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EAN : 9782707318022
224 pages
Editions de Minuit (11/09/2002)
3.71/5   193 notes
Résumé :
Le livre raconte l'été à Berlin d'un historien d'art qui se prépare à écrire un essai sur Titien Vecellio et, dans le même temps, décide d'arrêter de regarder la télévision. C'est à la fois une description de son travail au quotidien (petits déjeuners studieux, piscines berlinoises, promenades dans les parcs), et une étude de son état d'esprit depuis qu'il a arrêté de regarder la télévision.
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Délicieux petit roman, le style si sympathique de Toussaint, cette drôlerie constante, cette distance ironique sur les événements vécus, cette façon de faire passer pour normales des situations absurdes, incarnée merveilleusement dans cette phrase entre parenthèses, là où le narrateur se lâche un peu : "la réalité, une fois de plus, était beaucoup plus simple : j'avais tout simplement oublié une fougère dans le frigo de mes voisins du dessus".

Tout est raconté avec naturel, la lecture De Musset nu dans un parc de Berlin où les gens se déshabillent sans que cela ne pose de problème à personne, l'arrosage des fleurs du voisin qui dit des mots d'amour en allemand à ses plantes vertes, les séances de piscines les lunettes sur le front, et surtout la décision irrévocable et révoquée sans cesse d'arrêter de regarder la télévision. La télévision, en plus de faire semblant de réfléchir sur notre rapport à la télévision, fait l'éloge de la paresse, le narrateur choisissant de travailler son livre sur Titien (ou le Titien, question qu'il ne résout pas et qui l'empêche d'écrire) en nageant plutôt qu'en écrivant.

Paradoxalement, le roman est le récit d'une non-écriture, d'un texte qui ne va pas plus loin que "Quand Musset" mais qui permet les histoires saugrenues racontées par un narrateur qui semble ne pas se rendre compte du caractère iconoclaste de son récit.

La télévision, c'est aussi un éloge de l'individu libre, qui fait ce qu'il veut, c'est à dire rien, mais observe ce qu'il fait, notant les détails les plus banals et les plus bizarres de sa vie de tous les jours en leur donnant le caractère d'une aventure nonchalante, montrant ainsi que c'est le regard que nous portons sur le monde qui fait de celui-ci soit une morne plaine soit une aventure carnavalesque. le narrateur de la télévision, mine de rien, est un type épatant, qu'on aimerait bien voir débouler au coin de la rue, se pencher sur les oeuvres complètes d'Alfred de Musset à la BCU ou faire ses traversées tranquillement à la piscine couverte de Payerne, entre le type en costume de bain bleu rikiki et la dame qui ne s'arrête jamais au bord de la piscine pour souffler un peu alors que moi, je suis obligé de m'arrêter après vingt mètres pour faire des ciseaux avec les jambes en attendant qu'arrivent les deux jeunes filles qui arrivent à nager et à causer en même temps.
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Lorsque j'avais lu, avec suprême délectation, La Salle de bain de J-Ph. Toussaint, je m'étais aperçu que, au-delà d'un procédé stylistique très original, la narration à la première personne constituait au fond la représentation de l'état psychique de la dépression – une excellente représentation.

Dans ce roman, percevoir une intention similaire a été plus évident : l'état psychique représenté est cette fois l'aboulie, le manque de résolution d'un chercheur universitaire face à son travail – une recherche à mon goût très alléchante sur l'art et le politique à l'époque du Titien et de Charles Quint. Serait-il nécessaire d'ajouter ici combien l'identification à la condition du narrateur est aisée pour quiconque ait exercé un travail semblable dans sa vie… ?

La télévision donc, c'est la résolution du protagoniste d'arrêter de la regarder, faite à la fois de moralisme attendu et de pusillanimité dans sa manière de s'y conformer, qui constitue le principal emblème de sa conduite dominée par les prétextes qu'il trouve pour justifier son inactivité. de surcroît la télévision, comme objet physique d'émission de sons et d'images, représente aussi la principale occasion de savourer les descriptions de Toussaint, si particulières, précises, menues, matérielles, très Nouveau Roman en somme – particulièrement la première, toute en syntaxe nominale, qui s'étend en une seule phrase de la moitié de la p. 22 jusqu'au début de la p. 25.

De ces descriptions tout aussi réussies, il y en a d'autres, qui situent facilement le lecteur dans le Berlin estival [un] où le narrateur passe son temps entre parcs, piscines et la pinacothèque de Dahlem, éloigné de sa famille [deux], et négligeant allégrement les plantes [trois] dont les Drecher, ses voisins partis en vacances, lui ont confié les soins – les trois autres pôles descriptifs.
En contrepartie, les moments d'action sont rares, mais ne manquent pas d'une extraordinaire cocasserie : je pense en particulier à la scène au parc du Halensee où le héros, dans son plus simple appareil, fait la rencontre de Hans Heinrich Melchelius, son directeur de recherche et octroyeur de bourse d'étude, ainsi qu'à celle, chez les Drecher, où il s'évade des toilettes pour atteindre la cuisine et extraire du réfrigérateur la fougère qu'il y avait placée.
En fait, l'humour est omniprésent dans le roman, à la fois dans l'auto-ironie de la situation du narrateur, dans l'hypertrophie descriptive, tout comme dans les quelques actions. Il culmine dans la chute du roman : trois téléviseurs en simultané ! Quelque chose me pousse à choisir un fragment du premier cas d'espèce :

« […] il y avait plutôt lieu de se réjouir, dans le fond, que, depuis bientôt trois semaines, par scrupules exagérés et souci d'exigence perfectionniste, je m'étais ainsi contenté de me disposer en permanence à écrire, sans jamais céder à la paresse de m'y mettre. » (p. 115)
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Livre au programme de la prochaine réunion du café littéraire auquel je participe dans ma commune.
J'imaginais, compte tenu du titre, que j'allais devoir lire un essai dans le style "avantages et inconvénients de la télévision".

Quelle bonne surprise en découvrant qu'il s'agissait d'un roman, certes minimaliste, dans la lignée du mouvement littéraire le nouveau roman, avec en plus une dimension humoristique.

Le narrateur est historien d'art. En 1995 il prend une année sabbatique pour rédiger un essai sur Titien ou le Titien. Installé à Berlin avec sa famille, il se retrouve seul pendant un mois d'été, Delon, son épouse, étant partie en vacances en Italie avec leur petit garçon.

Après avoir regardé à la télévision l'arrivée du tour de France sur les Champs Élysées, il décide d'éteindre définitivement sa télévision.

Alors qu'il est censé travailler sur son essai il va passer ses journées à procrastiner. Il se trouve mille et une occupations qu'il nous raconte par le menu comme ses repas, sa toilette et son habillement,ses promenades,la pinacothèque, la piscine, le nettoyage des vitres, l'arrosage des plantes,etc.
Même s'il lui arrive de réfléchir à son essai, la télévision reste omniprésente non seulement dans sa tête mais aussi dans ses yeux tournés vers les fenêtres des immeubles éclairés par les écrans de télévision.

Ce bref roman pourrait paraître sans intérêt, mais le style ironique et drôle de l'auteur divertit et réjouit le lecteur/lectrice.


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N°919– Juin 2015

LA TELEVISION- Jean-Philippe Toussaint – Les éditions de Minuit.

Le narrateur raconte qu'il a passé un été à Berlin, seul (son épouse et son enfant étaient en Italie) en compagnie d'un téléviseur qu'il ne regardait qu'avec modération au point qu'il était tout à fait capable de s'en passer. A quarante ans, il ne faisait rien en dehors des fonctions vitales, de la lecture et du sport. Rien, c'est beaucoup dire puisque, historien d'art, il avait choisi de mener à bien une étude du Titien Vecellio ( dit le Titien, 1488-1576), c'est à dire un vaste essai, remis d'année en année, et financé par une fondation privée, sur la relation entre les arts et le pouvoir politique. Pour cela il avait abandonné son poste à l'université, s'était rendu au Augsbourg où le peintre y avait rencontré Charles Quint. En effet, le narrateur entendait fonder son étude sur « l'épisode du pinceau »(apocryphe sans doute mais repris dans une nouvelle d'Alfred de Musset) au terme duquel l'empereur se serait baissé pour ramasser le pinceau tombé des mains du peintre.

Devant l'ampleur de la tâche, il prend soudain conscience que la télévision est anesthésiante et décide de s'en passer. En effet, il considère que la télévision n'impose chaque jour rien d'autre que des illusions de la réalité auxquelles il faut impérativement résister. Cela donne une série d'aphorismes, parfois assez inattendus sur le sujet.[« Or, c'est pourtant comme cela qu'il faudrait regarder activement la télévision : les yeux fermés ». ] Il livre à son lecteur un tas de petites anecdotes qui émaillent sa vie de célibataire berlinois temoraire. Il croit apercevoir un cambrioleur, s'occupe des plantes de ses voisins partis en vacances, croise l'image furtive d'une femme nue dans l'immeuble d'en face, se promène au gré de ses envies dans la ville ou se baigne nu dans un lac, autant d'épiphénomènes où domine le farniente, il est vrai entrecoupés de vagues recherches à la bibliothèque qui le distraient de son travail, ce qui n'occasionne chez lui aucun état d'âme particulier. Un peu cossard quand même ! Et puis pas très constant dans sa démarche, puisque l'interdiction qu'il s'est lui-même posée de ne pas regarder la télévision ne vaut, à ses yeux, que dans son microcosme personnel. Quand il est à l'extérieur de son appartement, cela en compte plus. Parfois au hasard des émissions, il croise des images de femmes qui le font toujours un peu fantasmer. Il ne peut d'ailleurs pas croiser l'une d'elles dans la rue sans être ému. Ces moments de furtif plaisir oculaire donnent d'ailleurs lieu de sa part à des évocations délicieusement sensuelles qu'il corrige parfois en posant ses yeux sur un téléviseur allumé, comme pour se punir lui-même.

Et son travail dans tout cela ? Il trouve toujours une bonne raison pour le remettre à plus tard, la piscine ou un musée par exemple, d'autant qu'il trouve toujours quelque chose de plus intéressant, qui monopolise son attention et qui donne lieu à de longues réflexions et à des descriptions aussi précises que pertinentes. Il lui arrive même de croiser un portrait de Charles Quint qui devrait lui rappeler son but initial mais que nenni ! Après tout, l'idée de cette étude, vieille de 4 ans déjà, pourra bien attendre encore un peu !

Ce roman est en fait une balade dans Berlin l'été ainsi qu'une réflexion humoristique écrite avec sa jubilation coutumière sur la télévision et son emprise sur ceux qui la regarde. Il le fait naturellement en n'oubliant pas de s'attarder sur le petit détail anodin qui aurait échappé au commun des écrivains et auquel il donne, on se demande bien pourquoi, une importance soudain démesurée mais sans pour autant que son lecteur ait l'impression de l'inutilité. Quant au téléviseur, Il se résout à le traiter par le mépris, c'est à dire à le regarder, même avec une certaine insistance, mais sans l'allumer !

En tout cas cela m'a procuré, malgré des phrases toujours aussi longues, une lecture jubilatoire. Faute sans doute de mener à son terme son travail universitaire, l'auteur a au moins accouché de ce roman ; ce n'est déjà pas si mal.
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Aux premières pages de ce livre, je trouvais le sujet intéressant: notre héros se décide à arrêter de regarder la télévision, comme ça, sans crier gare, d'un seul coup. Puis, ce sujet sur la télévision s'estompe pour laisser place à d'autres activités anodines mais qui prennent, sous la plume de Jean-Philippe Toussaint des allures d'un vaudeville bien écrit et rondement mené. Qu'est ce que je me suis régalé à la lecture de ce livre. Et quand je pense que notre héros a éteint sa télévision pour avancer dans un ouvrage qu'il a décidé de mener à terme mais dont il aura finalement peine à en voir le bout. Comme quoi, la télévision, elle nous empêche de vivre des aventures, bien réelles celles-là mais qui rendent notre quotidien bien plus amusant.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
J'ai arrêté de regarder la télévision. J'ai arrêté d'un coup, définitivement, plus une émission, pas même le sport. J'ai arrêté il y a un peu plus de six mois, fin juillet, juste après la fin du Tour de France. J'ai regardé comme tout le monde la retransmission de la dernière étape du Tour de France dans mon appartement de Berlin, tranquillement, l'étape des Champs-Élysées, qui s'est terminée par un sprint massif remporté par l'Ouzbèke Abdoujaparov, puis je me suis levé et j'ai éteint le téléviseur. Je revois très bien le geste que j'ai accompli alors, un geste très simple, très souple, mille fois répété, mon bras qui s'allonge et qui appuie sur le bouton, l'image qui implose et disparaît de l'écran. C'était fini, je n'ai plus jamais regardé la télévision.
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Je songeais avec effarement que nous étions dimanche matin, qu'il était un peu plus de neuf heures.
Et c'est alors que, continuant de regarder distraitement tous les téléviseurs allumés de l'immeuble d'en face, je fus frappé par la précense d'un téléviseur allumé tout seul dans un salon désert, nulle précense humaine ne se laissait deviner près de lui dans la pièce, un téléviseur fantôme en quelque sorte.
Enfin du bruit se fit entendre dans le couloir et Ursula apparut dans le salon. Elle pouvait avoir un vingtaine d'années, les cheveux noirs et pas coiffés, en robe de chambre en mousseline synthétique et pieds nus.
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Je m'étais allongée dans l'herbe. Les yeux fermés, je sentais le soleil caresser mon visage, mes cuisses brûlaient sous la toile de mon pantalon, et je finis par enlever mes chaussures avec mes pieds, appuyant les orteils sur le talon pour les ôter l'une après l'autre . Me contorsionnant sur le dos, je fis glisser mon pantalon le long de mes jambes pour le retirer. Je restai une dizaine de minutes en culotte dans l'herbe à ne penser à rien, tellement j'avais chaud. Sous l'arbre la partie de ping-pong était terminée, la jeune fille assise sur le petit banc se changeait, enlevait ses chaussettes pour laisser respirer un instant ses orteils à l'air libre
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« […] il y avait plutôt lieu de se réjouir, dans le fond, que, depuis bientôt trois semaines, par scrupules exagérés et souci d’exigence perfectionniste, je m’étais ainsi contenté de me disposer en permanence à écrire, sans jamais céder à la paresse de m’y mettre. » (p. 115)
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Je refermai mon livre, que je posai à côté de moi sur la pelouse, et je m'étendit sur le dos en fermant les yeux. Je ne bougeai plus , et je me demandais si je n'étais pas en train d'essayer de me dérober à mon travail, en demeurent ainsi étendu sur la pelouse, les pieds nus dans l'herbe que venaient chatouiller de minuscules brins d'herbe qu'une brise légère couchait le long de mes orteils. En même temps, n'était-ce précisément cela travailler, me disais-je.
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Vidéo de Jean-Philippe Toussaint
Philippe de la librairie le Divan partage ses lectures de la Rentrée littéraire 2023 "Une rentrée littéraire sans Jean-Philippe Toussaint c'est moins bien, donc là on en a deux, c'est formidable."
Notre mot sur "L'Échiquier" de Jean-Philippe Toussaint ----- https://bit.ly/3MrAIZy #coupsdecoeurduDivan #PhilippeDivan #lechiquier #jeanphilippetoussaint #leseditionsdeminuit #booktok #litteraturefrancaise #litteraturetraduite #ebook #livrenumerique Tous nos conseils de lecture ICI : https://www.librairie-ledivan.com/
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