AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,94

sur 108 notes
5
4 avis
4
3 avis
3
3 avis
2
2 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
Compilation de textes de J. R. R. Tolkien.

L'humain Beren et l'Elfe Luthien vivent un amour interdit. Pour obtenir le droit de s'aimer librement, ils partent dans les Terres du Milieu pour reprendre un Silmaril à l'infâme dieu Morgoth. « Lui seul de tous les mortels revint des salles de Mandos ; il demeura avec Luthien et ne s'adressa plus jamais aux Hommes, vivant dans les bois du Doriath et sur le Plateau des Chasseurs, à louest de Nargothrond. » (p. 70)

Voilà pour le conte tel qu'imaginé par Tolkien. Cela ne fait pas tout un ouvrage. le livre présente en fait les différentes versions de cette histoire, regroupées par Christopher Tolkien, fils de l'auteur et exécuteur littéraire de l'oeuvre de son illustre paternel. Outre le conte sous ses diverses formes (réécritures, variations, prose ou poésie), le livre atteste du travail de recherche de Christopher Tolkien et de sa volonté d'analyse et de récollection pour faire honneur au travail de son père et le rendre accessible au plus grand nombre. C'est intéressant, mais de fait, ce qu'il place entre les mains du lecteur, c'est moins un divertissement qu'un ouvrage scientifique.

Comme dans le Silmarillion, je n'ai pas accroché pas aux généalogies interminables et aux géographies complexes inventées par Tolkien. D'aucuns m'objecteront que c'est précisément un des nombreux intérêts de l'oeuvre de Tolkien. Il est temps de se résigner... Je vais m'en tenir à mon souvenir émerveillé des aventures de Bilbo et de Frodon et ne plus plonger les yeux dans l'univers de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          140
La mauvaise note porte sur cette édition française précisément.

UN VIEUX ET ÉMOUVANT PROJET



Ces dernières années, Christopher Tolkien, qui est à son père J.R.R. Tolkien tout ce que Brian Herbert n'est pas à Frank Herbert, a complété ses colossales éditions de l'Histoire de la Terre du Milieu (dont on aimerait bien que la suite paraisse en français, nous n'en sommes qu'au cinquième volume, avec La Route perdue…) par la publication de textes ne faisant pas partie du légendaire tolkiénien, mais témoignant des influences de l'auteur au travail, entre sagas norroises et variations arthuriennes. Beren et Lúthien, par contre, est un retour à la matière de la Terre du Milieu, délaissée depuis une dizaine d'années – et probablement l'ultime ? Christopher Tolkien n'en fait pas mystère : âgé de 93 ans, il suppose qu'il s'agira très probablement là de « son » dernier livre…



Et sans doute fallait-il que ce soit celui-ci précisément ? le projet de consacrer un livre à l'histoire de Beren et Lúthien remonte à trente-six ans de cela (tout de même), peu après la publication du Silmarillion, et avant de se lancer dans l'immense chantier de l'Histoire de la Terre du Milieu, que Christopher Tolkien envisageait alors comme un document de travail, en tant que tel impubliable. Mais le fils savait l'importance que le père accordait à ce conte – peut-être même à ses yeux la clef de toute l'histoire du Premier Âge, mais connu alors des lecteurs seulement via de brèves allusions dans le Seigneur des Anneaux (tournant notamment autour du couple formé par Aragorn et Arwen, clairement une réminiscence de Beren et Lúthien) et des éléments certes un peu plus développés dans le Silmarillion, bien loin cependant de l'ampleur attendue pour un élément aussi fondamental…



Or, oui, l'histoire était cruciale pour J.R.R. Tolkien – elle lui tenait d'autant plus à coeur qu'elle entretenait une relation marquée avec des événements de sa propre vie ; notamment une scène constamment rappelée de sa convalescence de la maladie des tranchées, en 1917, quand son épouse Edith a dansé pour lui dans une clairière envahie de ciguës… C'est elle, Lúthien.



Et Lúthien, c'est l'héroïne tolkiénienne ultime – les mauvaises langues diraient que c'est la seule… Je ne le crois pas pour ma part (ou du moins est-ce incomparable avec, disons, l'oeuvre d'un Lovecraft, dont les femmes sont tout bonnement absentes) : dans le Seigneur des Anneaux, même si l'on rejette Galadriel (un très beau et très complexe personnage par ailleurs) du fait de son caractère peu ou prou divin à ce stade de l'histoire de la Terre du Milieu, ou Arwen, même avec ce qu'elle a de réminiscence de Lúthien, justement, parce qu'elle ferait un peu trop tapisserie, reste d'autres beaux personnages féminins, certes bien plus rares que les masculins, mais une Eowyn vaut bien un Aragorn en ce qui me concerne. Les âges antérieurs n'en sont par ailleurs pas dépourvus, sur des modes éventuellement très divers – pensons, par exemple, à Erendis, l'épouse d'Aldarion, dans les Contes et légendes inachevés. À vrai dire, durant le Premier Âge, la propre mère de Lúthien, Melian, brille d'un charisme qui lui est propre – même si, pour le coup, elle a un caractère divin très concret, et non seulement métaphorique, comme en ce qui concerne Galadriel ; quant à Nienor, soeur et épouse de Túrin Turambar, elle a pour elle d'être douloureusement tragique.



Mais Lúthien, certes, c'est encore autre chose… le titre de l'ouvrage, qui est aussi le titre que l'on emploie le plus souvent pour désigner la légende, associe deux personnages, le couple formé par un homme et une femme, dans cet ordre. Toutefois, le premier état de la légende, le « Conte de Tinúviel », ne met ainsi en avant que le seul nom de l'héroïne (ou plus exactement le surnom qui lui a été conféré par Beren), et je crois que cela a son importance. Dans tous ces récits, très divers, sans doute Lúthien n'a-t-elle rien d'une combattante (laissez de côté vos mauvais fantasmes à base de bikini de maille), mais elle est en même temps celle dont le comportement est véritablement, pleinement héroïque : Beren pourrait n'être qu'un impulsif un peu sot et sans doute bien trop orgueilleux, mais pas Lúthien, qui est le personnage de toutes les audaces, et dont le sacrifice n'a rien d'une navrante subordination ménagère, mais témoigne du plus libre et assuré des choix, comme acte de volonté ultime.



Tolkien y attachait une immense importance – et y associait donc son épouse Edith. Ceci, depuis 1917 – mais il l'a fait jusqu'au bout : quand Edith meurt, en 1971, Tolkien fait inscrire le surnom de « Lúthien » sur sa tombe ; quand il meurt à son tour, deux ans plus tard, et rejoint son épouse dans le même caveau, les enfants Tolkien le qualifient à son tour de « Beren »… L'histoire, dès lors, ne compte pas qu'aux yeux du célèbre auteur – mais tout autant aux yeux de son fils Christopher. Rien d'étonnant, finalement, à ce choix de revenir en dernier recours au vieux projet consistant à livrer un ouvrage intitulé Beren et Lúthien, soit l'ultime hommage à ses deux parents.



RIEN D'INÉDIT



Mais il ne faut pas se méprendre sur ce que ce livre contient à proprement parler – il le faut d'autant moins que la presse a raconté un peu n'importe quoi à ce propos…



Et tout d'abord, l'essentiel : il ne s'agit pas d'un « inédit » de Tolkien. Pas du tout. Il s'agit d'une compilation de textes pas le moins du monde inédits, et d'ailleurs en français comme en anglais, puisque la quasi-totalité de ce que l'on peut lire ici figurait dans les cinq tomes traduits de l'Histoire de la Terre du Milieu, essentiellement le deuxième tome du Livre des Contes perdus et Les Lais du Beleriand. Un lecteur qui s'en serait tenu aux romans de Hobbits y trouverait donc éventuellement du neuf, mais il serait bien le seul dans ce cas.



Par ailleurs, il ne s'agit pas non plus d'un projet comparable à celui des Enfants de Húrin, il y a dix ans de cela, soit la dernière publication anglaise rattachée au Légendaire ; or la tentation était grande de faire cette comparaison, car ce volume, en fin de compte, racontait « l'autre » grand mythe du Premier Âge sur lequel Tolkien est très souvent revenu… Seulement voilà : sur la base de textes amplement développés, Les Enfants de Húrin avait pour fonction de livrer au lecteur un texte continu narrant la légende de Túrin Turambar, etc. Et c'était la grande réussite de cet ouvrage que d'avoir apporté au lecteur craignant un peu de s'aventurer dans le Silmarillion ou, à plus forte raison, dans l'Histoire de la Terre du Milieu, un récit suivi, parfaitement lisible sans outrance de commentaires et de notes, et, par ailleurs, une magnifique, poignante et puissante saga qui vaut bien le Seigneur des Anneaux en matière de souffle épique. Beren et Lúthien n'est pas du tout du même ordre : ce volume ne livre nullement un récit continu – pour la bonne et simple raison que ce récit continu n'existe pas… Certes, il y a la base du « Conte de Tinúviel », dans le Livre des Contes perdus, mais le récit a considérablement évolué par la suite – surtout en vers, toutefois, avec le Lai de Leithian, issu des Lais du Beleriand : en prose, nous n'avons alors que des synthèses ou résumés, pour l'essentiel… Tout cela ne permet donc pas une lecture continue, qui n'est pas du tout l'objet de cette compilation – puisque c'est bien de cela qu'il s'agit : une compilation, centrée sur les variations d'une même histoire.



Il s'agit donc bien plutôt d'avancer au fil des versions pour voir comment la matière évolue, passant d'un texte à l'autre en fonction des nécessités de la compréhension – ce qui a son corollaire : le Lai de Leithian lui-même n'est ici pas en continu, et il n'y est même pas en version intégrale, puisque les chants considérés comme de simples redites par rapport au « Conte de Tinúviel » ont été délibérément abandonnés… Approche pour le coup assez étrange.



Et qui traduit une difficulté essentielle de ce petit volume ? Il est un peu « le cul entre deux chaises »… au risque de ne satisfaire personne ? Les amateurs des seuls romans de Hobbits risquent d'être rebutés par ce format, par la langue employée dans ces versions très archaïques, et par la densité des commentaires, qui apparaîtront pourtant très limités aux yeux des exégètes habitués aux précédents volumes consacrés au Légendaire ; lesdits exégètes n'y trouveront par ailleurs rien d'inédit, et pourront hausser le sourcil, perplexes, devant certains choix éditoriaux qui peuvent sembler un tantinet paradoxaux, dont des césures plus ou moins justifiables, un appareil scientifique limité… et  un texte français passablement douloureux.



L'intention de Christopher Tolkien était bien légitime, et « bonne » si l'on ose dire, mais le résultat s'avère plus ou moins convaincant…



Et, pauvres de nous, en français, il nous faut rajouter un très fâcheux écueil de cette publication : une traduction qui pique et pas qu'un peu… Car ce sont les traductions existantes qui ont été reprises, pour l'essentiel, même si Daniel Lauzon a complété par-ci par-là, peut-être aussi passé un coup de chiffon à l'occasion dans un souci de cohérence – mais clairement pas assez… le lecteur français retrouvera donc ici, pour son plus grand plaisir (…), la traduction, issue du Livre des contes perdus, du « Conte de Tinúviel » par Adam Tolkien, le petit-fils du romancier, peut-être pas son meilleur passeur dans la langue de Bernard Werber, et celle du Lai de Leithian par Elen Riot – or cette dernière tout particulièrement s'avère, disons-le, insupportable, d'autant que nous n'avons pas cette fois, comme dans Les Lais du Beleriand, le texte anglais sous les yeux pour comparer et souffler un peu… J'y reviendrai après coup.

LA BASE : LE CONTE DE TINÚVIEL



Réduit à sa plus simple expression, dont le Seigneur des Anneaux fournit quelques échos, le conte de Beren et Lúthien narre les amours héroïques de l'homme Beren et de l'elfe Lúthien, et comment le couple impossible a réussi l'impensable en ôtant un Silmaril de la couronne de Morgoth (ce qui serait déterminant pour les événements marquant la fin du Premier Âge), puis comment Lúthien a obtenu de Mandos que Beren, ayant succombé à ses blessures, revienne parmi les vivants, au prix de sa propre immortalité. Une histoire aussi épique que poignante, qui revient sans cesse dans l'imaginaire tolkiénien. Mais cette histoire, tout en conservant du début à la fin certains aspects fondamentaux, a considérablement évolué au fur et à mesure que Tolkien approfondissait son Légendaire, pour lui donner une ampleur et une densité sans commune mesure.



Le « Conte de Tinúviel », figurant dans le Livre des Contes perdus, est le plus vieil état de cette histoire dont nous disposions – mais il semblerait qu'il en ait existé un autre encore antérieur, définitivement perdu. L'histoire contient déjà bien des éléments qui seront toujours repris par la suite, elle constitue la base sur laquelle Tolkien brodera, mais ce qui saute le plus aux yeux, ce sont les divergences.



Une, tout particulièrement, s'avère très étonnante, parce que, à nos yeux de lecteurs bien postérieurs, elle paraît contrevenir au principe essentiel même de la légende, à savoir le fait que le couple constitué par Beren et Lúthien, alors, n'unit pas un homme et une elfe, mais deux elfes, même de « race » différente (Beren étant un Noldo – ou plus exactement un Gnome, nom qu'emploie alors Tolkien et qu'il délaissera par la suite, ouf) ; peut-être faut-il en déduire que l'essentiel est en fait ailleurs ?



Autre différence pour le moins étonnante, dans la forme comme dans le fond, quand il s'agit de mettre en scène la captivité de Beren dans les tréfonds de la demeure d'un serviteur de Morgoth. Ce sbire, originellement… est un chat ! Et le ton des échanges est dès lors assez… particulier, avec quelque chose d'enfantin éventuellement – débouchant sur l'image saugrenue d'un Beren contraint de chasser les souris pour faire la démonstration de sa valeur ! Dans l'éternel débat (ô combien pertinent) opposant amis des chiens et amis des chats, Tolkien avait choisi son camp – et ce n'était pas celui de son contemporain Lovecraft :



[...] c'est pourquoi il [Melko] donna maintenant des ordres pour que Beren fût asservi à Tevildo Prince des Chats. Or Tevildo était un chat puissant – le plus puissant de tous – et possédé par un esprit maléfique, comme le disent certains, et il était constamment dans la suite de Melko ; et ce chat était suzerain de tous les chats, et lui et ses sujets étaient les chasseurs et les preneurs de viande de la table de Melko et de ses nombreux festins. C'est pourquoi il y a encore de la haine entre les Elfes et tous les chats, même maintenant que Melko ne règne plus, et que ses bêtes ne tiennent plus qu'une petite place.



Quand donc Beren fut emmené vers les palais de Tevildo, et ceux-ci n'étaient pas si distants de la place du trône de Melko, il fut grandement effrayé, car il n'avait pas prévu que les événements prendraient une telle tournure, et ces palais étaient mal éclairés et étaient emplis de grognements, et de ronronnements monstrueux dans l'obscurité.



Tout autour brillaient des yeux de chats qui luisaient comme des lanternes vertes ou bien rouges ou jaunes là où les seigneurs de Tevildo étaient assis à agiter et à fouetter leurs magnifiques queues, mais Tevildo lui-même siégeait à leur tête et c'était un chat très puissant, noir comme charbon et maléfique à voir. Ses yeux étaient longs et très étroits et bridés, et ils luisaient et de rouge et de vert, mais ses grandes moustaches grises étaient aussi épaisses et acérées que des aiguilles. Son ronronnement était comme un roulement de tambours et son grognement comme le tonnerre, et quand il hurlait de colère ce hurlement glaçait le sang, et en vérité les petits animaux ou bien les oiseaux se figeaient comme de la pierre ou bien s'effondraient souvent sans vie au son de celui-ci. Or Tevildo, voyant Beren, plissa les yeux jusqu'à ce qu'ils semblassent clos, et il dit : « Je sens le chien », et Beren lui déplut à partir de ce moment. Or Beren avait aimé les chiens dans sa demeure sauvage.



Mais justement : ce choix d'un vilain félin donne un tout autre sens à l'apparition dans le récit du chien Huan – qui est alors un limier de poids sans doute, mais pas le moins du monde lié aux fils de Fëanor : ceci n'apparaîtra que par la suite, quand Tolkien rendra son conte originel plus complexe en l'insérant dans une véritable géopolitique du Beleriand.



Bizarrement ou pas, Huan restera, donc – mais pas Tevildo, qui sera remplacé dans les versions ultérieures par Thû, nécromancien et seigneur des loups-garous (certes une autre manière de justifier le maintien du chien Huan), que l'on appellerait ultérieurement… Sauron ; d'où un lien avec les événements du Troisième Âge, et notamment de la Guerre de l'Anneau, qui n'est pas si fréquent dans le Légendaire focalisé sur le Premier Âge.



Les divergences sont nombreuses par la suite également, et la scène impliquant Mandos sonne forcément différemment, mais, d'une certaine manière, Tolkien ne reviendra jamais par la suite à quelque chose d'aussi achevé – les ultimes scènes, incluant les morts de Carcharoth et de Beren, sont souvent voire systématiquement manquantes, j'ai l'impression ; et, par ailleurs, on ne sait guère ce qu'il en est du couple des « morts-vivants » revenus des cavernes de Mandos – ce qu'un autre récit éclaire cependant, « Le Nauglafring », un autre extrait du Livre des Contes perdus, repris plus loin dans ce volume, et qu'il faut compléter par les événements liés au voyage d'Eärendil, dont la version qui nous est donnée ici, et qui conclut peu ou prou le volume, est extraite du Silmarillion.



VARIATIONS



Mais, par la suite, Tolkien, à son habitude, est revenu sans cesse sur ce qu'il avait écrit, en modifiant son récit initial et en lui donnant davantage d'ampleur, ceci notamment en l'insérant dans un ensemble plus vaste et cohérent, constituant le Légendaire à proprement parler. le « Conte de Tinúviel » originel, ainsi, connaîtra nombre de variations, essentiellement
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
Commenter  J’apprécie          40


Lecteurs (464) Voir plus



Quiz Voir plus

Le seigneur des Anneaux

Quel est le métier de Sam ?

cuisinier
ébéniste
jardinier
tavernier

15 questions
5553 lecteurs ont répondu
Thème : Le Seigneur des anneaux de J.R.R. TolkienCréer un quiz sur ce livre

{* *}