, il risque d'être regardé comme un fainéant. Mais s'il emploie la journée entière à raser ces bois en qualité de spéculateur, à rendre la terre chauve et nue avant son heure, on le tient pour un citoyen actif et entreprenant.
Aux heures de muette solitude, assis porte et fenêtres ouvertes aux toutes premières lueurs de l’aube, quand le silence était audible et que l’atmosphère était imprégnée du parfum de l’aurore dont j’ai parlé, le faible bourdonnement d’un moustique, en train de faire son petit tour invisible et inimaginable dans l’air chargé et indolent en direction des royaumes élyséens, était une trompette qui me rappelait ce que j’avais lu au sujet des histoires les plus anciennes et des épopées héroïques.
Je pense que nous devrions avoir bien plus de confiance que nous n’en avons. Nous devrions autant renoncer à nous soucier de nous-mêmes que nous nous consacrons aux autres.
Pour ce qui est de faire le bien, c’est l’une des professions qui affichent complet. En outre, je m’y suis essayé une fois honnêtement, et aussi étrange que cela puisse paraître, je me réjouis de constater que cela ne s’accorde pas avec ma constitution – j’éprouve une répugnance naturelle pour cela.