Quand perd-on la capacité à être joyeux ? À quel âge enterre-t-on l'enfant que nous fûmes ? Pourquoi commet-on cette erreur stupide ?
Nous voyons ce que nous avons besoin de voir, ce que nous voulons voir. Ou plutôt, nous voyons ce que nous sommes capables de supporter. Le reste, on le modifie, on l'efface.
Combien de temps au cours de son existence un homme peut-il cumuler les compromis et supporter les offenses, aussi adroitement déguisées soient-elles ? Combien de temps avant que la digue ne rompe ?
Je serais curieux de savoir, parmi tous ceux que j'ai croisés au long de ma vie, qui n'a jamais souhaité le malheur d'autrui. Qui n'a pas souhaité que cet énergumène excité, qui vient tout juste de lui faire une queue-de-poisson, ne finisse pas sa course dans un platane. Qui n'a pas souhaité que cette femme ou cet homme pour qui l'on a été quitté soit quitté à son tour pour une plus jeune ou un plus riche. Qui n'a pas souhaité que son collègue aux dents longues soit viré pour abus de bien social ou harcèlement moral. Vous, peut-être ?
Souhaiter n'est pas tuer.
Le temps ne guérit pas: il se contente d'enfouir.
Les grandes douleurs unissent plus sûrement que les joies.
Combien de fois, Céleste, m'as-tu demandé pourquoi je ne m'étais jamais remariée? Tu m'as présenté les pères célibataires de tes amies d'école, quelques professeurs, tu m'as inscrite à mon insu sur un site de rencontres.
C'était peine perdue, ma fille : mon cœur s'est rétracté depuis longtemps. Il n'y a plus de place que pour toi et pour Milo. Les hommes m'ont piétinée, ils m'ont pissé dessus.
« On avait ce jeu tous les deux, pardonnable, impardonnable. Tu voles dans mon porte-monnaie : pardonnable. Un hold-up : pardonnable. Tu as commis un homicide involontaire : pardonnable. Un meurtre : pardonnable. Un assassinat, je viendrai te voir en prison ! On cherchait pour quel motif on pourrait bien se laisser tomber, lui et moi, on n'en voyait aucun : tout ce qui pourrait arriver de mauvais ou de contrariant, à l'un comme à l'autre, aurait forcément une explication, sinon une justification. Ce qui est bien, disait Milo en collant son nez dans mon cou, c'est de savoir que quelqu'un sera là pour toi quoi qu'il arrive, qu'au moins une personne au monde ne cessera jamais d'avoir confiance en toi. Ce qui est bien, répondais-je, c'est de savoir qu'une personne au monde, rien qu'une seule, tient à toi pour toujours. Quoi qu'il arrive. »
J'ignorais, à l'époque, qu'il ne faut jamais accepter l'aide financière d'une mère fusionnelle : une fois le capital remboursé, les intérêts restent dus à vie.
C'est toi qui as choisi ce prénom, Marguerite, moi je me fichais bien qu'elle s'appelle Nadège, Coralie ou n'importe quoi d'autre, mais tu as choisi Marguerite et j'ai pensé : je t'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, PAS DU TOUT.