Citations sur Liban : De la Non-République à la République-poubelle (13)
Que nous offrent-ils, tous ces pantins qui nous gouvernent et qui se chamaillent pour se partager notre avenir ? Des promesses ? Un réconfort ? Une assurance contre la peur ? Rien. Ils ne nous offrent rien. Seulement une réalité insupportable et l’absence de rêve. Et nous nous croyons différents des autres, meilleurs que les autres, enfermés dans nos bulles étanches, nous passons à côté.
Un déchet en lui-même n’est pas obscène ; il le devient quand il envahit le paysage et veut continuer à occuper la scène malgré son dépérissement et son odeur nauséabonde qui touche les esprits avant d’affecter les sens, aux prix de la mort d’un pays par suffocation ; et dans l’obscène, ce n’est pas tant ce que l’on montre qui est intéressant, mais ce que l’on cache.
Faute de courage pour regarder en avant, on ne cesse de mentir au peuple sur son passé et de ne lui offrir que la mendicité permanente comme alternative pour retarder les échéances : l’échéance principale étant devant nous : à savoir celle de l’effondrement de la république communautaire libanaise sous le poids de sa propre légèreté.
La République libanaise est née de l’incapacité des politiciens libanais de concevoir une nation. Elle est en train de périr par leur incapacité de créer un État. Il faut donc aujourd’hui reprendre l’État où il a été abandonné sous le poids de la facilité, de la cupidité, de l’aveuglement et des égoïsmes privés et tribaux.
Les gens ne veulent plus vivre en se cognant à des fantômes, ils ne veulent plus être à la merci d’un monstre, ce monstre qui rôde, ce monstre qui est partout. La mort partout. C’est en pensant à eux que j’ai écrit ce texte, mais en le relisant je vois bien qu’il parle surtout de quelqu’un d’autre. Il parle de moi.
La crise, en somme, ce sont des liens qui se délitent, qui se défont, chacun avec sa tribu, chacun dans son coin, vivant dans la hantise de l’autre. C’est l’espace commun qui devient un champ de ruines où l’ignorance se drape de religion, la démagogie de politique et l’imbécillité de fabrique d’opinions. On n’a plus de vision commune, on n’a plus des projets communs. On dit juste : à quoi bon, ce n’est pas grave.
Je veux vivre à fond chaque instant en essayant de donner tout ce que je peux donner tout en pensant à tous ceux qui vivent ici et là-bas, des deux côtés de la frontière, qui sont passés de l’autre côté de la vie. J’aimerais ne pas les oublier, pour ne pas oublier combien tout est précieux à jamais.
De faire de vous les esclaves de l’alliance des anciens et nouveaux bandits financiers et politiques. De vous remplacer par des chiffres sans désirs ni identités, victimes et votants de vos bourreaux. Je me dis que, quelque part par ici, il faut que les valeurs renaissent dans ce siècle où la seule valeur est une non-valeur.
Ou bien rester quand même ? Pour subir la loi des armes, les caprices des gangs, les pouvoirs mafieux, la justice décapitée, l’avenir bloqué, la médiocrité et l’arrogance, l’ignorance et la prétention, la cupidité et l’égoïsme, l’aveuglement et la violence.
On va se lever et continuer autrement, n’importe comment, à l’aube d’une ère nouvelle. Ou, au pire, continuer comme avant, notre vie minable, notre boulot minable nos rêves minables et notre quotidien minable.