Citations sur Journal de L. (1947-1952) (94)
J’ai grandi trop vite, ma place n’est pas avec les gens de mon âge. J’essaie, je parle, je ris avec les autres, mais quand je fais le compte, rien ne va, faut l’avouer.
Ce que je sais c'est que pour exister on peut juste aimer.
La vie va continuer, et cette fois je vais la secouer, la secouer jusqu'à ce qu'elle pétille !
Aussi loin que je voulais, aussi tard dans la nuit. La Chevy vert amande a d'abord roulé vers l'est et les montagnes de San Fernando. Le prince-pianiste conduisait vite sur les routes à lacets et on s'élevait peu à peu dans le ciel orange du couchant, la tête dans le vent. Oh, comme c'était joyeux, j'aurais voulu rester sur ce siège toute ma vie, découvrir à chaque virage la ville à mes pieds et au loin l'océan, ...
Morro Bay, Californie. Tout a l'air faux ici, mais j'aime bien: le ciel bleu peint et le Pacifique comme du métal martelé, et puis l'hôtel splendide au-dessus de l'océan avec ses colonnes en marbre, ses boiseries, ses allées plantées de fleurs et ses portiers en livrée. Et leurs boutons dorés! Le matin, très tôt, j'entends les vagues en bas, sur les rochers, comme le rythme d'un coeur et je me sens protégée. A midi, la brume se dissipe, tout est d'or, d'azur tombant droit, et au loin sur la mer, on voit la courbure de la terre.
Je regarde le ciel tendu d'étoiles, glacé et indifférent. Je voudrais que, pour moi au moins, la vie ait du sens.
Alors je fais semblant de dormir dans ma chambre, je suis enfin seule, j'oublie tout et j'écoute en secret les vagues et les mouettes qui crient comme des pensées qui s'envolent.
Ce monde allait m'attendre, attendre que je sois grande et libre. Il ne disparaîtrait pas. Il était plein d'espoir, de vies possibles.
Moi, ce que je voudrais, c'est vivre dans un monde où on n’est pas obligé de croiser les jambes.
La nuit étend aussi la pensée, les rêves et les cauchemars. La nuit, la pensée se déroule toute seule comme sur un long tapis qui serpente et rebondit, sans que rien jamais ne l'arrête. Et elle devient folle, invente, ressasse, élabore des scénarios impossibles. La nuit invente des fantômes de toutes sortes, de toutes formes : fantômes de décisions définitives, d'amour enfuies, de phrases qu'on aurait du prononcer.