Jean-Philippe Toussaint - «
Faire l'amour», Editions de Minuit, 2002 (EAN13 : 9782707318008)
J'avais acheté cette chose lors de sa sortie, dans une librairie de gare, en me fiant d'une part à l'éditeur, d'autre part à la critique dithyrambique de
Patrick Kechichian reproduite en quatrième de couverture.
Dès la première phrase du roman, le ton est donné :
"J'avais fait remplir un flacon d'acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l'idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu'un."
Dernière phrase du premier chapitre : les deux "héros" («je» et «Marie») se trouvent sur un pont, après un tremblement de terre minuscule qui leur a fait très peur : la délicatesse et l'élégance de l'auteur débordent dans une effusion bucolique :
"Le jour se levait sur Tokyo, et je lui enfonçais un doigt dans le trou du cul."
Pour faire bonne mesure, l'éditeur croit utile de joindre en fin de volume une contribution explicative rédigée par un plumitif nommé
Laurent Demoulin, quelque fois que le lecteur soit trop idiot pour bien comprendre le rôle de quasi-métaphore de la bouteille d'acide chlorhydrique... Pitoyable.
Il ne se passe quasiment rien dans ce récit : un narrateur «je» débarque à Tokyo flanqué de sa Dulcinée prénommée Marie, qui pleurniche tout le long du récit. Ce couple est déjà au bord de la rupture.
Dans le premier chapitre, le narrateur vit une é-pou-van-ta-ble aventure ! Jugeons-en : il sort de l'hôtel en pleine nuit, il neige, et le pôvre chéri n'a mis à ses pieds que les mules en coton fournies par l'hôtel, lesquelles sont rapidement trempées. Quelle aventure ! Tartinée sur plusieurs pages.
Il grimpe au dernier étage de l'hôtel, et découvre une piscine à l'abandon dans laquelle il se baigne : quelle aventure ! Des pages et des pages de clichés les plus éculés du genre «les lumières de la ville sont à mes pieds, ah ce que c'est beau».
Dans le chapitre deuxième et dernier, il s'en va chez un copain à Kyoto, et y contracte un rhum : quelle aventure ! le voilà revenu à Tokyo, où il ne retrouve plus sa Marie, qui a dans l'entre-temps réservé ses pleurs aux Japonais.
Et pour se donner des sensations fortes, tout en produisant une métaphore ô combien puissante, le narrateur porte sur lui une fiole d'acide chlorhydrique : quelle terreur !
Le genre de roman qui – comme dans le cas de
Virginie Despentes – me met rapidement dans une colère intérieure irrépressible. Comment peut-on utiliser un tel talent d'écriture à écrire de telles insanités ??? Qu'un quidam commette des choses pareilles tout en ayant un incontestable talent d'écriture, c'est déjà navrant. Qu'un éditeur comme les éditions de Minuit s'abaisse à ce genre de tartufferie me révolte. Mais que des critiques ayant pignon sur presse entonnent une louange effrénée de «ça», j'en reste pantois et furieux. Quel snobisme !
Vite, passons à autre chose : j'ai physiquement l'impression d'être sali après cette lecture. Destination poubelle.