Les dames de Marlow enquêtent, tome 1 : Mort compte triple

- Mais ce n’est pas possible ! Elle fait du yoga !
Judith n’était pas sûre d’avoir bien entendu.
- Tu n’es tout de même pas en train de nous dire que les gens qui font du yoga ne tuent jamais personne !
- Si ! Absolument !

Si le passager d’un bateau passant la, à cet instant, avait levé les yeux vers la maison de Judith, il aurait vu une toute petite dame de plus de soixante-dix ans, assez dodue, les cheveux en bataille, debout toute nue devant sa baie vitrée, à moitié couverte d’une cape telle une super-héroïne. Ce qu’elle était, à maintes égards.

Ça, c'est vraiment mon truc. Je me balade au grand air, et quand j'ai fini ma tournée je n'emporte pas mon travail chez moi. Chaque soir, je dors comme un bébé. Et ça, ça n'a pas de prix! Page 160

Pour une femme parfaitement épanouie dans sa vie conjugale, Becks avait bien potassé les détails d'un divorce.
- Et qu'a répondu Andy [le notaire]?
- Que quand on est jolie comme moi, plumer un mari et le laisser en caleçon, c'était l'enfance de l'art.

- Qu'est-ce que vous voulez savoir sur Liz ?
- Tu la connais ?
- Juste assez pour dire bonjour - bonsoir à l'église le dimanche. Pourquoi ?
- Parce qu'elle pourrait bien être notre assassin.
L'étonnement de Becks ne connut plus de bornes.
- Mais ce n'est pas possible ! Elle fait du yoga !
Judith n'était pas sûre d'avoir bien entendu.
- Tu n'es tout de même pas en train de nous dire que les gens qui font du yoga ne tuent jamais personne !
- Si ! Absolument !

Il n'y avait rien à faire : à son âge, quand une pensée s'échappait, elle était partie pour toujours.

Vers 18 heures, elle eut une petite faim. Comme elle essayait, depuis quelque temps, de perdre un peu de poids, ce serait un œuf poché sur un toast. Mais un seul œuf, ce n'était tout de même pas sérieux, alors elle se fit deux œufs sur deux toasts généreusement beurrés. Et quelques frites au four pour boucher les trous, puisque le reste du repas avait été tellement diététique. Avec ça, une bonne tasse de thé bien sucrée et, pour le dessert, une toute petite tablette de chocolat haut de gamme. Malheureusement, elle n'avait pas trouvé ces minuscules tablettes lors de son shopping hebdomadaire. Elle s'était donc acheté une grosse tablette aux fruits secs, modèle familial. Oh ! Elle n'allait pas la manger d'un seul coup. Cette tablette durerait sans problème jusqu'à la fin de la semaine.

- Si l'on ne faisait que des choses intelligentes, on n'irait pas loin, pas vrai ?

Sam, son fils de quatorze ans, était avachi à la table de la cuisine, le nez sur son téléphone.
- Où est ta sœur ? lui demanda Becks.
- Aucune idée, répondit Sam sans lever les yeux.
Quelque part à sniffer du gaz hilarant, j'imagine.
- Ne parle pas comme ça de ta sœur ! glapit Becks.

Cependant, son plus grand bonheur [à Mrs. Judith Potts, 77 ans ] était de vivre seule, sans homme. Ainsi, personne ne lui demandait chaque soir ce qu'il y avait à dîner, ni pourquoi elle sortait dès qu'elle mettait le pied dehors. Il n'y avait personne non plus pour lui reprocher ses dépenses en whisky. Elle avait en effet l'habitude de prendre un petit verre tous les soirs vers 6 heures.