Citations sur Un tesson d'éternité (128)
Elle lui en veut d’être aussi défaitiste. Puis elle se souvient qu’il n’est pas un homme de combat. Il n’a jamais été acculé, aux abois. Il ignore ce que le corps et l’esprit peuvent déployer lorsque la terreur s’infiltre. C’est à elle de prendre les choses en main.
Le monde vient de basculer, mais personne ne se presse, personne ne s’affole.
Une langue de mistral s’insinue et virevolte dans la maison, à moins qu’il ne s’agisse d’une simple sensation, ou d’un produit de son imagination.
À présent, elle y est engluée. Elle aimerait s’y attarder – encore un peu. Son esprit refuse l’intrusion du réel, s’arc-boute quelques secondes, puis l’instant d’après, c’est son cœur qui cogne, la peur qui jaillit, le sentiment d’une urgence extrême, d’un danger, elle redresse le torse dans le lit, secoue son mari, lève-toi, Hugues !
Plus que tous les autres, elle avait été dégoûtée par la réaction de cet homme. Mais le danger qu’elle avait vu en lui en une fraction de seconde, les dommages qu’il pouvait causer, cet homme dont la seule posture indiquait qu’il se sentait puissant, qu’il l’était probablement, l’avait emporté sur le dégoût. Alix était à l’évidence de la race des guerrières. Anna était de celle des survivantes : elle s’était contentée de ruminer des injures sans les prononcer.
Elle aime que tout soit sous contrôle, son contrôle. C’est le prix à payer pour garantir l’essentiel, c’est-à-dire cette vie choisie, construite, sa belle villa sur les hauteurs, sa famille solide, cette réputation, ce respect qu’on lui témoigne. C’est bien peu, finalement. Oui, vraiment, quand elle y pense, elle n’y voit aucune contrainte, plutôt un bénéfice.
Anna ne pouvait espérer mieux : son fils adoré va intégrer l’un des rares secteurs dont l’avenir semble sûr. Il sera à l’abri des désillusions qu’a pu subir son père, son métier évoluera au fil des progrès de la technologie et lorsque les robots coderont à sa place, il faudra encore des êtres humains pour concevoir et programmer les robots, au moins un certain temps.
Apprendre qu’elle avait été condamnée à de la prison pour des faits de violence, ce qui indiquait un certain niveau de gravité, l’avait plus tard confortée dans cette opinion.
Une femme que l’on n’avait jamais vue dans les environs avait volé un fond de teint. C’était un larcin sans importance, mais l’affaire s’était envenimée lorsque Coline, la préparatrice, l’avait empêchée de quitter les lieux. La femme s’était débattue, insultant Coline puis Anna venue prêter main-forte. Elle jurait avoir oublié de reposer la boîte sur l’étagère, s’indignait qu’on la traite de voleuse, mais étrangement, refusait de lâcher l’objet qu’elle serrait d’un poing blanc, comme vidé de son sang.