Déroutant mais poignant, ce sont les mots qui me viennent à l'esprit pour évoquer ce roman qui part d'un fait réel - en Bolivie, les viols répétés des femmes d'une communauté sectaire par les hommes de leur entourage - et imagine les réactions et décisions de ces femmes analphabètes et soumises mais désireuses de ne pas se laisser faire.
Le roman est construit comme un huis clos où seul un homme est admis, lui qui fut autrefois banni de la communauté et qui n'est présent que pour dresser le procès verbal de ces discussions. Cela donne un côté chaotique aux échanges, au ton vif et aux dialogues désordonnés comme le sont souvent les discussions animées. Ces femmes ont peu de temps avant le retour des hommes pour se décider. On ressent bien ce caractère d'urgence dans l'écriture de l'auteure.
Il faut rentrer dans le roman sans se laisser bloquer par les nombreux prénoms et les digressions, car ensuite on est pris dans ces discussions, les non-dits pudiques, les désaccords, qui montrent le désarroi de ces femmes soumises qui ont été abusées par la loi et la folie des hommes de leur propre communauté.
Pas de voyeurisme ni de scène difficile sur les viols, ce sont vraiment les interrogations de ces femmes si différentes qui forment le noyau de ce livre déroutant. Doivent-elles partir, donc prendre des risques, se lancer dans l'inconnu ? Ou rester ? Se soumettre ou tenter d'imposer un autre mode de vie ?
Les échanges sont poignants souvent, malgré le ton distancié sans doute choisi à dessein par l'auteure. La présence d'August, seul homme de la réunion, donne un peu de répit car il a un regard attentif et empathique, sans excès, sur ces femmes, une surtout. C'est paradoxalement les passages le concernant, lui, l'homme, qui sont les plus tendres.
J'ai beaucoup aimé ce roman, très marquant tant il est difficile d'imaginer ce genre d'évènements et de discussion, vitale pour ces femmes enfermées et maintenues loin du monde, de nos jours.
La construction narrative un peu froide et désordonnée, surtout au début, peut décontenancer mais ce roman vaut la peine de passer outre ce (petit) bémol.
Merci aux éditions Buchet Chastel et à NetGalley pour la découverte de ce roman de la rentrée 2019.
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Dans une colonie mennonite isolée de Bolivie, où vivent en vase clos des exilés du Canada, des femmes découvrent que 8 hommes les ont violees pendant des années après les avoir droguées avec des anesthésiants vétérinaires.
Basé sur des faits réels survenus en 2008, ce roman donne la parole à ces femmes illettrées qui ne disposent que de 2 jours pour décider de leur futur alors que les hommes sont partis à la ville payer la caution des violeurs.
C'est August, l'instituteur des garçons qui est charger de noter les paroles des femmes - huit femmes - en écho aux huit violeurs.
Dans une communauté qui prend la Bible au pied de la lettre, où les femmes sont de fait soumises aux hommes, profondément croyantes et respectueuses des préceptes bibliques et des prescriptions masculines, cette retraite secrète dans un grenier à foin libérera leur parole et ces échanges leur permettront de décider de leur avenir.
Un roman / témoignage d'un auteur qui a vécu l'excommunication d'une telle communauté (moins fondamentaliste cependant) qui se lit d'une traite
Un étonnement de lire que de telles situations existent encore...
Un auteur rencontré grâce à Babelio que je remercie vivement
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Quel livre atypique et original ! J'ai beaucoup aimé le style narratif, ce compte-rendu écrit au fil de la discussion des femmes mennonites, ces phrases jetées sur le papier au gré des idées, les digressions d'August, le "greffier" désigné dans cette entreprise. Je me suis attachée à ces femmes fortes, qui ne semblent avoir aucun pouvoir, mais qui arrivent tout de même à choisir leur destin et qui se prennent en main.
J'ai été outrée par certaines croyances, par ces viols déguisés, par ces fausses excuses (les femmes ont été violées par des démons parce qu'elles avaient fait de mauvaises actions, et puis quoi encore ???). le statut de la femme dans ces sociétés mennonites est plus bas que bas : elles ne savent ni lire ni écrire et se font raconter la Bible par les hommes (autant dire qu'ils peuvent en détourner certains propos à leur avantage). Elles sont censées n'avoir aucun pouvoir de décision et se font battre (quelques-unes) par leur mari.
Mais ces femmes sont beaucoup plus fortes que nous le croyons, et très intelligentes même si elles n'ont pas reçu d'éducation.Elles ont pesé le pour et le contre pendant tout le débat, ont fait des réflexions poussées, elles ont argumenté. J'ai été très touchée par leur solidarité, par leur joie de vivre, par le ton bourru de certaines, mais aussi par leur sensibilité.
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J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans du fait du style "compte-rendu", "Procés verbal" et des nombreux personnages d'emblée. Puis une fois le rythme pris, j'ai adoré l'histoire, l'ambiance, le parti pris de faire raconter l'histoire par un homme, à la fois impliqué et avec son histoire en filigrane. Comme c'est beaucoup dialogué, je pense qu'on doit aussi pouvoir en tirer une excellente pièce de théâtre.
C'est tiré d'une histoire vraie. Cela m'a donné envie d'en savoir plus sur la communauté décrite (dont vient l'autrice).
Je recommande sa lecture aux féministes mais aussi à ceux et celles qui aiment les huis-clos façon "8 hommes en colère" ou les débats d'idées.
2 très beaux personnages : Ona et August.
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